Fruits & légumes et diabète

Une forte consommation de fruits avant la grossesse n’augmente pas les risques de diabète gestationnel

Une complication courante durant la grossesse

Le diabète gestationnel (DG) est défini comme une intolérance au glucose dont l’apparition ou le diagnostic a lieu durant la grossesse. Complication fréquente, le diabète gestationnel touche 1 à 14% de toutes les grossesses ¹. Son incidence augmente dans le monde entier, parallèlement à la progression de l’obésité chez les femmes en âge de procréer. Le DG a des conséquences néfastes pour la santé, à la fois pour les mères et leurs enfants, et son impact s’étendrait bien au delà de la période de la grossesse. Les femmes présentant un DG ont un risque accru de morbidité périnatale et un risque considérable d’intolérance au glucose et de diabète de type 2 dans les années qui suivent la grossesse. Leurs enfants présentent également un risque plus élevé d’obésité, d’intolérance au glucose et de diabète dans l’enfance et la jeunesse. Ces données soulignent l’importance de l’identification des facteurs modifiables de cette complication courante de la grossesse afin de prévenir sa survenue dans les populations à risque 1,2.

Les fruits : riches en antioxydants mais riches en sucres

Les fruits sont des sources importantes de micronutriments comme la vitamine C, les flavonoïdes, le magnésium et les fibres alimentaires. Tout en étant riches en antioxydants et en fibres, ils présentent cependant une faible teneur calorique et une faible charge glycémique. De plus, les fruits contiennent de nombreuses substances bioactives, comme des vitamines, des minéraux, des caroténoïdes, folates, flavonoïdes et polyphénols, ayant une action potentiellement bénéfique sur la sensibilité à l’insuline et la fonction des cellules béta du pancréas, en réduisant le stress oxydatif 3. Cependant, parce qu’ils sont relativement riches en sucres (essentiellement du fructose), on pourrait craindre qu’une forte consommation de fruits augmente le risque de diabète. Les données épidémiologiques concernant la consommation de fruits et le risque de diabète chez les femmes enceintes sont rares.

A titre d’exemple, on pense que les jus de fruits (100% fruits) sont sains et nutritifs. Néanmoins, leur teneur relativement forte en sucres et faible en fibres soulève des interrogations en cas de forte consommation durant la grossesse. Il n’existe pas d’études sur le lien entre la consommation de jus de fruits et les risques de DG. De plus, les divers types de fruits ont des profils différents, que ce soit pour les antioxydants ou les nutriments, et pourraient avoir un impact différent sur la santé. Il est donc nécessaire de réaliser des études sur l’association de différents fruits aux différents états de santé.

Un effet protecteur des pommes ?

Dans une étude récente, réalisée sur une large cohorte prospective de femmes américaines ² (Etude de Santé des Infirmières II), nous avons évalué la consommation habituelle de fruits, de jus de fruits et de leurs sous groupes, avant la grossesse et leur association au risque de DG.

Les résultats nous montrent qu’une consommation régulière et élevée de fruits avant la grossesse n’était pas associée à un risque accru de DG. En outre, une plus forte consommation de pommes (> 1 pomme/jour) est associée à une légère diminution du risque de DG. Cette relation inverse va dans le même sens que deux autres études portant sur les pommes et le risque de diabète de type 2 4,5. On sait que les pommes ont une charge glycémique faible et sont une source majeure de flavonoïdes. Cependant, dans notre étude, l’association inverse entre la consommation de pommes et le risque de DG restait significative même après ajustement pour la consommation de flavonoïdes. Nous pensons donc que d’autres composants phénoliques (catéchines par exemple), des antioxydants (vitamine C et β-carotène) ou d’autres facteurs encore inconnus présents dans les pommes, seuls ou combinés, pourraient contribuer à l’effet protecteur de ces fruits sur le risque de DG 2.

Pour les jus de fruits, rien n’est très clair

Pour les jus de fruits, en revanche, l’association entre leur consommation et le risque de DG n’était pas linéaire : le risque le plus faible se trouvait chez les femmes du troisième quintile de consommation (environ une demi-portion par jour). Il faut rester prudent dans l’interprétation de cette association non linéaire. Si, d’un coté, les vitamines, les minéraux et les composants phytochimiques qu’ils contiennent peuvent avoir des effets bénéfiques sur le diabète, à l’inverse, les jus de fruits sont plus pauvres en fibres et ont une charge glycémique plus élevée que les fruits entiers. Lorsque leur consommation demeure modérée, les effets bénéfiques de certains composants (vitamines et minéraux) peuvent contrecarrer les effets potentiellement néfastes des sucres rapides. Dans cette étude, il nous a été impossible d’écarter totalement des facteurs confondants, liés à certains comportements de santé non évalués, qui pourraient être associés à une consommation modérée de jus de fruits 2.

En définitive, ces données suggèrent qu’une forte consommation de fruits entiers avant la grossesse n’est pas associée à un risque plus élevé de diabète gestationnel. Il existerait même quelques preuves qu’un risque plus faible de DG serait lié à une forte consommation de pommes (>1/jour). En revanche, l’association entre jus de fruits et risque de DG n’est pas linéaire, le risque le plus faible se retrouvant chez les femmes ayant une consommation modeste. D’autres recherches sont donc nécessaires pour confirmer cette observation.

Cuilin Zhang
Division d’Epidémiologie, Statistiques & Recherche sur la Prévention, Institut National de la Santé de l’Enfant et du Développement Humain NICHD (National Institute for Child Health and Development), Instituts Nationaux de la Santé (NIH), MD, Etats-Unis
collaborateurs
  1. Zhang C, et al. Am J Clin Nutr 2011;94:1975S-1979S
  2. Chen L, et al. Diabetes Care 2012;35:1079-1081.
  3. Ceriello A. Metabolism 2000;49(Suppl. 1):27–29
  4. Knekt P, et al. Am J Clin Nutr 2002;76:560–568.
  5. Song Y, et al. J Am Coll Nutr 2005;24:376–384
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