Cuisiner et consommer les fruits et légumes : une priorité en Amérique latine soutenue par l’OMS

Le Brésil : une stratégie Etat-Nation en faveur des fruits et légumes

Fruits et légumes : le paradoxe brésilien

Alors que le Brésil est l’un des principaux pays exportateurs de fruits dans le monde 1, les Brésiliens consomment moins d’un tiers 2 de la recommandation minimale journalière de l’Organisation Mondiale de la Santé soit 400 g de fruits et légumes (F&L) 3. Ce paradoxe fait partie des nombreux défis à relever dans ce pays pour promouvoir la consommation des F&L, en relation avec l’ensemble du système d’alimentation.

Ainsi, à titre d’exemple, les F&L bios, de coût très élevé sont considérés comme des produits de luxe. Certains provenant de l’Amazonie et d’autres régions brésiliennes sont même parfois plus rares et plus chers dans certaines villes du Brésil qu’en Europe. Leur production reste centrée sur l’export. Il faudrait donc rapidement développer des politiques favorisant leur consommation interne dans ce pays 4.

La promotion des F&L ne peut se réduire à une campagne marketing encourageant leur consommation. Elle doit comprendre des actions plus globales, comme la sécurité alimentaire et le droit pour chaque être humain d’avoir accès à une alimentation saine et appropriée. Cet article reprend une analyse menée par l’Institut National Brésilien du Cancer en 2009-2010 portant sur les actions liées, directement ou indirectement, à la production, la distribution et/ou la promotion F&L dans de nombreux secteurs gouvernementaux.

Des actions qui doivent aller au delà des campagnes de promotion

L’analyse des propositions émanant de nombreux forums politiques des 10 dernières années et des actions entreprises par le gouvernement fédéral a permis d’identifier les avancées du Brésil dans la promotion des F&L. Au préalable, il faut comprendre que ces actions doivent aller au delà des campagnes de promotion. Elles requièrent à la fois une restructuration et la collaboration de différents mécanismes institutionnels pour initier et maintenir une approche globale, intégrée et plus systémique.

La démocratisation récente et croissante des forums décisionnels et de la participation sociétale au Brésil a été un élément décisif des changements sociaux. Ces dernières années, le gouvernement Brésilien a renforcé ses liens avec la société civile et les mouvements sociaux. Certains forums stratégiques qui établissent des contrats sociaux – comme le Conseil National pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle et le Conseil National de la Santé – ont été renforcés. Ils ont donné naissance à des propositions qui ont été mises en oeuvre dans les politiques publiques liées au F&L.

La nécessité d’un socle législatif

Autre objectif essentiel : établir un socle législatif pour protéger les intérêts du public et les droits civiques fondamentaux.

Ainsi, la loi brésilienne sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle a été approuvée en 2006. Elle a élargi le périmètre des actions politiques en soulignant que la promotion d’aliments comme les F&L frais devait être associée à de nouveaux modèles de production et de distribution. Non seulement, il faut assurer une bonne qualité sanitaire et nutritionnelle, mais aussi favoriser un développement durable sur le plan environnemental, social et économique, ainsi que le respect de la diversité culturelle 5. Une autre loi fédérale, datant de 2009, a stipulé que 70% du budget alloué aux repas scolaires devait être dépensé pour les F&L frais, et d’autres aliments peu transformés. Pour 41 millions d’enfants, en 2012, cela représente 1,6 milliards de dollars US par an. En outre, au moins 30% de ces aliments doivent provenir de coopératives et d’exploitations agricoles familiales locales 6.

D’autres nombreux projets de loi sont actuellement en cours d’examen par le congrès et le sénat afin de réguler la publicité de produits en concurrence avec les F&L, comme les produits à faible valeur nutritionnelle.

Par ailleurs, le Brésil est devenu l’un des consommateurs les plus importants de pesticides dans le monde, ce qui a entraîné des dommages sérieux pour la santé et l’environnement. De fait, au cours des 10 dernières années, de nombreuses politiques publiques ont multiplié la surveillance sanitaire et environnementale, les actions en justice pour bannir les molécules toxiques et les subventions pour passer d’un mode de production agricole conventionnel à des méthodes plus écologiques.

Les bases d’une stratégie état-nation :

Afin d’établir et de maintenir à grande échelle une « stratégie état-nation »pour promouvoir les F&L, plusieurs autres actions ont été entreprises au Brésil. Certaines, plus globales, articulées et systémiques ont été entreprises :

  • l’établissement d’un cadre légal assurant le respect des droits civiques
  • la promotion de la participation sociale et des consensus politiques par des conseils nationaux
  • l’initiation de programmes conçus pour développer de nouveaux modèles de production articulés avec des campagnes d’éducation
  • des actions concertées, touchant la production, la distribution, la disponibilité, des coûts abordables et la consommation dans des lieux stratégiques (écoles, lieux de travail) ciblant différents segments de la population.
Daniela S. Frozi
Département de Nutrition Sociale – Institut de Nutrition - Université de l’Etat de Rio de Janeiro - Brésil
Luciene B.C. Alcântara
Faculté de Nutrition – Université Fédérale de Fluminense - Brésil
Fabio S. Gomes
Ministère de la Santé - BRESIL
Sueli G. Couto
Unité sur l’Alimentation, la Nutrition et le Cancer – Coordination de la Prévention et de Surveillance – Institut National du Cancer – Ministère de la Santé – Brésil
  1. Perozzi M. Irradiação: tecnologia boa para aumentar exportações de frutas. Inovação Uniemp 2007; 3(5):42-44.
  2. IBGE (Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística). Pesquisa de Orçamentos Familiares 2008-2009. Análise do consumo alimentar pessoal no Brasil, Rio de Janeiro: IBGE, 2011.
  3. WHO/FAO. Exper t Report on Diet, Nutrition and the Prevention of Chronic Diseases. WHO Technical Report Series 916. Geneva: WHO/FAO, 2003.
  4. Martins A, Camargo WP, Bueno CB. Preços de frutas e hor taliças da agricultura orgânica no mercado varejista da cidade de São Paulo. Informações Econômicas 2006; 36(9):42-52.
  5. Brasil. Lei nº 11.346, de 15 de Setembro de 2006. Brasília: Presidência da República; 2009.
  6. Brasil. Lei nº 11.947, de 16 de Junho de 2009. Brasília: Presidência da República; 2009.
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