Alimentation : les expériences vécues par les parents lors de l’enfance influenceraient les comportements de santé de leurs enfants

12 avril 2024
alimentation famille comportements

La famille joue un rôle prépondérant dans l’établissement des comportements de santé. De nombreuses études démontrent ainsi des liens entre les pratiques parentales et les habitudes des enfants en matière d’alimentation et d’activité physique. Néanmoins, les connaissances sont insuffisantes pour savoir si ces pratiques parentales reflètent tout ou partie des expériences vécues par les parents au cours de l’enfance. Une étude récente a examiné cette question dans un échantillon de familles hispaniques dont les enfants étaient en surpoids via une analyse de chemin. Les conclusions de ce travail suggèrent l’existence d’effets intergénérationnels liant l’expérience vécue par les parents concernant les repas au cours de l’enfance et les comportements de santé de leurs enfants. Des études supplémentaires restent nécessaires afin de confirmer ces résultats.

Bien que les effets positifs d’une alimentation saine et d’une activité physique régulière dès le plus jeune âge sont largement démontrés (Verduci et al., 2022), les consommations de fruits et légumes et les niveaux d’activité physique restent insuffisants chez de nombreux enfants et adolescents. C’est particulièrement le cas aux Etats-Unis au sein des communautés hispaniques (Michael et al., 2023).

La famille joue un rôle essentiel dans la formation de ces comportements de santé (Mollborn et al., 2018). De nombreux travaux démontrent ainsi que les croyances, les attitudes et les pratiques parentales (voir encadré) en matière d’alimentation et d’activité physique impactent considérablement les habitudes des enfants et peuvent notamment contribuer à l’atténuation du risque de maladies chroniques à l’âge adulte (Coto et al., 2019). Toutefois, à ce jour, aucune étude n’a exploré l‘effet transgénérationnel des pratiques familiales : influence des expériences vécues par les parents lors de l’enfance sur les résultats de santé de la génération suivante (enfants).

Afin d’y pallier, une étude récente (Lovan et al., 2024) portant sur un échantillon de familles hispaniques présentant une prévalence élevée de surpoids et/ou d’obésité a examiné deux types d’associations :

  • Les liens entre les expériences vécues par les parents à propos des repas durant enfance, leurs caractéristiques sociodémographiques et leurs stratégies parentales (voir encadré) en matière de santé ;
  • Les liens entre ces stratégies parentales et les résultats en matière de santé chez les enfants (alimentation et activité physique).

Les expériences passées des parents ont été évaluées à l’aide du « Childhood Family Mealtime Questionnaire » composé de 7 échelles de mesure des souvenirs liés aux repas durant l’enfance (voir figure 1 ci-dessous).

Figure 1 : Analyse de chemin proposée dans le cadre de l’étude de Lovan et al., 2024

Les expériences vécues durant l’enfance conditionnent les pratiques parentales

Première conclusion de ce travail, les parents dont les repas en famille étaient hautement encadrés et sources de stress ont tendance à adopter un contrôle parental plus important de leurs enfants. De même, l’importance accordée au poids au cours de l’enfance est associée à des pratiques parentales plus strictes (surveillance, discipline, fixation de limites).

Enfin, l’importance accordée au poids de la mère lors de son enfance est associée à un renforcement parental plus marqué des comportements favorables des enfants. Ce résultat est contradictoire avec la littérature existante mais peut s’expliquer de plusieurs façons. En effet, les études précédentes montrent que la pratique d’un régime constant chez la mère peut contribuer au développement de troubles alimentaires, susceptibles d’être transmis à la descendance (Martini et al., 2020). Toutefois, dans cette étude, l’échantillon ne comprenait que des enfants en surpoids ou obèses. Il est donc possible que les parents qui se souviennent avoir accordé de l’importance à leur poids cherchent à créer un environnement plus favorable à la santé de leurs enfants afin d’encourager l’adoption de comportements sains et la perte de poids.

