Bénéfices santé de la consommation de F&L

Taux élevés de lutéine et moindre risque de démence

Nutrition : une stratégie prometteuse pour ralentir le déclin cognitif

Plusieurs approches nutritionnelles ont été étudiées dans la prévention du déclin cognitif lié à l’âge. Le régime méditerranéen, riche en aliments végétaux – des fruits, des légumes, des légumineuses, des noix et des céréales – semble le plus prometteur. Cependant, la protection apportée par chaque classe de nutriments sur les fonctions cognitives reste mal comprise. Les vitamines C et E, les polyphénols et les caroténoïdes apparaissent comme les nutriments les plus intéressants, même si les résultats obtenus à ce jour sont mitigés quant au risque de démences toutes causes confondues et de la maladie d’Alzheimer (MA).

Le profil nutritionnel reflèterait les apports de nutriments

Les apports alimentaires ainsi que des différences individuelles en termes de biodisponibilité et de métabolisme peuvent avoir un impact sur le profil nutritionnel sanguin. De manière surprenante, peu d’études ont évalué le lien entre les nutriments sanguins, dont les caroténoïdes, et le risque de déclin cognitif lié à l’âge ou de démence. Des études cas-contrôle ont régulièrement montré des taux réduits de caroténoïdes sanguins chez les personnes démentes. Des études transversales ont suggéré que des taux adéquats de bêta-carotène, de lycopène, de lutéine, et/ou de zéaxanthine seraient associés à de meilleures performances cognitives chez les personnes âgées. Comme la phase prodomique de la démence peut être très longue, seules des études longitudinales, avec une longue période de suivi, pourraient montrer que l’exposition observée précède les résultats. A ce jour, peu d’études longitudinales examinant l’association entre les concentrations plasmatiques de caroténoïdes et le déclin cognitif ont été publiées et leurs résultats se révèlent contradictoires 1-2.

Caroténoïdes et risque de démence : données épidémiologiques de l’étude «Trois Cités» – Etude 3C

Récemment, nos études se sont focalisées sur l’association entre le risque de démence toutes causes confondues et de MA et les concentrations plasmatiques de différents caroténoïdes sur une période de 10 ans.

Notre échantillon comportait 1092 personnes inscrites dans l’étude 3C, une étude de cohorte prospective en continu, examinant les facteurs de risque vasculaires de démence. Les participants n’avaient pas de signes de démence au départ ; leur âge moyen était de 74,4 ans et ils ont été réexaminés tous les 2 ans durant 10 ans. Leur examen clinique a permis de diagnostiquer la présence éventuelle de démence/MA. Leurs concentrations de base de caroténoïdes plasmatiques (bêta-caroténoïdes, alpha-carotène, lycopène, lutéine, zéaxanthine et bêta-cryptoxanthine) ont été dosées par chromatographie en phase liquide à haute performance par la société DSM Nutritional Products.

Dans tous les cas, nouveaux cas de démence ou sujets contrôles, les carotènes, et surtout le bêta-carotène, représentaient les deux tiers des caroténoïdes plasmatiques. La lutéine et la bêta-cryptoxanthine étaient également présents parmi les xanthophylles totales (en moyenne 44% chacune).

Les plus fortes concentrations de lutéine sont associées à une légère diminution du risque de démence

Après ajustement par des variables socio-démographiques, génétiques et cliniques, il n’y avait pas d’association statistiquement significative entre le risque de démence toutes causes confondues et les concentrations plasmatiques de caroténoïdes totaux, bêta-carotène, xanthophylles totales et zéaxanthine. En revanche, une corrélation négative a été observée pour la lutéine plasmatique. Les plus fortes concentrations de lutéine étaient associées à une légère diminution du risque de démence (jusqu’à 16%) (Figure 1). Seule l’augmentation de la lutéine plasmatique a été associée à une diminution de 21% du risque de MA après ajustement complet (Figure 1).

