Alimentation et déclin cognitif

Le niveau d’éducation et la consommation de fruits et légumes sont associés à de meilleures fonctions cognitives au sein des personnes âgées brésiliennes

Dans le monde entier, l’espérance de vie s’étant allongée, le déclin des fonctions cognitives ainsi que la démence augmentent de manière exponentielle 1. Certaines données suggèrent que l’accumulation d’ADN mitochondrial avec l’âge 2 entraînerait la production de radicaux libres, qui endommagerait les mitochondries et les synapses neuronales, constituant les lésions observées dans les stades précoces de la maladie d’Alzheimer (MA) 3. Les fruits et légumes (F&L) sont riches en antioxydants ayant des propriétés anti-inflammatoires et capables de neutraliser les radicaux libres protégeant ainsi les neurones 4,5. Ces propriétés pourraient retarder le déclin des fonctions cognitives et prévenir la progression de la démence.

La population du Brésil fait partie de celles qui vieillissent le plus rapidement dans le monde

Des études épidémiologiques suggèrent une association positive entre la consommation de F&L et la diminution du risque de troubles cognitifs ou de démence. En revanche, peu de données existent concernant les quantités optimales de F&L associées à un moindre risque de troubles cognitifs. En 2004, l’OMS a lancé une action pour réduire la prévalence des maladies non-transmissibles. Cette stratégie intégrait des recommandations de 5 portions ou plus de fruits/légumes par jour (400 g/jour) 6. Cependant, aucune étude n’a déterminé si ces recommandations offrent une véritable protection contre les troubles cognitifs. Outre les facteurs génétiques, les déterminants sociaux (revenus, éducation, hygiène de vie y compris l’activité physique) de la santé mentale sont associés à l’augmentation du risque de déclin des fonctions cognitives et de démence 7,8,9,10.

La population du Brésil fait partie de celles qui vieillissent le plus rapidement dans le monde, avec une prévalence de démence allant de 5,1% à 8,8% 1.

L’étude SPAH, une étude transversale de population chez des patients âgés

Notre étude ¹¹ a comme objectif d’examiner la relation entre le déclin des fonctions cognitives et la consommation quotidienne de F&L, incluant les recommandations « 5 par jour » de l’OMS, chez les personnes âgées participant à l’étude de Santé et de Vieillissement à Sao Paulo – SPAH (Sao Paulo Ageing and Health). Nous avons également examiné la relation entre les troubles cognitifs et des facteurs comme le niveau d’éducation, l’activité physique, le gène APOE, les co-morbidités et l’hygiène de vie.

L’étude SPAH est une étude transversale de population chez des patients âgés de 65 ans ou plus, de secteurs de recensement ayant au moment de l’étude les Indices de Développement Humains (IDH) les plus faibles du Brésil. Les participants potentiels ont été recrutés lors d’un porte à porte dans les limites des secteurs de recensement. Les personnes hospitalisées ou ayant une démence (n= 105) ont été exclues. Au total, 2072 personnes ont accepté de participer à notre étude, soit un taux de réponse de 91,4%. Leurs fonctions cognitives ont été évaluées en utilisant le protocole développé par le Groupe International de Recherche sur la Démence Sénile (10/66 Dementia Research Group) pour des études de populations et validés chez des Brésiliens âgés 12,13. Pour évaluer la consommation de F&L, un questionnaire de fréquence alimentaire a été utilisé 14. Une description détaillée de l’ensemble de ce protocole a déjà été publiée 11.

Plus de 400 g par jour de fruits et légumes réduisent de 47% la prévalence des troubles cognitifs

Les résultats de l’étude SPAH suggèrent un effet protecteur contre le déclin des fonctions cognitives lorsqu’on respecte les recommandations OMS. Ainsi, pour des consommations quotidiennes de F&L ≥ 400 grammes/jour, il y a eu une réduction de 47% de la prévalence des troubles cognitifs. De plus, appartenir au groupe de personnes ayant une année ou plus d’éducation comparé au groupe sans éducation (analphabète), être actif physiquement comparé à être sédentaire ou avoir un taux de cholestérol HDL > 50 mg/dl comparé aux taux ≤ 50 mg/dl, réduit fortement la prévalence des troubles cognitifs. Notre étude a trouvé une interaction importante entre une moindre prévalence des troubles cognitifs et les années d’éducation, l’activité physique et un taux de cholestérol HDL élevé. Cela confirme l’importance des déterminants sociaux dans des choix sains et une meilleure qualité de vie au sein des personnes âgées.

L’importance du niveau d’éducation

Même si notre population présentait un très faible niveau d’éducation, les personnes ayant au moins une année d’éducation ont montré une prévalence significativement moindre de troubles cognitifs. Bien que l’éducation ne soit pas directement liée aux lésions neuropathologiques de la démence, certaines études suggèrent qu’elle pourrait réduire l’impact de ces lésions en augmentant la «réserve cognitive» et en favorisant certains choix alimentaires 8. Des données récentes ont démontré qu’apprendre à lire et les premières années d’école sont associées à de remarquables changements au niveau de l’organisation des réseaux neuronaux et de la fonction corticale 15.

Nos résultats étayent les recommandations d’augmenter la consommation de F&L pour atteindre les recommandations de l’OMS. Ils démontrent également que promouvoir l’éducation et une politique de santé publique qui encourage et facilite un style de vie sain dans des populations défavorisées, pourrait entraîner une différence significative. Une compréhension plus globale des déterminants sociaux de la santé mentale est nécessaire pour développer des politiques de santé publique efficaces pour prévenir ou ralentir les troubles cognitifs liés à l’âge.

Maria Pastor-Valero
Département de Santé Publique, d’Histoire des Sciences et de Gynécologie, Université Miguel Hernández & Consortium de Recherche Biomédicale en Epidémiologie et Santé Publique (CIBERESP), Madrid, ESPAGNE
collaborateurs
  1. Schmidt MI, et al. (2011). Lancet 377: 1949–1961.
  2. Mao P, et al. (2012). Biochim Biophys Acta 1822: 111–119.
  3. Reddy PH, et al. (2012). Biochimica et biophysica acta 1822: 639–649.
  4. Hughes TF, et al. (2010). Am J Geriatr Psychiatry 18: 413–420.
  5. Crichton GE, et al. (2013). Plant Foods Hum Nutr 68: 279– 292.
  6. WHO (2000). Geneva: World Health Organization
  7. Berr C, et al. (2007) [Epidemiology of dementia]. Presse Med 36: 1431–1441.
  8. Akbaraly TN, et al. (2009). Dement Geriatr Cogn Disord 27: 147–154
  9. Angevaren M, et al. (2008). Cochrane Database Syst Rev: CD005381.
  10. Xu L, et al. (2011) Ann Epidemiol 21: 857–863.
  11. Pastor-Valero M, et al. PLoS One. 2014 Apr 15;9(4):e94042. doi: 10.1371/journal. pone.0094042. eCollection 2014.
  12. Prince M (2000). Int J Geriatr Psychiatry 15: 14–20
  13. Prince M, et al. (2003). Lancet 361: 909–917
  14. Furlan-Viebig R, et al. (2004).Rev Saude Publica 38: 581–584.
  15. Dehaene S, et al. (2010). Science 330: 1359–1364. 38.
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