Consommation de fruits & légumes et espérance de vie en Europe

Impact des politiques de choix alimentaires sur les décès par maladies cardio vasculaires en Irlande

En Europe, les maladies cardiovasculaires (MCV) restent la cause principale de décès prématurés et de perte d’autonomie. Il a été estimé que 80% des décès par maladies coronariennes (MC) ou AVC précoces pourraient être évités 1.

L’Irlande a connu un premier déclin significatif du taux de décès par maladies coronariennes entre 1985 et 2000 et plus récemment jusqu’en 2006 2,3. La moitié de cette réduction de mortalité par maladies coronariennes serait liée à une réduction des facteurs de risques dans la population, principalement les diminutions du tabagisme, de la tension artérielle et des taux de cholestérol. Au Royaume-Uni, deux études récentes ont estimé qu’environ 30 000 à 33 000 décès prématurés par an pourraient être évités si les recommandations nutritionnelles nationales étaient respectées 4,5.

Réduire la mortalité par maladie coronarienne ou AVC

Une mauvaise alimentation a constamment été associée à une hausse de mortalité par les MCV et le cancer 1,6. Les données reliant le sel et la tension artérielle, par exemple, servent à présent de base pour des actions visant à réduire l’exposition de la population à cet additif alimentaire 7.

Nous avons estimé qu’au sein de la population irlandaise, le taux de mortalité par MC ou AVC pourrait être réduit;

  • en diminuant de manière spécifique et efficace la consommation :
    a) de matières grasses saturées,
    b) de matières grasses trans,
    c) de sel
  • et en augmentant la consommation de fruits et légumes.

Pour tester cette hypothèse, nous avons utilisé un modèle d’étude épidémiologique des maladies coronariennes (MC) validé, le modèle IMPACT comportant deux scénarios : l’un modeste et l’autre ambitieux mais politiquement réalisable.

Le modèle IMPACT

Ce modèle basé sur une cellule de population a déjà été décrit en détail 2,3. Nous avons émis un petit nombre d’hypothèses et avons effectué des analyses de sensibilité pour estimer la robustesse de nos résultats. Le cadre conceptuel reposait sur un modèle théorique, liant la consommation d’aliments et de nutriments aux problèmes de santé, par des facteurs de risques biologiques. Une description détaillée de ce modèle a été publiée 8.

Le critère de jugement principal était le taux de mortalité par MC et AVC en Irlande au cours de la dernière année calendaire pour laquelle ces données étaient disponibles (2010). Des données globales selon l’âge ou le sexe ont été obtenues grâce à l’Office Central de Statistiques d’Irlande.

Selon le modèle actuel, nous avons utilisé les estimations de l’association directe entre les quatre composants alimentaires et la mortalité par MC ou AVC, similaires à celles d’études britanniques récentes 4,5. Par exemple, une réduction de la consommation quotidienne de sel de 5 g se traduirait par une réduction du taux de mortalité par MC et AVC d’environ 17% et 23% respectivement 9. Les descriptions détaillées de ces deux scénarios (modeste comparé à faisable) et leurs effets selon des méta-analyses de larges études de cohorte pour chacun des composants alimentaires ont déjà été publiées 8.

Une réduction d’environ 1000 décès prématurés par MCV ou AVC en Irlande

Au total, 4080 décès d’origine cardiovasculaire (2966 MC et 1114 AVC) ont été rapportés dans le groupe d’âge des 25–85 ans en 2010 en Irlande. Nous avons estimé que de modifications modestes de la politique alimentaire pourraient entraîner une réduction d’environ 395 (min. 315 – maxi. 475) décès par maladie cardiovasculaire par an, soit une diminution globale de 10 % de la mortalité cardiovasculaire en Irlande. 28% des 395 décès en moins pourraient être attribués à une réduction de 0,5% de la consommation de matières grasses trans; 22% à une réduction de 1% des matières grasses saturées; 23% à une réduction de 1 g de la consommation de sel et 26% avec une portion de plus de fruits et légumes par rapport à la consommation actuelle.

