Encourager la consommation des F&L à l’école

Agir sur les individus ou sur l’environnement pour modifier le comportement ?

Les enfants sont de petits consommateurs de fruits et légumes. En France, la moyenne de consommation est de 146,7 g/j pour les 3-17 ans, bien loin des 400 g recommandés. Or, il est nécessaire d’augmenter ce volume, sachant qu’une consommation conforme aux recommandations dès l’enfance augmente la probabilité de 2 à 6 de suivre les recommandations à l’âge adulte. Même si l’objectif est clair, on peut légitimement se poser la question du meilleur moyen pour cibler le comportement des enfants : agir sur l’individu en le responsabilisant ou en orientant ses choix, ou jouer sur son environnement.

L’ambiguïté des politiques

Une analyse récente des politiques de lutte contre l’obésité, menées en Angleterre depuis 2008 par le parti travailliste et les conservateurs, met ce dilemme en exergue1. Si tous deux considèrent que la lutte contre l’obésité relève de l’action publique, l’accent est mis sur la nécessité d’agir sur l’environnement obésogène pour les travaillistes, et sur l’individu pour les conservateurs. En accord avec le rapport Foresight 20072, tous reconnaissent finalement que les comportements sont déterminés par l’environnement, et simultanément ils proclament que les choix sont sous la seule responsabilité de l’individu.

Les interventions sont similaires : elles prônent avant tout l’information (campagnes marketing, labels) tout en agissant sur l’environnement par des engagements volontaires des industriels. Or, on sait le peu d’effet de l’information, voire son effet opposé à l’objectif recherché. Les Plans d’Actions sont ambigus ; prônant la responsabilité individuelle et la liberté, ils visent néanmoins à modifier les comportements conformément à une norme. Le but de ces plans semble être de démontrer l’engagement des gouvernements plutôt que de réellement résoudre le problème de l’obésité.

Agir sur les comportements des enfants dans le cadre scolaire

Les écoles fournissent un excellent cadre pour les interventions nutritionnelles de santé publique, car elles ont la capacité d’atteindre tous les enfants, indépendamment de leurs origines ethniques et socio-économiques.

Dans le contexte de l’étude danoise OPUS (Optimal well-being, development and health for Danish children through a healthy New Nordic Diet), une nouvelle diète alimentaire (NND) a été développée3. La ration était enrichie en légumes racines, feuilles, choux, herbes, plantes sauvages, baies, champignons et graines. Pendant 2 fois 3 mois, 834 enfants âgés de 8–11 ans ont reçu gratuitement des repas NDD à la place de leur lunch box habituelle. Les repas étaient produits localement dans chaque école, par des cuisiniers embauchés pour l’occasion. Des groupes de 4 à 6 élèves prenaient part à l’élaboration des repas.

La prise d’aliments de type NDD dans la semaine a augmenté significativement (de 4 à 16 fois) et le nombre d’enfants ne consommant pas les aliments NDD a décru. Cela montre qu’il est possible d’introduire avec succès de nouveaux aliments chez les enfants à condition qu’ils leur deviennent coutumiers. Il convient donc que l’action soit répétitive.

Instaurer des règles familiales

Une étude transversale a évalué l’effet différencié de règles familiales chez des enfants enrôlés dans le programme de prévention de l’obésité HEROES (Healthy, Energetic, Ready, Outstanding, Enthusiastic Schools) dans 3 Etats des Etats-Unis4. Elle avait pour but de voir la relation entre les règles sur l’alimentation et le temps affecté aux écrans (TV, ordinateur, jeux vidéo) et les comportements en matière de consommation de fast food, de boissons sucrées, de fruits et légumes. 2819 enfants de 9 à 15 ans de 16 écoles ont été inclus avec un groupe contrôle.

Le fait d’avoir des règles familiales sur l’alimentation (interdits et obligations) est significativement associé avec moins de fast-food, moins de boissons sucrées et davantage de fruits et légumes. L’absence de règles sur les écrans est significativement associée avec un plus fort IMC des enfants. Ces résultats confortent d’autres études menées en Italie, Belgique et Angleterre.

Il apparaît ainsi que les règles familiales peuvent être une stratégie pour modifier avec succès les comportements alimentaires des enfants. Les efforts de prévention de l’obésité devraient inclure la famille pour veiller à une cohérence des messages et renforcer les effets des actions.

Comme le dit S. Lahlou, changer les comportements alimentaires est un travail de longue durée, pour lequel il faut vaincre les contraintes technico-économiques, psychologiques et sociales. Il faut faire les choses avec les gens, pas pour les gens. La participation des sujets est une condition nécessaire pour obtenir qu’ils investissent leur énergie dans le changement.

Martine Padilla
Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes, Institut Agronomique Méditerranéen de Montpellier (CIHEAM-IAM), FRANCE
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