Alimentation saine et durable : comment proposer des recommandations accessibles et acceptables par tous ?

16 avril 2021

Alors que l’impact environnemental de l’alimentation, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre est de plus en plus étudié, plusieurs travaux scientifiques récents soulignent qu’une évolution des habitudes alimentaires pourrait le réduire très significativement. Dans le cadre d’une conférence organisée par le Fond français de l’alimentation le 30 mars dernier, Nicole Darmon Directrice de recherche à l’Inrae, est intervenue sur le thème « Une alimentation plus durable : oui, mais comment ? ». Elle a fait le point sur ses recherches destinées à proposer des recommandations pour une alimentation saine et durable, accessible et acceptable par tous.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), les systèmes alimentaires actuels ne permettent pas à chacun d’accéder à des aliments sains, abordables et sûrs. Ils sont, par ailleurs, responsables d’une part importante des émissions de gaz à effet de serre (20 à 35%) et sont un moteur majeur de conversion des terres, de déforestation et de perte de biodiversité. Alors que l’impact environnemental de l’alimentation, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre, est de plus en plus étudié, plusieurs travaux scientifiques récents soulignent qu’une évolution des habitudes alimentaires pourrait le réduire très significativement.

Mais une alimentation peu émettrice de gaz à effet de serre est-elle automatiquement de bonne qualité nutritionnelle ? Par ailleurs, pour assurer la bonne acceptation de ces nouvelles habitudes alimentaires par les populations, il convient de vérifier qu’elles n’entrent pas en conflit avec les normes sociales /culturelles et qu’elles sont économiquement accessibles à tous.

Une alimentation durable ne se limite pas à la dimension environnementale

Afin de faire le point sur ces questions, le Fonds français pour l’alimentation et la santé organisait, le 30 mars dernier, la conférence « Comment favoriser l’évolution des comportements vers une alimentation plus durable ? ». Dans ce cadre, Nicole Darmon Directrice de recherche à l’Inrae, a fait le point sur ses recherches en la matière.

Comme l’a rappelé Nicole Darmon en préambule de son intervention, selon la FAO, « les régimes alimentaires durables contribuent à protéger et à respecter la biodiversité et les écosystèmes, sont culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement sûrs et sains, et permettent d’optimiser les ressources naturelles et humaines » (FAO, 2010).

Cette définition montre bien les quatre dimensions à faire converger pour proposer des régimes alimentaires durables : 1/la santé, 2/l’environnement, 3/ le socio-culturel et 4/le socio-économique. Si la définition d’une alimentation saine est bien établie (voir encadré), converge-t-elle avec les autres dimensions ?

Prendre en compte le coût des calories pour assurer l’accessibilité des régimes alimentaires

Au plan économique, une variable centrale qui influence les choix alimentaires – et ce d’autant plus que le budget est faible – est le coût des calories procurées par les aliments. En effet, lorsqu’on dispose d’un budget contraint, se procurer les calories nécessaires pour assouvir sa faim peut devenir le principal critère de choix.
Selon ce principe du coût calorie, moins les aliments apportent des calories, plus leur coût est élevé. Ainsi le poisson, la viande, les légumes et les fruits sont les sources de calories les plus chères, tandis que les pommes de terre, les produits céréaliers, les matières grasses, et même les produits gras et sucrés ou gras et salés sont des sources de calories bon marché. Cette hiérarchie des prix des aliments à la calorie est donc particulièrement défavorable aux ménages pauvres, puisque les aliments constituant des sources importantes de nutriments indispensables pour protéger la santé sont des aliments globalement chers (Perignon, 2017 ; Darmon, 2015 ; Maillot, 2017 ; Darmon, 2008 ; Headey,2019).

Les aliments les moins émetteurs de gaz à effet de serre ne sont pas forcément les plus sains

Lorsqu’on se penche sur l’impact des aliments en termes de gaz à effet de serre, les produits animaux ont généralement un poids plus élevé que les produits végétaux. Cependant, il y existe une forte variabilité entre les produits animaux : la viande de ruminant et le poisson étant ceux dont l’impact est le plus élevé, la volaille ayant un poids intermédiaire, et les productions animales (œufs et produits laitiers) l’impact le plus limité. Parmi les végétaux, les produits céréaliers et les légumes secs ainsi que les produits gras/sucrés/salés (pâtes, chips, biscuits…) sont les moins impactants en termes d’émissions de gaz à effet de serre (Agribalyse, 2020).

Ainsi, assimiler « végétal » à « sain » et « durable » est un raisonnement erroné.

Consommer les justes quantités pour assurer l’impact carbone le plus modéré

Dernier élément, l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre est directement proportionnel aux quantités et aux calories consommées.
Ainsi, pour un même apport calorique, les régimes alimentaires les moins denses en énergie, comme l’alimentation méditerranéenne sont les plus émetteurs de gaz à effet de serre puisqu’il faut des quantités d’aliments plus importantes pour atteindre les besoins énergétiques. A apports énergétiques égaux, plus la qualité nutritionnelle des régimes alimentaires est élevée, plus leur niveau d’impact carbone est important (Vieux, 2013 ; Payne, 2016).
De ce fait, le premier levier permettant de réduire l’impact carbone de notre alimentation est certainement d’acheter moins, de gaspiller moins, et de manger juste ce dont nous avons besoin (Vieux, 2012). Une conclusion tout à fait en ligne avec les messages de santé publique destinés à lutter contre le surpoids et l’obésité.

Carte d’identité d’un régime alimentaire durable

Selon Nicole Darmon, pour concilier nutrition, budget, et environnement, un régime alimentaire durable devrait contenir :

  • Plus de légumes et de fruits,
  • Plus de légumes secs et des produits céréaliers complets plutôt que raffinés
  • Autant de produits tels que les produits laitiers et les œufs, dont l’impact carbone et le coût calorie sont intermédiaires,
  • Autant de poisson (notamment poissons gras), pour ses qualités nutritionnelles
  • Moins de viande de ruminant au profit des viandes blanches,

Il devrait également être diversifié et frugal en gaspillant moins, et en mangeant juste ce dont nous avons besoin.

Pour en savoir plus :

Qu’est-ce qu’une alimentation saine ? Selon l’OMS, une alimentation saine est diversifiée, constituée notamment de fruits et légumes, légumineuses, céréales complètes et noix et inclut peu de composants présentant un risque pour la santé (tels que sucres simples, sel et matières grasses). Les principes de base de ce qui constitue un régime alimentaire sain demeurent les mêmes, quels que soient les caractéristiques individuelles (âge, sexe, mode de vie et degré d’activité physique), le contexte culturel, les aliments disponibles localement et les habitudes alimentaire. Une alimentation saine aide à se protéger à la fois contre toutes les formes de malnutrition et aussi contre les maladies non transmissibles (MNT) comme le diabète, les cardiopathies, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et certains cancers.

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