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Médecins généralistes : comment proposer une prise en charge nutritionnelle sans trop de contraintes à vos patients ?

Dans le monde, les maladies chroniques liées au mode de vie (le surpoids et l’obésité, le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires) sont responsables de plus de 60% des décès. Environ deux tiers des facteurs de risques de surpoids et d’obésité, de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires sont liés à des comportements alimentaires malsains.

La prise en charge nutritionnelle : au coeur du traitement des maladies chroniques

La prise en charge nutritionnelle est au coeur des bonnes pratiques de traitement des maladies chroniques. Elle implique certaines actions : évaluer l’alimentation des patients, faire des recommandations nutritionnelles et évaluer l’influence des comportements alimentaires sur l’état de santé des patients. Les patients perçoivent la prise en charge nutritionnelle par les médecins généralistes (MG) comme une part importante de la prise en charge des maladies chroniques liées au mode de vie. De plus, on demande de plus en plus de conseils nutritionnels aux généralistes.

Une étude sur l’amélioration des comportements alimentaires et des facteurs de risques

Nous avons passé systématiquement en revue les publications sur l’efficacité des soins nutritionnels prodigués par les Médecins Généralistes (MG) dans l’amélioration des comportements alimentaires et des facteurs de risques chez les personnes souffrant de maladies chroniques liées au mode de vie.

Les critères de jugement des comportements alimentaires comprenaient: la consommation alimentaire totale, la consommation calorique et celle de macronutriments.

Les facteurs de risques englobaient le poids, l’Indice de Masse Corporelle (IMC), le tour de taille, la tension artérielle et les lipides sanguins.

Des 131 articles examinés au départ, nous n’avons retenu que neuf interventions pertinentes (cinq Américaines 1-5, trois Européennes 6-8 et une Australienne 9) en fonction des critères suivants :

  • Populations adultes (âge >18 ans)
  • L’efficacité de l’intervention a été testée contre un groupe témoin
  • Les soins nutritionnels devaient :
  • être prodigués par un MG ou l’équivalent (ont été exclus : infirmières, nutritionnistes ou diététiciens)
  • être prodigués lors d’une consultation habituelle
  • L’intervention devait comporter les mêmes mesures de base et de suivi pour les comportements liés à la nutrition et les marqueurs biologiques de santé.

Ces neuf interventions ont été publiées entre 1989 et 2008. Elles regroupaient 9564 participants (le nombre de participants dans chaque étude variait de 77 à 3179). Les interventions allaient de 1 à 6 consultations avec un MG donnant des soins nutritionnels de base. Les généralistes avaient reçu au préalable une formation à la nutrition et aux recommandations nationales, afin d’avoir tous les éléments d’une bonne prise en charge nutritionnelle.

Une amélioration de l’état nutritionnel et des facteurs de risques

Nous avons observé une amélioration de l’état nutritionnel des participants, comme, par exemple:

  • Une augmentation de :
    • la consommation de fruits et légumes (deux portions par semaine) 6
    • la consommation de poisson (au moins une portion par semaine)
    • la consommation de fibres de 0,55 g/1000 kcalories 4.
  • Une réduction de :
    • la consommation énergétique de 0,7 MJ/ jour 1,
    • la consommation de viande à trois portions ou moins par semaine 6
    • la consommation de matières grasses de 5–10% 3,4,7.

Quant aux facteurs de risques, nous avons observé

  • des diminutions significatives du poids des participants de 0,4–2,3 kg, ou de l’IMC de 0,2–0,81 kg/m2 1-3, 6-7.
  • des réductions du cholestérol sanguin de 0,46–0,83 mmoles/l et de la pression artérielle diastolique de 4,0 mm Hg9.

Une bonne nouvelle pour les généralistes

Il est intéressant de noter que les études montrant des améliorations de comportements alimentaires n’étaient pas forcément celles qui montraient une diminution des facteurs de risques.

Il semble que le nombre de consultations ne soit pas un facteur déterminant de l’efficacité de la prise en charge nutritionnelle par les MG.

Ceci suggère que des soins nutritionnels efficaces peuvent être proposés en peu de consultations sans avoir une influence significative sur la charge de travail des MG. Ainsi, les MG peuvent offrir des conseils nutritionnels efficaces aux personnes souffrant de maladies chroniques liées au mode de vie.

Contribution de cette étude:

Ce que l’on savait déjà : Il existe une demande grandissante de prise en charge nutritionnelle à leur médecin généraliste par les patients souffrant de maladies liées au mode de vie. Cependant, que les recommandations des MG améliorent à la fois les comportements alimentaires et les facteurs de risques associés n’est pas établi chez ces patients.

Contribution originale : Cette revue systématique de la littérature montre que les MG peuvent proposer une prise en charge nutritionnelle qui améliore les comportements alimentaires et les facteurs de risques chez les personnes souffrant de maladies chroniques liées au mode de vie. Cependant, les résultats de ces interventions sont variables et leur importance clinique encore peu claire. Il faut donc apporter plus de soutien aux MG dans la prise en charge nutritionnelle des patients.

Lauren Ball
Ecole de Santé Publique et Institut de Santé Griffith, Université Griffith, Queensland, Australie
collaborateurs
Ball L, Johnson C, Desbrow B, Leveritt M. “General practitioners can offer effective nutrition care to patients with lifestyle-related chronic disease.” J Prim Health Care. 2013 Mar 1;5(1):59-69.
  1. Christian J, et al. Clinic-based support to help overweight patients with type 2 diabetes increase physical activity and lose weight. Arch Intern Med. 2008;168(2):141–6.
  2. Martin P, et al.. Weight loss maintenance following a primary care intervention for low-income minority women. Obesity. 2008;16(11):2462–7.
  3. Ockene I, et al. Effect of physician-delivered nutrition counseling training and an office-support program on saturated fat intake, weight, and serum lipid measurements in a hyperlipidemic population— Worcester Area Trial for Counseling in Hyperlipi¬demia (WATCH). Arch Intern Med. 1999;159(7):725–31.
  4. Beresford S, et al. A dietary intervention in primary care practice: the eating patterns study. Am J Public Health. 1997;87(4):610–6.
  5. Logsdon DN, et al. The feasibility of behav¬ioral risk reduction in primary medical care. Am J Prev Med. 1989;5(5):249–56.
  6. Sacerdote C, et al. Randomized controlled trial: effect of nutritional coun¬selling in general practice. Int J Epidemiol. 2006;35(2):409–15.
  7. van der Veen J, et al. Stage-matched nutrition guid¬ance for patients at elevated risk for cardiovascular disease: a randomized intervention study in family practice. J Fam Pract. 2002;51(9):751–8.
  8. Alli C, et al. Feasibility of a long-term low-sodium diet
  9. Salkeld G, et al. The cost-effectiveness of a cardiovascular risk reduction program in general practice. Health Policy. 1997;41(2):105–19
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