Royaume-Uni : atteindre le “zéro émission nette” permettrait d’améliorer la santé de la population

9 février 2023

Fin 2020, le Royaume-Uni s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de plus de 68% d’ici 2030 et vise le niveau « zéro émission nette » d’ici 2050. Actuellement, la majorité des données sur l’impact des mesures d’atténuation du changement climatique sur la santé reposent sur l’analyse de secteurs uniques. Afin de fournir plus de preuves, une étude récente a, pour la première fois, estimé les effets de politiques portant sur quatre secteurs différents sur la santé de la population. D’après ce travail, l’application de ces mesures conduirait à des avantages importants pour la santé de la population.

Signé en 2015 par 196 pays, l’Accord de Paris engage les nations à entreprendre des efforts ambitieux pour lutter contre le changement climatique. Pour évaluer l’efficacité des mesures prises par le gouvernement britannique, la Commission Britannique sur le Changement Climatique publie chaque année un rapport sur le bilan carbone du Royaume-Uni. En 2020, le sixième rapport de cette instance recommandait notamment la mise en place de mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans quatre secteurs : l’énergie, les transports, le logement et l’agriculture.

Comme indiqué dans la littérature existante, un grand nombre de ces mesures permettraient d’améliorer la santé de la population en encourageant notamment des comportements favorables à la santé. Récemment, l’étude de Milner et al, 2023 a évalué les effets intégrés de six politiques, proposées par le dernier rapport de la Commission sur le Changement Climatique, si elles étaient appliquées à la population d’Angleterre et du Pays de Galles.

Objectif zéro émission nette : 2 scénarios envisagés

Les six politiques analysées dans cette étude sont celles supposées présenter le plus grand impact sur la santé de la population (voir tableau 1).

Politiques Secteurs Potentiel impact sur la santé
Transition vers une production d’électricité à faibles émissions de gaz à effet de serre Energie Effet sur l’exposition aux particules fines ambiantes
Passage à des combustibles associés à de faibles émissions pour la consommation d’énergie domestique Logement
Amélioration de l’efficacité énergétique des logements Logement

Passage à des carburants associés à de faibles émissions pour les transports

Transport
Augmentation des déplacements actifs (marche, vélo) Transport Effet sur l’activité physique

Réduction de la consommation de viande rouge et substitution par des aliments d’origine végétale

Alimentation, agriculture Effet sur la composition et la qualité du régime alimentaire

Tableau 1 : Actions politiques de réduction d’émissions de gaz à effet de serre dans les secteurs sélectionnés et leurs potentiels effets sur la santé (d’après Milner, 2023)

Deux scénarios d’application de ces mesures à la population britannique ont été proposés et comparés à un scénario de référence :

  • Un scénario d’« engagement équilibré », basé sur des actions liées à la technologie et à l’énergie et nécessitant des changements de comportement relativement modestes de la part du consommateur.
  • Le deuxième scénario nécessitant quant à lui un « engagement généralisé » et impliquant des changements de comportement plus importants de la part du consommateur.

Plus la population est impliquée plus les bénéfices pour la santé sont importants

Le scénario de l’engagement généralisé permet d’obtenir une réduction légèrement plus importante de la pollution atmosphérique (33 %) par les particules fines à l’extérieur que le scénario de l’engagement équilibré. De plus, l’installation d’équipements énergétiques se ferait plus rapidement dans le cadre d’un engagement généralisé, ce qui entraînerait une diminution de la pollution atmosphérique plus rapide au sein des habitations et donc à une amélioration de la santé de la population.

Du côté des consommateurs, un tiers des déplacements en voitures seraient remplacés par des déplacements actifs d’ici 2050 avec le scénario d’engagement généralisé contre 12% pour son homologue. D’après les estimations de cette étude, l’augmentation des déplacements actifs dans le cadre d’un engagement généralisé serait, ainsi, associée à des effets bénéfiques sur la santé 2 à 3 fois plus importants que ceux d’un scénario équilibré.

Enfin, l’engagement généralisé permettrait de réduire de 50% la consommation de viande et de produits laitiers d’ici 2050 contre 35% pour un engagement équilibré. La réduction plus importante de la consommation de viande rouge se traduirait notamment par une plus grande consommation de fruits (17-18 g/jour), de légumes (22-23 g/jour) et de légumineuses (5-7 g/jour) et donc à une amélioration de la qualité du régime alimentaire.

La combinaison des politiques permettrait de réduire de manière importante la mortalité d’ici 2050

Au-delà des bénéfices directs sur la santé, la combinaison des six politiques permettraient également de réduire de manière substantielle la mortalité d’ici 2050, avec une réduction plus importante pour le scénario généralisé. En effet, pour l’Angleterre et le Pays de Galles (zone étudiée) près de 2,5 millions d’années de vie seraient gagnées d’ici 2050 avec un engagement généralisé, contre 2 millions pour le scénario équilibré. D’ici 2100, le nombre d’années de vie gagnées dans le cadre d’un engagement généralisé pourrait atteindre les 13,7 millions.

Bien que cette étude ne fournisse que des estimations générales de l’impact des mesures d’atténuation du changement climatique sur la santé, susciter des changements substantiels de comportement pourrait apporter des bénéfices plus importants sur la santé que des actions technologiques seules.

Ce travail souligne ainsi la nécessité de placer la santé au cœur des politiques et pointe l’urgence d’agir contre le changement climatique.

Objectif zéro émission nette pour un climat viable

Conformément à l’objectif de l’Accord de Paris, limiter le réchauffement climatique de la planète à 1,5°C nécessite de grandement réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre le “zéro émission nette” (Nations Unies, 2022).

Le terme de « zéro émission nette » est défini comme une situation dans laquelle les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine sont réduites à un niveau aussi proche possible de zéro, les émissions restantes étant compensées par l’élimination d’une quantité équivalente dans l’atmosphère (GIEC, 2018).

Dans son dernier rapport, le GIEC a invité les gouvernements à renforcer sensiblement leur contribution à cet objectif et à prendre sans délai des mesures ambitieuses pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GIEC, 2022).

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