Selon le scénario plus ambitieux mais faisable, on pourrait prévenir environ 1070 décès par MCV par an, soit une réduction de 26 % de la mortalité MCV annuelle en Irlande. Quant à la consommation de matières grasses, une réduction de 3% de la consommation de matières grasses saturées aurait l’impact le plus fort sur les maladies par AVC pour les deux sexes, tandis qu’une réduction de 1% de la consommation de matières grasses trans aurait un bénéfice relativement plus élevé sur la mortalité par maladies coronariennes pour les deux sexes. En réduisant la consommation moyenne de sel de 3 g/jour, on réduirait le taux de mortalité par maladies cardiovasculaires d’environ 270 (mini 220 – maxi 325) décès par an. Enfin, augmenter la consommation de fruits et légumes de 3 portions/ jour entraînerait le maximum de bénéfices pour la santé – une réduction d’environ 310 (mini 250 – maxi 370) décès par maladies cardiovasculaires par an.

Des conclusions encourageantes

  • La mortalité par Maladies Coronariennes (MC) a diminué de plus de 50% en Irlande entre 1985 et 2006.
  • Une réduction supplémentaire de 26% des mortalités par MC et AVC pourrait être atteint si les politiques de choix alimentaires conséquentes mais faisables étaient adoptées en Irlande.
  • Au total, une diminution de 1070 décès par MC ou AVC par an pourrait survenir en Irlande si les consommations actuelles étaient réduites de 3 g/jour pour le sel, de 1% pour les matières grasses trans, de 3% pour les apports énergétiques et en augmentant la consommation de fruits et légumes de 3 portions/jour.
Zubair Kabir
Département d’Epidémiologie & Santé Publique, Collège Universitaire de Cork, Cork, Irlande
Celine O’Keeffe
Département d’Epidémiologie & Santé Publique, Collège Universitaire de Cork, Cork, Irlande
Martin O’Flaherty
Division de Santé Publique, Université de Liverpool, Liverpool, Royaume Uni
Janette Walton
Ecole d’Alimentation et de Nutrition, University College, Cork, RÉPUBLIQUE D’IRLANDE
Simon Capewell
Division de Santé Publique, Université de Liverpool, Liverpool, Royaume Uni
Ivan J Perry
Département d’Epidémiologie & Santé Publique, Collège Universitaire de Cork, Cork, Irlande
O’Keeffe C, Kabir Z, O’Flaherty M, Walton J, Capewell S, Perry IJ. Modelling the impact of specifi c food policy options on coronary heart disease and stroke deaths in Ireland. BMJ Open 2013 Jul 3; 3 (7)
  1. WHO. World Health Organization diet, nutrition and the prevention of chronic diseases. Report of a Joint WHO/FAO Expert Consultation. WHO Technical Report Series no. 916. Geneva: WHO, 2003.
  2. Bennett K, Kabir Z, Unal B, et al. Explaining the decline in CHD mortality in Ireland 1985–2000. J Epidemiol Community Health 2006; 60: 322–7.
  3. Kabir Z, Perry IJ, Critchley J, et al. Modelling coronary heart disease mortality declines in the Republic of Ireland, 1985–2006. Int J Cardiol 2013
  4. ÓFlahery M, Flores-Mateo G, Ninoaham K, et al. Potential cardiovascular mortality reductions with stricter food policies in the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland. WHO Bull World Health Org 2012;90:522–31
  5. Scarborough P, Nnoaham KE, Clarke D, et al. Modelling the impact of a healthy diet on cardiovascular disease and cancer mortality. J Epidemiol Community Health2012;66:420–6
  6. American Institute for Cancer Research (AICR), World Cancer Research Fund. Food, nutrition, physical activity and the prevention of cancer: a global perspective. Washington, DC: AICR, 2007
  7. He FJ, MacGregor GA. A comprehensive review on salt and health and current experience of worldwide salt reduction programmes. J Hum Hypertens 2009;23:363–84
  8. O’Keeffe C, Kabir Z, O’Flaherty M, Walton J, Capewell S, Perry IJ. Modelling the impact of specifi c food policy options on coronary heart disease and stroke deaths in Ireland. BMJ Open 2013 Jul 3; 3 (7)
  9. Strazzullo P, D’Elia L, Kandala NB, et al. Salt intake, stroke, and cardiovascular disease: meta-analysis of prospective studies. BMJ 2009;339:b4567 N°142
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