Alimentation saine : priorité aux premières années de la vie

Acceptation des légumes et des fruits pendant l’enfance : impact de la génétique, des premières expériences et de l’environnement

Les recherches progressent sur la question de la faible consommation de fruits et légumes (F&L) par les tout jeunes enfants. Deux études aux USA révèlent que 1/3 des enfants de 6 à 9 mois et 1/5 de 9 à 12 mois, ne mangent jamais de F&L. L’augmentation de la contribution des F&L dans la ration alimentaire au-dessus de l’âge de 2 ans figure dans les recommandations américaines. Pour les enfants de moins de 2 ans cela pose plus de problème car les bébés ne mangent que ce qu’ils aiment.

Génétiquement les enfants «difficiles» consomment peu de F&L

Les F&L figurent parmi les aliments le plus souvent rejetés par les enfants dits «difficiles». Les comportements difficiles atteignent leur sommet vers l’âge de 20 mois et disparaissent entre 5 à 8 ans. La néophobie alimentaire, caractérisée par un refus des aliments inconnus, est également associée à une faible acceptation des F&L ; elle a une forte base génétique (72- 78%) dans la petite enfance. L’hypothèse que la néophobie et les comportements difficiles aient la même origine génétique, et que cela interagirait sur le goût pour les F&L, est posée 1. Cette hypothèse a été testée à partir des données sur les jumeaux de la cohorte britannique Gemini (2660 enfants de moins de 3 ans). « Etre un mangeur difficile » était significativement corrélé négativement avec le goût pour les F&L, en particulier pour les jumeaux monozygotes. Les gènes partagés contribuaient aux corrélations phénotypiques observées ; ainsi si un jumeau avait un score élevé sur « mangeur difficile », son co-jumeau avait tendance à obtenir un score faible pour les F&L. Ces résultats montrent qu’être difficile et le goût pour les F&L sont des traits héréditaires communs chez les jeunes enfants

Accepter les fruits et légumes n’est pas naturel chez le nourrisson

Le projet B-24 (US Department of Health and Human Services) évalue les preuves scientifiques sur les enfants de moins de 2 ans 2. Un constat : naturellement les bébés savent détecter les aliments énergétiquement et nutritionnellement denses ; ils évitent les produits qui ont un goût amer comme certains F&L. La préférence pour le sucré et le salé et l’aversion pour l’amer sont prépondérantes pendant l’enfance et l’adolescence. La perception de l’amer est très variable d’un individu à l’autre liée aux différences génétiques chez les nourrissons.

Comment améliorer l’acceptation d’un aliment chez l’enfant ?

Un enfant peut ne pas accepter un aliment en raison d’une aversion innée ou parce qu’il n’a pas reçu cette nourriture pendant une période «sensible» pour son introduction et sa familiarisation. Quel peut être le rôle de l’allaitement maternel et des aliments de sevrage, celui de l’expérience précoce du goût et des textures ?

Faire manger des F&L aux femmes enceintes et allaitantes.

Les sens qui sous-tendent la perception de l’arôme sont «plastiques» et peuvent être modifiés par l’expérience initiale. On sait maintenant que des substances volatiles alimentaires sont transférées vers le liquide amniotique et le lait humain. Une grande variété de saveurs ingérées (par ex fruits, légumes, alcool, épices) par la mère sont transmises à son liquide amniotique et/ ou à son lait. Un essai clinique randomisé a assigné des femmes enceintes ayant l’intention d’allaiter à boire du jus de carotte. Pour les nourrissons allaités passés aux aliments solides, l’acceptation des céréales simples vs céréales aromatisées à la carotte a été testée. Ceux qui ont connu la saveur des carottes dans le liquide amniotique ou le lait maternel ont répondu plus favorablement. Non seulement l’allaitement maternel confère un avantage initial aux bébés dans leur acceptation des F&L lorsque ces aliments font partie de l’alimentation maternelle, mais la continuité dans la saveur aide la transition aux aliments solides. L’allaitement maternel a ainsi un avantage certain par rapport aux préparations pour nourrissons 3.

Exposer l’enfant.

Comme les enfants, les nourrissons mangent plus de F&L auxquels ils ont été exposés à plusieurs reprises. Les nourrissons exposés de façon répétée à des légumes différents ont, non seulement mangé plus de légumes auxquels ils ont été exposés, mais ils ont aussi mangé plus de légumes nouveaux que les nourrissons exposés à un seul légume.

Masquer le goût.

Les 2 goûts préférés (salé et sucré) peuvent masquer le goût amer chez les enfants. Une étude clinique sur les enfants d’âge scolaire a montré que l’ajout de solutions diluées d’édulcorant aux légumes a diminué la perception des enfants de l’amertume et a augmenté leur goût pour les légumes. Pour les tout-petits, lors d’une exposition répétée à des haricots verts ou à des pêches, seuls ceux qui ont consommé les pêches après les haricots verts semblaient aimer le goût des haricots verts au-delà de 8 j d’exposition : le goût sucré des pêches a masqué l’amertume des haricots verts, en augmentant sa palatabilité et son goût.

Diversifier tôt.

Certaines données semblent étayer l’idée de périodes sensibles pour l’introduction d’aliments complémentaires. À toutes les étapes, plus les goûts et textures expérimentés sont variés, plus l’enfant est prêt à essayer de nouveaux aliments; cela signifie que les aliments complémentaires doivent être donnés en variant fréquemment le goût et que l’introduction précoce d’aliments complémentaires texturés (autres que la purée lisse) confère un avantage sur l’acceptation d’autres textures plus complexes, comme celles que l’on trouve dans la plupart des F&L 3.

Les expériences sensorielles doivent commencer tôt dans la vie

Commencées très tôt dans la vie, les expériences sensorielles peuvent façonner et modifier les préférences alimentaires. Le rejet de certains F&L, en particulier de légumes amers, chez l’enfant peut avoir une origine génétique mais aussi environnementale comme les pratiques d’alimentation maternelle. L’allaitement maternel et l’introduction en temps opportun d’aliments complémentaires prédisent l’acceptation ultérieure des F&L.

Martine Padilla
Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes, Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier (CIHEAM-IAM), FRANCE
  1. Fildes A., Van Jaarsveld C., Cooke L., Wardle J., and Llewellyn C.H. (2016): Common genetic architecture underlying young children’s food fussiness and liking for vegetables and fruit. Am J Clin Nutr 2016; 103: 1099–104.
  2. Mennella J.A., Reiter A.R. and Daniels L.M. (2016): Vegetable and Fruit Acceptance during Infancy: Impact of Ontogeny, Genetics, and Early Experiences. American Society for Nutrition. Adv Nutr 2016; 7 (Suppl): 211S–9S; doi:10.3945/an.115.008649.
  3. Harris G. & Coulthard H. (2016): Early Eating Behaviours and Food Acceptance Revisited: Breastfeeding and Introduction of Complementary Foods as Predictive of Food Acceptance. Curr Obes Rep (2016) 5:113–120 DOI 10.1007/s13679-016-0202-2.
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