Pour une augmentation de la consommation de fruits et légumes chez les enfants

Après le β-carotène, voici l’ α-carotène!

De nombreuses études établissent qu’une consommation importante de fruits et légumes réduit le risque de diverses maladies chroniques comme les cancers, les maladies coronaires, les accidents vasculaires cérébraux, le diabète… Si les enquêtes prospectives mettent en évidence une relation entre des apports élevés en caroténoïdes alimentaires et un moindre risque de cancer et de maladies cardiovasculaires, en revanche, les études de supplémentation en β-carotène n’ont pas apporté la preuve d’un effet protecteur… C’est sans pourquoi l’on s’intéresse aujourd’hui à d’autres caroténoïdes, comme l’α-carotène, qui pourraient contribuer à la réduction du risque.

Peu d’études se sont encore intéressées aux effets de l’α-carotène. Leurs résultats sont contradictoires. Ainsi, une étude japonaise a mis en évidence que les sujets (39-80 ans) ayant des taux sanguins élevés en α-carotène présentaient un moindre risque de cancer et de maladies cardiovasculaires (MCV) après un suivi sur 12 ans. A l’inverse, aucun effet protecteur n’a été retrouvé dans d’autres études, comme celle des professionnels de santé américains avec un suivi de 2 ans… Ces divergences peuvent être liées à des différences démographiques entre les populations étudiées, à la trop faible taille des échantillons ou à la brièveté du suivi…

Une vaste cohorte issue de l’étude NHANES III

Pour tenter d’y voir plus clair, une équipe américaine vient d’étudier l’association entre les taux sanguins d’α-carotène, la mortalité toutes causes, par maladies cardiovasculaires et par cancer, sur une vaste cohorte issue de l’étude NHANES III.

L’étude NHANES III (1988-1994) a porté sur plus de 16 000 sujets âgés de plus de 20 ans, représentatifs de la population américaine. Les taux plasmatiques d α-carotène ont été mesurés chez plus de 15 000 participants. En 2006, les causes de mortalité ont été analysées et classées selon trois groupes : maladies cardiovasculaires, cancer et autres causes.

Les concentrations plasmatiques en α-carotène des sujets ont été stratifiées en 5 catégories (0-1, 2-3, 4-5, 6-8 et ≥ 9 μg/dl). Douze variables de confusion ont été prises en compte dans les analyses statistiques.

Une relation inverse entre la concentration en α-carotène et la mortalité

La concentration moyenne en α-carotène dans la population était de 4.79 μg/dl (4.22 chez les hommes, 5.31 chez les femmes). Sur les 15 318 sujets de la cohorte, 3 810 sont décédés sur une période de 13.9 années de suivi. On a mis en évidence une relation inverse entre la concentration en α-carotène et le risque non ajusté de mortalité globale, par cancer, maladies cardiovasculaires et autres causes. Cette relation a persisté après ajustement sur les caractères démographiques, le mode de vie et les facteurs de risques. La relation était particulièrement significative pour la mortalité par cancer des voies aéro-digestives, le diabète et les maladies pulmonaires chroniques.

Il est intéressant de noter qu’on a mis en évidence une relation dose réponse inverse entre la concentration en α-carotène, la mortalité toutes causes et par MCV. En revanche pour le cancer, cette relation dose réponse n’est retrouvée que pour les faibles concentrations. Ce qui veut dire qu’une forte concentration en α-carotène apparaît moins efficace pour réduire la mortalité par cancer que de faibles concentrations. Des constatations similaires ont été faites avec le β-carotène qui semble perdre ses propriétés antioxydantes à fortes concentrations.

L’α-carotène : un composant majeur des caroténoïdes

Jusqu’à présent les recherches se sont surtout intéressées au β-carotène et les études de supplémentation avec ce composé n’ont pas pu mettre en évidence d’effet protecteur sur la mortalité ou l’incidence des cancers et de maladies cardiovasculaires.

Même si l’α-carotène est un composant majeur des caroténoïdes, on a beaucoup moins étudié ses effets protecteurs potentiels. Les études in vivo suggèrent qu’il est 10 fois plus efficace que le β-carotène pour inhiber la prolifération des cellules de neuroblastome ; qu’il exerce un puissant effet inhibiteur sur la carcinogenèse hépatique et qu’il est plus efficace pour inhiber l’action pro tumorale du glycérol sur la carcinogenèse pulmonaire et les cancer cutanés.

En outre, une étude de population a démontré que la consommation de légumes orangés (carottes, patate douce, citrouille) et verts foncés (brocolis, haricots verts, petits pois, épinards, chou cavalier…) – qui ont une forte teneur en α-carotène – est fortement associée à une réduction du risque de cancer du poumon.

A l’évidence, d’autres études sont nécessaires pour élucider les mécanismes à l’origine de ces différences d’efficacité sur le cancer et les MCV entre α-carotène et β-carotène. Comme toujours, il est possible que les concentrations en α-carotène ne soient qu’un marqueur parmi d’autres au sein des multiples constituants bénéfiques des fruits et légumes. En tout cas, ce caroténoïde gagne à être mieux connu et mérite qu’on s’intéresse à ses effets protecteurs potentiels pour la santé humaine.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Chaoyang Li et al, Serum α carotene concentrations and risk of death among US adults, Arch Intern Med vol 71 (N°6) Mar 28 2011, 507-515.
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