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Les supplémentations anti-oxydantes dans la maladie d’Alzheimer sont-elles utiles ?

Stress oxydant et maladie d’Alzheimer

Tous les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la genèse de la maladie d’Alzheimer (MA) sont liés au stress oxydatif 1. La cascade des peptides bêta amyloïde (β-A) est l’hypothèse principale expliquant l’étiologie de la maladie. Les plaques extracellulaires, formées par le dépôt et l’accumulation de peptides β-A, seraient en réalité plus protectrices que dommageables en terme de stress oxydatif. Il y a plus de dix ans, nous avons avancé l’hypothèse que les lésions induites par les peptides β-A seraient provoquées par des peptides β-A intracellulaires qui interféreraient dans le métabolisme cellulaire normal et non par les β-A extracellulaires. En se liant à l’hème, les peptides β-A entraveraient le passage des électrons dans la chaîne respiratoire, augmentant ainsi la production de radicaux libres intracellulaires. Ces radicaux libres provoqueraient l’agrégation mitochondriale qui enclencherait le largage du cytochrome c, un activateur connu de la voie endogène de l’apoptose 2.

Une production accrue de radicaux libres entraîne un stress oxydatif, ce qui fournit des arguments en faveur d’un traitement potentiel de la MA par les antioxydants.

Le  » paradoxe de la vitamine E  » dans la maladie d’Alzheimer

Dans la MA, les enzymes anti-oxydantes sont surexprimés au niveau de l’hippocampe et du lobe pariétal mais pas du cervelet 3. Ce mécanisme pourrait prévenir en partie la formation de radicaux libres. De fait, activer l’expression d’enzymes anti oxydantes représente une stratégie intéressante pour prévenir le stress oxydatif et retarder la survenue et la progression de la MA.

De nombreux essais cliniques ont été élaborés pour tester les bénéfices des antioxydants dans le traitement de la MA. Cependant, ces résultats ne peuvent en aucune manière confirmer leur efficacité pour traiter la maladie. Même si des recherches importantes ont été menées pour déterminer si les suppléments anti-oxydants pourraient prévenir, voire traiter la MA, cela reste loin d’être démontré.

La vitamine E est un antioxydant puissant qui pourrait ralentir la progression de la MA. Un article décisif publié en 1997 4 rapportait que les suppléments de vitamine E réduiraient la fragilité des patients, mais les auteurs n’ont pas observé un impact clair sur les fonctions cognitives. Nous avons mené une étude chez des patients atteints de MA pour corréler l’administration de la vitamine E, la progression de la maladie et les taux sanguins des marqueurs de stress oxydatif. Nous avons trouvé que la vitamine E ne diminuait pas le rapport GSH/GSSG (glutathion réduit/oxydé) chez tous les patients. Les patients qui ne répondaient pas à la vitamine E avaient des pertes cognitives encore plus importantes que ceux sous placebo. Chez les patients avec un moindre stress oxydatif, les fonctions cognitives se maintenaient ou s’amélioraient légèrement durant les 6 mois de l’étude5. Nous avons appelé cela le « paradoxe de la vitamine E » dans la maladie d’Alzheimer : chez certains patients, la vitamine E est néfaste tandis que chez d’autres, elle préviendrait partiellement les pertes de mémoire associées à la progression de la maladie.

Par ailleurs, l’étude de Rotterdam (5 395 participants) a comparé l’état nutritionnel et l’incidence de démence chez les participants durant 10 ans. Les auteurs ont conclu qu’une alimentation riche en vitamines C et E pourrait diminuer le risque de MA 6. Une analyse plus exhaustive des données (après des ajustements multi variés) a révélé que les taux alimentaires de vitamine C n’étaient pas liés aux risques de démence et qu’une plus forte consommation d’aliments riches en vitamine E réduisait modérément la MA 7.

Recommander des changements nutritionnels et physiologiques

Nous savons qu’une alimentation saine, composée de légumes, contenant en particulier les vitamines C et E, ainsi que des améliorations minimes de l’hygiène de vie comme la pratique quotidienne d’une activité physique activent l’expression des enzymes anti-oxydantes. Ces mesures seraient bénéfiques pour prévenir la survenue et surtout ralentir la progression de la MA.

En conclusion, nous préférons recommander des changements nutritionnels et physiologiques, visant à activer l’expression des mécanismes de défense antioxydants, plutôt que la prise de suppléments vitaminiques dans la prévention de la MA.

Jose Vina
Département de Physiologie, Faculté de Médecine, Université de Valence, Fondation de Recherche Clinique de Valence INCLIVA (Investigación Clínico de Valencia), Espagne
Ana Lloret
Département de Physiologie, Faculté de Médecine, Université de Valence, Fondation de Recherche Clinique de Valence INCLIVA (Investigación Clínico de Valencia), Espagne
Esther Giraldo
Département de Physiologie, Faculté de Médecine, Université de Valence, Fondation de Recherche Clinique de Valence INCLIVA (Investigación Clínico de Valencia), Espagne
Gloria Olaso
Département de Physiologie, Faculté de Médecine, Université de Valence, Fondation de Recherche Clinique de Valence INCLIVA (Investigación Clínico de Valencia), Espagne
  1. Smith MA, Perry G, Richey PL, et al. Oxidative damage in Alzheimer’s. Nature. Jul 11 1996;382(6587):120-121.
  2. Lloret A, Badía MC, Mora NJ, Ortega A, Pallardó FV, Alonso MD, Atamna H, Viña J. Gender and age-dependent differences in the mitochondrial apoptogenic pathway in Alzheimer’s disease. Free Radic Biol Med. 2008 Jun 15;44(12):2019-25.
  3. Aksenov MY, Tucker HM, Nair P et al. The expression of key oxidative stresshandling genes in different brain regions in Alzheimer’s disease. J Mol Neurosci 1998; 11:151-164.
  4. Sano M, Ernesto C, Thomas RG et al. A controlled trial of selegiline, alphatocopherol, or both as treatment for Alzheimer’s disease. The Alzheimer’s Disease Cooperative Study. N Engl J Med. 1997; 336:1216-1222.
  5. Lloret A, Badia MC, Mora NJ, Pallardo FV, Alonso MD, Vina J. Vitamin E paradox in Alzheimer’s disease: it does not prevent loss of cognition and may even be detrimental. J Alzheimers Dis. 2009;17(1):143-149.
  6. Engelhart MJ, Geerlings MI, Ruitenberg A, van Swieten JC, Hofman A, Witteman JC, Breteler MM. Dietary intake of antioxidants and risk of Alzheimer disease. JAMA. 2002 Jun 26;287(24):3223-9.
  7. Devore EE, Grodstein F, van Rooij FJ, Hofman A, Stampfer MJ, Witteman JC, Breteler MM. Dietary antioxidants and long-term risk of dementia. Arch Neurol. 2010 Jul;67(7):819-25.
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