En ce qui concerne les caractéristiques socio-démographiques, les résultats montrent que les participants ayant vécu plus longtemps aux Etats-Unis et ayant un niveau d’éducation plus élevé sont moins stricts vis-à-vis de l’alimentation et l’activité physique de leurs enfants. Cependant, le contrôle parental n’est pas associé aux résultats des jeunes en matière de santé.

Une potentielle transmission intergénérationnelle des comportements de santé

Afin d’évaluer l’effet des stratégies parentales sur les comportements de santé des enfants, plusieurs indicateurs ont été utilisés :

En accord avec des travaux antérieurs, le recours important à la discipline et à la surveillance a été associé à une consommation plus élevée de fruits et légumes chez les enfants (Wilson et al., 2019 ; Kiefner-Burmeister, 2020). Ces observations témoignent d’une possible transmission intergénérationnelle des comportements de santé. En effet, des attitudes parentales plus contraignantes autour des repas, ainsi qu’une plus grande attention portée au poids conduisent à l’adoption de stratégies parentales similaires par les futures générations, ce qui peut à son tour, influencer les comportements de santé des enfants.

Enfin, les résultats montrent qu’une surveillance parentale accrue est associée à un plus grand nombre de “mauvais jours” liés à la qualité de vie physique des enfants. Toutefois, cette observation ne concorde pas avec les conclusions d’études précédentes qui ont démontré qu’une plus grande surveillance est associée à des résultats positifs chez l’enfant – IMC plus faible, limitation des comportements obésogènes (Elder et al., 2010 ; Conlon et al., 2015 ; Romanos-Moreno et al., 2020 ; Stephenson et al., 2021).
Cette divergence dans les résultats peut s’expliquer par le fait que les enfants ayant participé à cette étude étaient en surpoids ou obèses. Dans ce contexte, le fait d’être soumis à une surveillance accrue de la part des parents peut avoir eu des effets négatifs sur la qualité de vie physique. Des recherches supplémentaires sont ainsi nécessaires pour confirmer et généraliser ces résultats.

Une étude qui fournit un cadre pour de futures interventions de promotion de la santé

Les conclusions de ce travail suggèrent l’existence d’une continuité intergénérationnelle des comportements parentaux. Les individus ayant grandi dans un environnement structuré et autoritaire semblent hériter et reproduire les mêmes comportements avec des pratiques parentales plus strictes avec leurs enfants. Cette étude est particulièrement intéressante car elle fournit des informations précieuses sur l’influence des styles éducatifs sur la santé des générations futures.

Les données issues de ce travail peuvent également servir de base pour de futures interventions de promotion de la santé, en les invitant à :

  • Mettre l’accent sur les stratégies parentales et les interactions familiales ;
  • Cibler à la fois les parents et les enfants lors de l’élaboration de programme de promotion d’un mode de vie sain.
Les stratégies parentales

Dans le cadre de ce travail, les stratégies parentales relatives à la santé ont été déterminées à l’aide de l’échelle PEAS (Parenting Strategies for Eating and Physical Activity Scale). Développé par Larios et al., 2009, cet outil évalue les attitudes des parents envers la nutrition et les activités physiques de leurs enfants. L’échelle se compose de 5 subdivisions et comprend 26 items :

  • Surveillance : mesure de la fréquence de surveillance des parents concernant les comportements sains des enfants ;
  • Discipline : mesure de la fréquence de mesures disciplinaires prises par les parents à l’égard de comportements défavorables à la santé des enfants (ex : consommation de boissons sucrées ; temps d’écran…)
  • Contrôle : mesure des stratégies de contrôle utilisées par les parents ; .
  • Restrictions/fixation de limites : évaluation des restrictions établies par les parents pour limiter les comportements défavorables à la santé des enfants ;
  • Renforcement : évaluation du recours aux compliments lorsque les enfants adoptent des comportements sains. ;
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