Environnement des magasins alimentaires aux USA

Évolution de l’alimentation du paléolithique à nos jours : progression ou régression ?

Socialement, nous sommes au XXIème siècle, mais génétiquement nous sommes restés au paléolithique. Ce décalage temporel entre gêne et environnement expliquerait le raz de marée actuel des maladies dites « de civilisation », diabète de type II et maladies cardiovasculaires, en particulier. Ces maladies inconnues des rares populations de chasseurs-cueilleurs (C-C) dont l’alimentation et l’activité physique n’ont guère changé depuis le paléolithique supérieur, voient leur prévalence exploser lorsque ces populations adoptent notre mode de vie.

L’alimentation au paléolithique supérieur

D’une façon générale, l’alimentation était riche en protides, acides gras insaturés, en fibres et en potassium mais pauvre en graisses et en sodium. Le rapport K/Na était de l’ordre de 16/1, il sera inférieur à 1/1 dix mille ans plus tard. En outre, la teneur en vitamines hydrosolubles et en sels minéraux (zinc, fer et calcium) était élevée.

Les apports en macronutriments étaient variables du fait des conditions climatiques : par exemple, les glucides qui représentaient 75% de l’apport énergétique pour les populations vivant en milieu tropical n’en rendaient compte que de 15 à 20% chez les Inuits.

Néanmoins, au paléolithique, l’alimentation était dépourvue de trois quarts des composants de notre alimentation actuelle :

  • Les produits laitiers et leurs dérivés – qui représentent plus de 10% de notre apport énergétique. Seul était connu le lait maternel,
  • Les céréales (et sucres) raffinées qui représentent environ 25% de notre apport énergétique étaient inconnues,
  • Les huiles végétales raffinées et leurs dérivés qui représentent 18% de notre apport énergétique étaient également inexistants.
  • Le seul sel consommé était celui contenu naturellement dans les aliments, soit 600 mg/jour. La consommation moyenne actuelle avoisine 10 g dont 90% dus à la préparation et au conditionnement des aliments.
  • La consommation protidique a été réduite d’environ 50%. La viande des animaux d’élevage est qualitativement différente de celle des animaux sauvages dont la teneur en graisses était inférieure à 5% avec une teneur élevée en acides gras oméga 3. La mise en enclos et une large utilisation des céréales permettent d’obtenir une viande marbrée, très prisée du consommateur, en 14 mois, contre 4 à 5 ans à l’avènement de l’élevage. L’aspect et la saveur des viandes actuelles sont liés à l’accumulation de TG riches en acides gras saturés. Aujourd’hui, l’animal présente jusqu’à 30% de masse grasse.
  • Riche en fruits et en légumes, l’alimentation du paléolithique avait un fort pouvoir anti-oxydant et générait une charge basique qui a disparu. La diminution actuelle des apports en sels basiques de potassium entraîne à la fois un effondrement du rapport K/Na, qui est un facteur d’hypertension artérielle, et une charge acide de 50 à 100 mEq/j. Les effets positifs d’une supplémentation en sels basiques de potassium observés sur les masses osseuses et musculaires laissent à penser que l’alcalose modérée du paléolithique constituait un optimum de l’homéostasie acidobasique.
  • Enfin, l’alimentation riche en fibres a un effet bénéfique sur le profil lipidique ainsi que sur les marqueurs inflammatoires et la satiété.

Le rôle de l’activité physique

H. Sapiens parcourait 10 à 20 km par jour, à la recherche de proies qu’il fallait abattre, découper, porter et éventuellement défendre contre d’autres candidats consommateurs. En termes contemporains, il pratiquait l’aérobic, la résistance et les exercices d’assouplissement, toutes activités proposées de nos jours dans le cadre de la prévention des maladies cardio-vasculaires.

Effets d’un retour au régime paléolithique

Comparée à une alimentation à base de céréales, une alimentation basée sur les fruits, les légumes et les tubercules se traduit dans des modèles animaux et chez l’homme par une réduction appréciable de la masse grasse, de la pression artérielle, des taux de cholestérol et de glucose et une meilleure sensibilité à l’insuline.

A défaut de reproduire le mode de vie paléolithique, nous pourrions y faire quelques emprunts sélectifs de bon sens. Les recommandations actuelles ne sont pas très éloignées du modèle préhistorique.

Toutefois, malgré les conséquences négatives de notre mode de vie, on ne doit pas oublier que :

  • les apports énergétiques sont plus disponibles qu’ils ne l’ont jamais été,
  • les maladies infectieuses d’origine alimentaire ont pratiquement disparu,
  • notre espérance de vie ne cesse de s’allonger.
Philippe Chauveau
Service de néphrologie, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, FRANCE
Michel Aparicio
Service de néphrologie, hôpital Pellegrin, CHU de Bordeaux, FRANCE
Chauveau P, Fouque D, Combe C, Aparicio M. [Evolution of the diet from the paleolithic to today: progress or regress?].Nephrol Ther. 2013 Jul;9(4):202-8.
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