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Quand les émotions contrôlent les choix alimentaires

Les facteurs psychologiques influençant le comportement alimentaire peuvent contribuer à la progression de l’obésité. Si la restriction volontaire a été largement étudiée, l’hyperphagie émotionnelle a reçu moins d’attention. Ce concept, issu de la théorie psychosomatique, caractérise les personnes qui ont tendance à manger en réponse à des émotions négatives. Cette réponse inappropriée au stress serait la conséquence de l’incapacité à distinguer la faim d’états émotionnels ou de l’utilisation de la nourriture pour réduire une tension interne.

Les études sur l’alimentation émotionnelle et les habitudes alimentaires sont peu nombreuses et contradictoires : certaines montrent un lien avec la prise d’aliments sucrés de forte densité énergétique, d’autres ne retrouvent aucune association avec les apports en énergie et en macronutriments… Aucune n’a cependant réellement évalué le niveau de stress ou d’émotion négative qui déclencherait la prise alimentaire.

Les femmes stressées consomment moins de légumes et de fruits

Une étude récente a retrouvé une association positive entre alimentation émotionnelle et dépression. Un des signes bien connus de la dépression sévère est une modification de l’appétit, dans le sens d’une diminution comme d’une augmentation. Les relations entre comportement alimentaire et dépression modérée sont encore peu étudiées. En général, la dépression est associée à une alimentation de moins bonne qualité nutritionnelle : les sujets déprimés suivent moins les recommandations alimentaires et mangent, en particulier, moins de poisson.

Des études ont montré que les femmes avec un haut niveau de stress consomment moins de légumes et de fruits et que celles qui sont fortement déprimées mangent plus de produits sucrés de forte densité énergétique, moins d’aliments énergétiques non sucrés et d’aliments de faible densité énergétique.

L’alimentation émotionnelle pourrait ainsi faire le lien entre la dépression et les déséquilibres alimentaires.

Des relations possibles entre alimentation émotionnelle et dépression

Les auteurs de la présente étude ont précédemment retrouvé un score plus élevé d’alimentation émotionnelle chez les obèses que chez les sujets de poids normal. Ils poursuivent ici leur analyse, en étudiant si les associations entre alimentation émotionnelle et consommation alimentaire varient selon le niveau d’Indice de Masse Corporel (IMC).

Ils se penchent ici sur les relations entre alimentation émotionnelle, dépression et consommation de produits denses et sucrés, de produits denses non sucrés, de fruits et légumes. 1679 hommes et 2035 femmes, âgés de 17 à 64 ans ont été étudiés.

L’alimentation émotionnelle et les comportements de restriction associés ont été évalués à l’aide du « Three Factor Eating Questionnaire R-18 » (TFEQ R-18).

La dépression a été évaluée selon le questionnaire à 20 items du CES-D (« Center for Epidemiological Studies Depression Scale »). La consommation, à l’aide d’un questionnaire de fréquence de consommation portant sur 132 aliments sur les 12 derniers mois.

Les auteurs se sont intéressés aux relations possibles entre l’alimentation émotionnelle et la dépression :

  • l’alimentation émotionnelle intervient-elle dans l’association dépression – aliments de forte densité énergétique ?
  • les sujets avec un fort score d’alimentation émotionnelle et de dépression ont-ils la plus forte consommation de ces aliments ?
  • les relations entre alimentation émotionnelle et consommation alimentaire sont-elles similaires pour tous les niveaux d’IMC ?

La dépression s’associe à une plus faible consommation de fruits et de légumes

Les résultats montrent qu’il existe une corrélation positive (r= 0,31) chez les hommes et les femmes, entre alimentation émotionnelle et dépression et que les deux sont liées à un IMC plus élevé.

L’hyperphagie émotionnelle est reliée à une plus forte consommation d’aliments sucrés dans les deux sexes et d’aliments denses non sucrés chez les hommes. Cette relation est indépendante des symptômes dépressifs et de la restriction.

Les associations positives entre dépression et aliments sucrés deviennent non significatives après ajustement pour l’hyperphagie émotionnelle, ce qui n’est pas le cas pour les relations avec les aliments non sucrés. Enfin, la dépression est associée à une plus faible consommation de fruits et de légumes alors que l’alimentation émotionnelle ne l’est pas.

Ces données suggèrent donc que dépression et alimentation émotionnelle favorisent les mauvais choix alimentaires. En outre l’alimentation émotionnelle pourrait être un facteur expliquant l’association entre dépression et prise d’aliments sucrés.

Des techniques de relaxation et des programmes d’activité physique pourraient sans doute aider certains sujets obèses à contrôler leur hyperphagie émotionnelle, à réduire leur anxiété et… à améliorer leurs choix alimentaires.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Kontinnen H. et al, Emotional eating, depressive symptoms and self reported food consumption. A population based study. Appetite (2010), doi:10.1016/j.appet.2010.01.014
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