Fruits & légumes durant la grossesse

Modèle alimentaire méditerranéen, grossesse, asthme et atopie durant l’enfance

L’alimentation pourrait diminuer la survenue des maladies atopiques

Au cours des dernières décennies, la prévalence de l’asthme et de réactions allergiques a augmenté de façon dramatique, avec une plus forte incidence chez les enfants. Des études épidémiologiques et cliniques suggèrent qu’une modification ou une supplémentation de l’alimentation pourrait diminuer la survenue des maladies atopiques. A l’inverse, la malnutrition fœtale pourrait nuire à la “programmation” des systèmes respiratoire et immunitaire du foetus.

Récemment, nous avons mis en évidence une réduction du risque de sifflement et d’atopie chez les enfants de 6,5 ans dont les mères adhéraient fortement au régime méditerranéen durant leur grossesse1. A notre connaissance, il s’agit de la première étude longitudinale, qui évalue de manière prospective, dans une population générale, l’impact de la consommation maternelle durant la grossesse et la consommation infantile d’un régime méditerranéen, sur la survenue d’asthme et d’atopie durant l’enfance.

Une vaste étude de cohorte à la naissance

Cette enquête repose sur une étude de cohorte à la naissance, qui a débuté en 1997 sur l’île espagnole de Minorque2. 446 enfants ont été inclus dans cette étude qui a duré 6,5 années.

La consommation alimentaire durant la grossesse, et l’alimentation des enfants à l’âge de 6,5 ans, ont été évaluées par des questionnaires de consommation alimentaire et l’évaluation de l’observance au régime méditerranéen par des scores prédéterminés. Durant le suivi, les parents ont répondu tous les ans à un questionnaire et ont rapporté les interventions médicales durant l’année écoulée. D’autres données (niveau d’éducation des parents, niveau socio-économique, statut marital, maladies chez la mère, nombre de grossesses et exposition des enfants au tabagisme durant la grossesse et chez l’enfant à l’âge de 6,5 ans) ont été obtenues grâce à des questionnaires au cours de la grossesse et au terme du suivi de 6,5 ans.

412 enfants (89,6%) ont été testés sur le plan dermatologique pour 6 aéro-allergènes courants. La réaction atopique maternelle a été mesurée par un test cutané six mois après la naissance.

Un modèle alimentaire de type méditerranéen durant la grossesse protège contre l’atopie à l’âge de 6,5 ans

A l’âge de 6,5 ans, les prévalences des sifflements persistants, de sifflements atopiques et de l’atopie étaient respectivement de 13,2%, 5,8% et 17,0%.

Un tiers des mères (36,1%) avait un score bas pour le modèle alimentaire méditerranéen tandis que le reste avait un score élevé.

  • La consommation de légumes plus de 8 fois par semaine durant la grossesse avait un effet protecteur contre le sifflement persistant et l’atopie.
  • Une consommation de poisson supérieure à 2 à 3 fois par semaine et de légumes plus d’une fois par semaine réduisait le sifflement persistant.
  • A l’inverse, une forte consommation de viande rouge (> 3 à 4 fois par semaine) était associée à des sifflements persistants et de l’atopie chez les enfants.

A l’âge de 6,5 ans, une forte adhésion au régime méditerranéen protégeait conte le sifflement persistant et l’atopie.

Si l’on a retrouvé une corrélation forte entre un régime méditerranéen durant la grossesse et durant l’enfance, il n’y a eu pas d’interaction significative entre les deux scores. Si on inclut, dans un modèle multivarié, l’indice de consommation de modèle alimentaire méditerranéen chez la mère et chez l’enfant, les résultats sont très similaires, montrant un effet bénéfique, indépendant de l’alimentation maternelle durant la grossesse, sur le sifflement et l’atopie à l’âge de 6,5 années.

Le rôle des antioxydants est vraisemblable

Nos résultats indiquent que l’adhésion maternelle au modèle alimentaire méditerranéen durant la grossesse protège contre l’apparition de sifflements et d’atopie à l’âge de 6,5 années.

C’est, sans doute, une conséquence d’une exposition du foetus à plusieurs antioxydants et de la réduction consécutive des dommages liés au stress oxydatif dans les poumons.

Les céréales (surtout complètes) sont riches en antioxydants (vitamine E, acides phénoliques, acide phytique) et, chez les enfants, on a reconnu leur effet protecteur contre l’asthme3, 4.

Les fruits et légumes sont d’importantes sources d’antioxydants (vitamines C et E, caroténoïdes, sélénium, flavonoïdes), qui participent à la protection des voies respiratoires contre les dommages oxydatifs.

Outre les plus connues, d’autres molécules possèdent des activités antioxydantes et des fonctions biologiques importantes. On peut citer : l’oleuropeine, l’hydroxytyrosol et des polyphénols présents dans l’huile d’olive, un composant central du régime méditerranéen5. En outre, les acides gras polyinsaturés n-3, acide eicosapentaénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA) des graisses de poisson ont des propriétés anti-inflammatoires et leur forte consommation durant la grossesse a été associée à un risque réduit de maladies allergiques chez l’enfant6 – 8.

Une vision plus globale de la consommation d’aliments et de nutriments

Certes, les études portant sur un seul nutriment ou un seul aliment ont fait progresser nos connaissances de manière considérable. Mais elles n’ont pas forcément évalué les interactions générales entre les nutriments et les synergies qui existent entre certains composés9. Aujourd’hui, les enquêtes s’intéressent plus à des groupes d’aliments et des comportements alimentaires. Cette approche procure une vision plus globale de l’alimentation préventive. Des comportements alimentaires, comme le régime méditerranéen, prennent en compte les effets synergiques des nutriments et leurs interactions. Ils reflètent des préférences alimentaires réelles et sont particulièrement utiles pour des études épidémiologiques de l’asthme, dont la sévérité des crises peut être modulée par de nombreux composants alimentaires.

Leda Chatzi
Département de Médecine Sociale, Faculté de Médecine, Université de Crète, Héraklion, Grèce
  1. Chatzi L et al. (2008) Méditternanéen diet in pregnancy is protective for wheeze and atopy in childhood. Thorax 63, 507-13.
  2. Sunyer J, T et al. (2006) Early exposure to dichlorodiphenyldichloroethylene, breastfeeding and asthma at age six. Clin Exp Allergy 36, 1236-41.
  3. Wijga AH et al. (2003) Association of consumption of products containing milk fat with reduced asthma risk in pre-school children: the PIAMA birth cohort study. Thorax 58, 567-72.
  4. Tabak C et al. (2006) Diet and asthma in Dutch school children (ISAAC-2). Thorax 61, 1048-53
  5. Fito M et al. (2005) Antioxidant effect of virgin olive oil in patients with stable coronary heart disease: a randomized, crossover, controlled, clinical trial. Atherosclerosis 181, 149-58.
  6. Romieu I et al. (2007) Maternal fish intake during pregnancy and atopy and asthma in infancy. Clin Exp Allergy 37, 518-25.
  7. Sausenthaler S et al. (2007) Maternal diet during pregnancy in relation to eczema and allergic sensitization in the offspring at 2 y of age. Am J Clin Nutr 85, 530-7.
  8. Willers S, Devereux G, Craig L, McNeill G, Wijga A, Abou El-Magd W, et al. (2007) Maternal food consumption during pregnancy and asthma, respiratory and atopic symptoms in 5-year-old children. Thorax 62, 773-9
  9. Jacobs DR, Jr., Steffen LM. (2003) Nutrients, foods, and dietary patterns as exposures in research: a framework for food synergy. Am J Clin Nutr 78, 508S-13S.
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