« Une meilleure information pour un meilleur comportement »

New York et l’histoire !

Il était une fois une ville riche, dans laquelle les riches et les pauvres habitaient des gratte-ciel et parlaient autant de langues qu’il en existait sur terre. Son nom était New (comme neuve) York (à cause des prétentions d’un ancêtre). Un jour, quelque chose se détraqua. Un tiers des habitants devinrent très gros et en moururent. Les docteurs laissèrent entendre qu’il fallait faire quelque chose. Certains politiciens furent du même avis.

Ainsi débute l’article de Thomas Farley, qui décrit un combat de 2 ans, commencé en 2006, pour innover dans la régulation alimentaire. Le département de la santé de la ville de New York a tenté de lancer un programme original, reposant sur une évidence épidémiologique, destiné à empêcher les gens de se « sur-nourrir » à leur insu.

Un combat ahurissant contre l’industrie agro-alimentaire

L’idée était simple : montrer le contenu en calories des aliments dans les chaines de fast-food. Ni plus, ni moins. Montrer signifiait placer une étiquette facile à lire à côté des aliments pour que les consommateurs s’informent avant de faire leur choix. Cet objectif fut choisi par la ville de New York pour la bonne raison que 10% de ces restaurants assurent 30% des repas et que les enquêtes montraient que les consommateurs sous-estimaient largement la densité calorique des plats.

On assista alors à un combat ahurissant quand l’industrie agro-alimentaire tenta :

  1. de démontrer que le contenu en calories était une allégation, alors que c’est simplement un fait ;
  2. d’arguer que cette mesure allait contre la constitution américaine, en violant le premier amendement de liberté d’expression. Cet amendement protège les gens qui, non seulement peuvent dire ce que bon leur semble mais aussi peuvent refuser de dire ce qu’ils ne veulent pas !

A l’initiative de l’association des restaurateurs de l’Etat de New York, des poursuites judicaires eurent lieu. D’autres états furent même encouragés à prendre des mesures de protection contre l’étiquetage. Beaucoup de sociétés savantes soutinrent l’initiative du service de santé de la ville de New York, excepté le président de… la société d’obésité. D’autres états furent invités à prendre des mesures protectrices contre l’étiquetage. Au bout du compte, des mentions devinrent obligatoires.

Des leçons à tirer

Les auteurs tirèrent les leçons du combat de la Grosse Pomme (NY) contre l’industrie agro-alimentaire :

  1. L’obésité est un sujet de santé publique qui doit être pris en compte par un groupe avec un mandat officiel, comme n’importe quelle maladie chronique.
  2. Une base de volontariat a peu de chance d’être opérationnelle.
  3. Plusieurs compétences au sein de la santé publique sont nécessaires.
  4. Les actions locales peuvent avoir du succès.

27% des consommateurs influencés par les étiquettes alimentaires

Elbel et al. rapportent une première évaluation des interventions étudiant l’impact de l’étiquetage. Quatorze restaurants « d’intervention » ont été comparés à 4 restaurants contrôles situés à Newark. Dans les deux cas, des zones défavorisées furent sélectionnées. 55% des 1156 choix furent analysés.

Si la quantité moyenne de calories n’a pas été modifiée par l’intervention, 27% des consommateurs mis en présence de l’étiquetage déclarèrent qu’il avait influencé leurs choix. Les auteurs n’ont pas manqué de faire des commentaires sur le petit nombre de restaurants rapides qui participèrent et sur la difficulté d’influencer des populations de catégories socio-économiques défavorisées, qui supportent les charges les plus lourdes dans tous les sens du terme. Ils concluent que la réactivité du quart du groupe, si elle n’est pas suffisante, est encourageante.

Trois ans plus tard, en 2009, la première dame des Etats-Unis a commencé à prendre part au combat et à aider les écoles et la jeunesse du pays à se débarrasser des aliments de mauvaise qualité nutritionnelle ! Les données indiquent que l’épidémie d’obésité se tasse. L’action locale est nécessaire mais devrait être appuyée par le message clair que la prévention de l’obésité est un enjeu et une responsabilité nationale et planétaire.

Marie-Laure Frelut
Pédiatre, nutritionniste, ECOG (Groupe Européen de l’Obésité Infantile) - Service d’endocrinologie pédiatrique, Hôpital Bicêtre-Université Paris Sud - FRANCE
  1. Farley, T.A., et al., New York City’s fight over calorie labeling. Health Aff (Millwood), 2009. 28(6): p. w1098-109.
  2. Elbel, B., et al., Calorie labeling and food choices: a first look at the effects on low-income people in New York City. Health Aff (Millwood), 2009. 28(6): p. w1110-21.
Retour Voir l'article suivant