Politiques nutritionnelles et fruits & légumes

Marketing alimentaire auprès des enfants : encore des efforts !

Le marketing alimentaire n’a jamais été aussi développé qu’aujourd’hui, alors que les taux d’obésité infantile aux Etats-Unis et dans le monde entier restent très élevés et que le marketing des aliments et des boissons prend des formes de plus en plus sophistiquées.

En 2006, l’Institut de Médecine des Académies Nationales Américaines (IOM) a clairement relevé le défi dans son rapport initial 1, « Le marketing alimentaire » auprès des enfants : menace ou opportunité ? (Food Marketing to Children: Threat or Opportunity?). Après avoir évalué plus de 300 études, l’IOM a constaté que la publicité alimentaire incite les enfants et les adolescents à préférer, à demander et à consommer des aliments riches en sel, en sucres et en matières grasses. Ce rapport a émis 10 recommandations sur la manière dont l’industrie agro-alimentaire et le gouvernement pourraient inverser cette tendance.

L’environnement marketing actuel continue de menacer la santé des enfants

Deux revues globales ont évalué les progrès réalisés suite aux recommandations de l’IOM chez les parents, dans les écoles, au sein de l’industrie agro-alimentaire et du gouvernement : il y en a peu… Les études de Vivica Kraak et ses collègues 2 soulignent que «l’environnement marketing actuel continue de menacer la santé des enfants ; il contrecarre les opportunités de promotion d’une alimentation saine et de création d’un environnement alimentaire sain».

Aux Etats-Unis, les enfants continuent de grandir dans un environnement saturé par la publicité des aliments et des boissons. La vaste majorité des messages publicitaires porte sur des aliments peu nutritifs, très caloriques, riches en sucres, sel et matières grasses. Les études publiées par Kraak et ses collègues 3 nous apprennent que le gouvernement n’a pas fait ce qu’il fallait pour protéger les enfants du marketing qui s’est infiltré dans la vie familiale et interfère avec une bonne santé. L’absence de progrès entrave les efforts des parents pour bien nourrir leurs enfants et nuit à leur santé. Prenons un exemple. Le gouvernement n’a pas progressé sur la recommandation IOM d’instaurer une campagne nationale de marketing social. Il concède l’éducation nutritionnelle à l’industrie agro-alimentaire qui, en dépensant $2 milliards chaque année, encourage les enfants à manger et à boire des aliments malsains. Pour se faire une idée, cela représente plus de $5 millions chaque jour rien qu’aux Etats-Unis. A eux seuls, certains fast-foods auraient dépensé $360 millions pour offrir des jouets avec les repas pour enfants !

Publicité et aliments malsains contrecarrent les efforts en matière d’éducation nutritionnelle

Selon Kraak et ses collègues 2, ce sont les écoles qui ont accompli les meilleurs progrès dans le domaine du marketing alimentaire. Elles ont mis en place des standards nutritionnels pour les aliments concurrents. En 2010, le Congrès américain a voté une loi demandant au Ministère de l’Agriculture (USDA) d’établir des standards nutritionnels pour les distributeurs, les magasins scolaires et autres aliments vendus en dehors des programmes de repas scolaires. L’USDA devrait fixer des standards forts que les programmes nutritionnels pour enfants de chaque état, les commissions scolaires et les districts scolaires devraient instaurer. Ces standards devraient s’appliquer à toutes les publicités pour les aliments et les boissons à l’école. Publicité et vente d’aliments malsains contrecarrent les efforts en matière d’éducation nutritionnelle, d’alimentation des enfants et d’autorité parentale sur les choix alimentaires de leurs enfants.

Au niveau local et de chaque état, les gouvernements devraient fixer des standards nutritionnels pour les menus pour enfants proposés avec des jouets. Ce type de réglementation vise une forme importante de marketing – les cadeaux – pour des menus qui souvent ne contiennent que hamburgers, nuggets et pizzas, accompagnés de frites et de sodas. En accompagnement, il faudrait proposer des aliments plus sains : par exemple du lait écrémé ou de l’eau minérale à la place des sodas. Tant au niveau national que local, les gouvernements devraient s’assurer que des options saines et les teneurs caloriques sont affichées pour les aliments vendus dans les distributeurs, les cafétérias et les programmes alimentaires dans les lieux publics.

Les boissons sucrées représentent la plus importante source de calories dans l’alimentation des enfants

Et le prix ? C’est un argument clé de vente ! Les gouvernements devraient taxer les boissons sucrées qui représentent la plus importante source de calories dans l’alimentation des enfants et sont directement liées à l’obésité. Les sommes récoltés pourraient servir à soutenir une variété d’activités et de programmes sur la nutrition et l’activité physique dans les communautés soumises à de forts taux de maladies chroniques. Aux Etats-Unis, l’industrie agro-alimentaire s‘est opposée à toute recommandation, même indicative, d’aliments dont on pourrait faire la publicité auprès des enfants. Pour ce faire, leurs dépenses de lobbying auprès du Congrès s’élèvent à $37 millions. Cette formidable opposition souligne les obstacles auxquels les gouvernements ont à faire face pour contrôler le marketing alimentaire.

Réussir suppose un effort international

Heureusement l’histoire nous montre que la plupart des politiques nutritionnelles efficaces (l’étiquetage des graisses trans, les informations nutritionnelles sur les menus des restaurants et les normes nationales pour les distributeurs à l’école) ont souvent fait l’objet d’une forte opposition aux stades préliminaires. Réussir suppose un effort international important afin d’éduquer et mobiliser les organisations, les professionnels de santé et les parents en faveur de politiques visant une publicité alimentaire saine. Sans cet engagement fort pour contrer la publicité alimentaire auprès des enfants, nous risquons de voir prospérer les boissons sucrées à la place des fruits dans les menus pour enfants et, à long terme, de voir leur santé se dégrader.

Lori Dorfman
Berkeley Media Studies Group, Institut de Santé Publique, Berkeley, Californie, Etats-Unis
Margo Wootan
Berkeley Media Studies Group, Institut de Santé Publique, Berkeley, Californie, Etats-Unis
  1. Committee on Food Marketing and the Diets of Children and Youth; Institute of Medicine. Food Marketing to Children and Youth: Threat or Opportunity? Washington, DC: The National Academies Press, 2006. www.nap.edu/catalog.php?record_id?11514.
  2. Kraak VI, Story M, Wartella EA. Government and school progress to promote a healthful diet to American children and adolescents: a comprehensive review of the available evidence. Am J Prev Med 2012;42(3):250 –262.
  3. Kraak VI, Story M, Wartella EA, Ginter J. Industry progress to market a healthful diet to American children and adolescents. Am J Prev Med 2011;41(3):322–33.
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