Les médecins face aux défis de la nutrition

Les recommandations des médecins en matière de régime alimentaire et de nutrition : évolution sur 10 ans

Des décennies d’études ont démontré l’importance d’une bonne alimentation pour la santé des individus et des populations. Même si les américains ont peu à peu adopté de meilleures habitudes alimentaires, 90% d’entre eux ne respectent toujours pas les recommandations nutritionnelles américaines (Healthy Eating Index, HEI). Une alimentation « malsaine » représente un facteur de risque majeur pour 4 des 10 causes de mortalité évitable : les maladies cardiovasculaires, le cancer, les AVC et le diabète de type 2. Un tiers des décès prématurés sont attribués à des habitudes alimentaires inadaptées et à un mode de vie sédentaire. Pour les patients, les médecins sont des personnes fiables, bien respectées en raison de leur expertise pour les guider vers un mode de vie sain, reposant sur le régime alimentaire et la nutrition.

La sensibilisation aux questions nutritionnelles reste faible auprès du grand public

Hélas, la sensibilisation aux questions nutritionnelles reste faible auprès du grand public et les gens n’ont pas d’idée précise de leur propre équilibre alimentaire. Même si les personnes atteintes d’une maladie liée à l’alimentation prêtent davantage attention à la qualité de leur nourriture, elles sont loin de suivre les recommandations du HEI. Comprendre les informations alimentaires reste difficile pour beaucoup de gens, notamment ceux issus d’un milieu socioéconomique pauvre. Or ce sont eux qui présentent un risque accru de maladies liées à l’alimentation. Pourtant, se focaliser sur la sensibilisation ne constitue pas en soi la solution parfaite. Des conseils fiables et qui font autorité sont nécessaires.

Des sessions brèves de conseils alimentaires sont efficaces

Les patients sont particulièrement réceptifs aux conseils pour une vie saine, fournis au cours des consultations par leur médecin, car ils le considèrent comme la meilleure source d’information. Leur position de médecin leur permet au mieux d’aider leurs patients à adopter des habitudes plus saines à long terme. Des sessions brèves de conseils alimentaires sont efficaces pour modifier les habitudes alimentaires des patients et améliorer leur santé, en particulier chez ceux qui souffrent ou présentent un risque de maladie liée à une mauvaise alimentation.

Une réduction des dépenses de santé d’au moins 87 milliards par an !

Si les avantages sont indiscutables pour les individus, l’utilisation de ce type d’informations à l’échelon national pourrait avoir un impact plus important sur la population. Les dépenses directes et indirectes liées à la santé pourraient être réduites d’au moins 87 milliards de dollars chaque année et les décès imputables à des maladies coronariennes ou au diabète chuter de 20 à 30%.

En 2000, les objectifs du Healthy People, sous l’égide du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC, Center for Disease Control and Prevention), ont souligné l’importance des conseils alimentaires et les ont même envisagés comme un indicateur national de santé. Toutefois, ce type de conseils prodigués par les médecins reste rares : les conseils nutritionnels en consultations ont seulement été dispensés à 14% des patients.

Peu d’études ont porté sur l’influence des facteurs associés au fait de recevoir des conseils alimentaires (caractéristiques sociodémographiques, accès aux soins, état de santé, etc.) et leurs résultats sont souvent contradictoires. En outre, depuis les recommandations sur ce type de conseils, très peu d’études ont examiné les disparités entre patients au cours d’une période prolongée et à un niveau national.

Les résultats de l’Enquête Nationale en matière de santé et nutrition (NHANES)

Pour pallier cette déficience, nous avons utilisé les résultats de la NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) pour 2000 et 2011 (plus de 20 000 sujets). C’est une étude transversale basée sur un large échantillon représentatif de la population américaine. Pour mesurer la délivrance de conseils alimentaires, on a demandé aux sujets s’ils avaient parlé à leur médecin ou un professionnel de santé au cours des 12 derniers mois et s’ils avaient reçu à cette occasion des informations concernant la nutrition. Six variables ont été choisies pour étudier leur possible corrélation avec les conseils médicaux : l’âge, le sexe, l’origine ethnique, le niveau d’éducation, la couverture par une assurance et l’IMC.

Alors que seuls 23,7% des sujets en 2000 ont reçus des conseils nutritionnels de leur médecin, ce chiffre s’est élevé à 32,6% pour 2011. Pendant la même période, le pourcentage de sujets en surpoids ou obèses a augmenté de 61,5% à 64%. La prévalence des conseils nutritionnels augmente avec :

  • L’âge
    Les adultes de 45 à 74 ans étaient plus ouverts au conseil que les plus jeunes (18 à 24 ans). Chez les patients de plus de 75 ans, la prévalence des conseils a connu une tendance à la baisse entre 2000 et 2011. À l’inverse, 2011 a présenté une augmentation des conseils donnés aux patients plus jeunes (18 à 24 ans), sans doute en raison de l’augmentation de l’obésité chez les jeunes et d’une meilleure connaissance de celle-ci parmi les médecins.
  • L’IMC
    Les sujets obèses ont reçu plus souvent des conseils sur une alimentation saine que ceux dont le poids était normal et la différence était même encore plus importante en 2011.
  • Le niveau de scolarité
    La probabilité de recevoir des conseils alimentaires a augmenté avec le niveau d’éducation (meilleure compréhension, communication plus facile avec le médecin).
  • La couverture par une assurance
    Les patients sans assurance ont reçu moins de conseils. Cette disparité était encore plus marquée en 2011.

En ce qui concerne l’origine ethnique, la probabilité que les hispaniques reçoivent des conseils nutritionnels était inférieure de 26% à celle de la population blanche en 2000. D’autre part, cette probabilité était supérieure de 18% en 2011. De même, la population noire (non-hispanique) avait 42% de probabilités de plus de recevoir des conseils que la population blanche en 2011 (ce renversement était probablement lié aux efforts nationaux du programme Healthy People et à l’augmentation de l’obésité au sein de ces populations au cours des 11 années).

Il est encourageant que la prévalence des conseils liés à l’alimentation donnés par les médecins ait légèrement augmenté en dix ans. Toutefois, il existe toujours des différences significatives au sein de la population, liées en grande partie au sexe et à l’accès aux soins.

Ahmed NU, Delgado M, Saxena A. Trends and disparities in the prevalence of physicians’ counseling on diet and nutrition among the U.S. adult population, 2000-2011. Prev Med. 2016 Aug; 89: 70-5.
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