Changer les comportements alimentaires : un véritable défi !

Techniques de commercialisation des aliments néfastes pour la santé et impact sur la consommation alimentaire

Le surpoids et l’obésité, en particulier chez l’enfant, constituent un problème mondial de santé publique. Les changements du système alimentaire mondial seraient largement responsables ¹ de leur progression, notamment la production accrue de boissons et aliments transformés riches en graisses, sucres et/ou sel (aliments dits « HFSS ») et les techniques de marketing de persuasion. Leur disponibilité et leur accessibilité permanentes, associées à des méthodes de commercialisation attrayantes, contribuent à la hausse de la surconsommation de calories.

Les enfants, cible principale du marketing alimentaire

Les enfants sont la cible privilégiée du marketing agroalimentaire. Ce groupe démographique a un triple impact sur les ventes de tels produits :

  1. un pouvoir de dépenser indépendant (« l’argent de poche ») qu’il utilise souvent pour acheter des petites collations et des confiseries,
  2. une influence sur les dépenses de la famille en demandant certains produits de manière parfois insistante
  3. il constitue le groupe des futurs consommateurs adulte qui prendront les décisions d’achat pour eux-mêmes et leur famille.

Les marques cherchent à susciter l’intérêt des enfants par leurs activités de marketing dès la période de la maternelle, pour agir sur la sensibilisation,
la préférence et la fidélité à la marque, trois facteurs majeurs des comportements d’achat et de consommation.

La Figure 1 conceptualise le cheminement qui débute par l’exposition au marketing. Ce processus peut avoir une influence sur la prise de poids via des effets sur les prédicteurs de comportement (normes, désirs, sensibilisation) et les comportements effectifs (achat de produit, consommation).

L’impact du marketing alimentaire sur le poids

Bien qu’il soit difficile de prouver les effets directs de l’exposition au marketing alimentaire sur le poids, des études démontrent les effets délétères de l’exposition au marketing alimentaire. Une méta-analyse mesurant l’impact de l’exposition expérimentale à des publicités pour des produits malsains, diffusées à la télévision ou par des jeux publicitaires sur Internet a prouvé que la consommation alimentaire immédiate des enfants augmente significativement après une telle exposition ³.

Des données expérimentales récentes montrent également que les enfants ne compensent pas ce surplus en consommant moins au repas suivant 4. Ainsi, la publicité alimentaire participe à un déséquilibre calorique durable qui, au fil du temps, conduit à la prise de poids.

La nécessité de limiter l’exposition des enfants à la promotion commerciale des aliments néfastes pour la santé

L’OMS a exhorté les États membres à prendre des mesures réglementaires fortes pour limiter l’exposition des enfants à la promotion commerciale des aliments néfastes pour la santé 5, y compris dans la sphère numérique. Le marketing numérique est adapté à l’utilisateur, l’écosystème publicitaire s’appuyant sur la collecte de données contextuelles (contenu affiché) et comportementales (caractéristiques et préférences) 6. La recherche sur l’étendue, la nature et l’impact du marketing numérique sur la jeunesse n’en est qu’à ses débuts. Cependant on voit émerger des preuves que le marketing en ligne pour les boissons et aliments se caractérise par la présence des marques internationales qui font déjà de la publicité à la télévision et utilise de nombreuses stratégies 7,8.

Les réseaux sociaux constituent une plateforme majeure de commercialisation, par laquelle les marques (directement, ou à travers des « influenceurs ») peuvent capter l’attention des jeunes. Une nouvelle étude montre que lorsque les enfants sont exposés à des influenceurs promouvant des aliments malsains sur Instagram, leur consommation immédiate augmente, comme pour les publicités télévisées 9. Ce constat est confirmé par une grande enquête transversale
nationale représentative publiée au Royaume-Uni, qui démontre que les enfants de 7 à 11 ans, utilisant Internet pendant plus de 3 heures par jour par rapport à ceux qui y passent moins de 3 heures 10 – sont :

  • 3 fois plus susceptibles de réclamer de manière persistante des aliments malsains à leurs parents,
  • 4 fois plus susceptibles d’acheter des aliments malsains
  • mangent 3 fois moins de F&L

Aucun doute : si nous tenons à encourager une consommation plus saine, nous devons préalablement nous préoccuper de l’influence négative exercée par la commercialisation des aliments néfastes pour la santé, qui compromet actuellement les efforts de santé publique pour inciter les enfants à adopter une alimentation saine et durable.

Emma Boyland
Psychologue expérimentale et maître de conférences, Université de Liverpool, ROYAUME-UNI
  1. Swinburn BA et al. The Lancet 2011; 378(9793): 804-14.
  2. Kelly et al. American Journal of Public Health. 105 (4), e.86-95.
  3. Boyland EJ et al. The American Journal of Clinical Nutrition 2016; 103: 519-33
  4. Norman J et al. International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity, 15(1): 37.
  5. World Health Organization. http://whqlibdoc.who.int/publications/2010/9789241500210_eng.pdf, 2010.
  6. World Health Organisation, Regional Office for Europe (2016). http://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0017/322226/Tackling-food-marketingchildren-
    digital-world-trans-disciplinary-perspectives-en.pdf?ua=1
  7. Tan L et al. Childhood Obesity, 14(5).
  8. Vassallo AJ et al. JMIR Public Health and Surveillance, 4(2): e54.
  9. Coates AE et al. Pediatrics, in press.
  10. Emma Boyland et al. 2018. Available from: https://www.cancerresearchuk.org/sites/default/files/see_it_want_it_buy_it_eat_it_final_report.pdf
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