Dans cette étude, nous rapportons l’importance particulière de la lutéine comme biomarqueur de la consommation de l’ensemble des caroténoïdes. Son mécanisme d’action serait probablement lié à ses propriétés anti-oxydantes. D’autres mécanismes comme l’action anti-inflammatoire, les modifications fonctionnelles et structurales des membranes synaptiques, la régulation de la croissance cellulaire et l’amélioration des jonctions gap pourraient également contribuer aux bienfaits biologiques pour le cerveau 3-4. De plus, de nombreuses données ont suggéré que la lutéine et la zéaxanthine contribueraient de manière significative au maintien des fonctions cérébrales 3. La lutéine et la zéaxanthine sont les caroténoïdes préférés du cerveau humain, constituant plus des deux tiers des caroténoïdes cérébraux. Elles se retrouvent surtout dans des régions vulnérables à la MA ; un potentiel effet anti-amyloïde du bêta-carotène a même été évoqué.

Une alimentation incluant surtout des légumes à feuilles vertes

Dans le domaine des caroténoïdes, peu d’études interventionnelles ont examiné le rôle préventif de la lutéine ou du bêta-carotène dans le déclin cognitif léger ou la MA et, à ce jour, leurs résultats sont mitigés 5-6. Il est nécessaire de reproduire les associations observées dans notre étude et surtout l’utilisation des biomarqueurs. Les données concernant la consommation de F&L ont souligné qu’une plus forte consommation de légumes, notamment ceux à feuilles vertes, était associée à un moindre risque de démence et de déclin des fonctions cognitives, mais que ce n’était pas le cas pour les fruits 7. Une alimentation incluant surtout des légumes à feuilles vertes a été proposée comme le meilleur modèle de protection contre la démence 8. Le message à retenir pour l’heure est qu’il est nécessaire d’effectuer davantage de recherches sur les habitudes alimentaires avant d’établir de nouvelles recommandations alimentaires pour améliorer la santé cérébrale chez les personnes âgées.

Catherine Féart
INSERM & Université de Bordeaux, ISPED (Institut de Santé Publique, d’Épidémiologie et de Développement), Centre INSERM U1219-Bordeaux Population Health, FRANCE
collaborateurs
Feart C, Letenneur L, Helmer C, Samieri C, Schalch W, Etheve S, Delcourt C, Dartigues JF & Barberger-Gateau P (2015). Plasma Carotenoids Are Inversely Associated With Dementia Risk in an Elderly French Cohort. J Gerontol A Biol Sci Med Sci. (in press)
  1. Hu P, Bretsky P, Crimmins EM, Guralnik JM, Reuben DB, Seeman TE. Association between serum beta-carotene levels and decline of cognitive function in high-functioning older persons with or without apolipoprotein E 4 alleles: MacArthur studies of successful aging. The journals of gerontology. Jun 2006;61(6):616-620.
  2. Kang JH, Grodstein F. Plasma carotenoids and tocopherols and cognitive function: a prospective study. Neurobiology of aging. Sep 2008;29(9):1394-1403.
  3. Johnson EJ. A possible role for lutein and zeaxanthin in cognitive function in the elderly. The American journal of clinical nutrition. Nov 2012;96(5):1161S-1165S.
  4. Obulesu M, Dowlathabad MR, Bramhachari PV. Carotenoids and Alzheimer’s disease: an insight into therapeutic role of retinoids in animal models. Neurochemistry international. Oct 2011;59(5):535-541.
  5. Grodstein F, Kang JH, Glynn RJ, Cook NR, Gaziano JM. A randomized trial of beta carotene supplementation and cognitive function in men: the Physicians’ Health Study II. Archives of internal medicine. Nov 12 2007;167(20):2184-2190.
  6. Johnson EJ, McDonald K, Caldarella SM, Chung HY, Troen AM, Snodderly DM. Cognitive findings of an exploratory trial of docosahexaenoic acid and lutein supplementation in older women. Nutritional neuroscience. Apr 2008;11(2):75-83.
  7. Loef M, Walach H. Fruit, vegetables and prevention of cognitive decline or dementia: a systematic review of cohort studies. J Nutr Health Aging. Jul 2012;16(7):626-630.
  8. Morris MC, Tangney CC, Wang Y, Sacks FM, Bennett DA, Aggarwal NT. MIND diet associated with reduced incidence of Alzheimer’s disease. Alzheimers Dement. Sep 2015;11(9):1007- 1014.
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