Aliments ultra-transformés : réduire leur consommation de 10% permettrait de diminuer les risques de plusieurs cancers

7 avril 2023

Ces dernières décennies, la part des aliments ultra-transformés a nettement augmenté dans les régimes alimentaires. Un nombre croissant de travaux pointent les effets néfastes de ces produits. A l’occasion de la journée mondiale de la santé, Aprifel revient sur une étude récente réalisée par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Représentant à ce jour la plus grande étude épidémiologique sur l’influence de la consommation d’aliments ultra-transformés sur le risque de cancers, ce travail confirme le lien déjà identifié par des travaux antérieurs. Dans une optique de santé publique, cette étude apporte des arguments en faveur d’une recommandation de réduction de la consommation d’aliments ultra-transformés au profit d’aliments bruts ou peu transformés.

Caractérisés par une densité énergétique élevée et une qualité nutritionnelle moindre, les aliments ultra-transformés (voir encadré) peuvent représenter 25% à 60% de l’apport énergétique total moyen dans les pays à revenu élevé et intermédiaire (Cediel et al, 2021 ; da Costa Louzada et al, 2018). Cette situation inquiète car de multiples travaux suggèrent que la consommation de produits ultra-transformés est associée au surpoids, à l’obésité et aux maladies non transmissibles (Pagliai, 2020). La consommation de ces aliments a également été associée à certains cancers comme le cancer du sein et le cancer colorectal (Fiolet et al, 2018 ; Romaguera et al, 2021). Toutefois, les données issues d’études épidémiologiques sur cette association restent rares.

Afin d’approfondir ces connaissances, une étude récente réalisée par le CIRC (Kliemann et al, 2023) a examiné l’association entre le degré de transformation des aliments et le risque de cancers. Ce travail, réalisé à partir des données de l’étude EPIC, constitue la plus large cohorte prospective s’intéressant à l’association entre la consommation d’aliments ultra-transformés et le risque de cancers. Ses résultats confirment le lien déjà identifié par des travaux antérieurs entre consommation de produits ultra-transformés et risque accru de cancers.

Les aliments ultra-transformés représentent 32% de l’apport énergétique total moyen

Au total, près de 450 000 individus issus de 9 pays européens ont été inclus à cette étude. Leurs consommations alimentaires ont été analysées en fonction de leur degré de transformation à l’aide du système de classification NOVA (voir encadré). Leur contribution à l’alimentation quotidienne a ensuite été déterminée en termes de quantité et d’énergie.

En moyenne pour l’ensemble de la cohorte, les aliments bruts ou très peu transformés contribuent à 35,9 % de l’apport énergétique total. La France est le pays où la consommation de ces aliments est la plus élevée. Les ingrédients culinaires et les aliments transformés représentent quant à eux respectivement 7,3 % et 24,6 % de l’apport énergétique total. Enfin, les aliments ultra-transformés contribuent à 32 % de l’apport énergétique total. La Norvège étant le pays où leur consommation est la plus importante.

Figure 1 : répartition des apports alimentaires selon le niveau de transformation des aliments dans les 9 pays européens inclus dans l’étude

Comparés aux personnes consommant peu d’aliments ultra-transformés, ceux qui en consomment le plus sont statistiquement :

  • Plus jeunes,
  • Physiquement actifs,
  • Plus susceptibles d’avoir une alimentation riche en énergie, sel, lipides et glucides et éloignée du régime méditerranéen,
  • Moins susceptibles d’avoir fait des études supérieures.

Substituer 10% d’aliments transformés par une quantité équivalente d’aliments plus sains réduirait le risque de cancers

Selon ce travail, la consommation importante d’aliments bruts et peu transformés est associée à une diminution significative du risque de cancer global et de plusieurs types de cancers localisés (tête, cou, œsophage, colon, rectum et foie). A l’inverse, une consommation importante d'aliments transformés et ultra transformés est associée à un risque accru de cancers (toutes localisations confondues et analyse par localisations spécifiques).

Face à ces observations, les auteurs ont ensuite évalué l’effet potentiel sur le risque de cancers de la substitution de 10% d’aliments ultra-transformés par une quantité équivalente de produits bruts et peu transformés.

Selon cette modélisation, remplacer 10% des aliments ultra-transformés consommés par des aliments bruts, plus sains comme les fruits et légumes, les céréales ou encore le lait, réduirait le risque de plusieurs types de cancers (côlon, foie et sein chez les femmes ménopausées). Ces observations rejoignent celles de la cohorte française E3N (Shah et al, 2023) qui a notamment démontré qu’une adhésion à un régime végétal sain, constitué d’une faible proportion d’aliments moins sains, était susceptible de réduire le risque de cancer du sein chez les femmes ménopausées.

Ainsi, ce travail souligne l’importance de la qualité des aliments pour la prévention du cancer comme indiqué dans les rapports du World Cancer Research Fund et de l’American Institute of Cancer Research. Ainsi, ces résultats soutiennent la mise en place de recommandations de santé publique encourageant la réduction de la consommation d’aliments transformés et ultra-transformés et leur remplacement par des aliments bruts et peu transformés, pour la prévention des maladies non transmissibles.

Système de classification NOVA

La classification NOVA est un outil crée en 2010 par des épidémiologistes brésiliens dans le but de répartir les aliments en 4 groupes selon leur degré de transformation, allant des aliments peu ou pas transformés aux aliments ultra-transformés.

  • NOVA 1 - Aliments bruts ou très peu transformés : fruits et légumes, céréales, farine, pâtes, viandes, lait…
  • NOVA 2 - Ingrédients culinaires peu transformés  (issus de matières brutes) : matières grasses, sucre, sel…
  • NOVA 3 - Aliments transformés  (à partir de denrées des groupes 1 et 2) : pain, fromages, fruits et légumes en conserve, viandes/poissons fumés…
  • NOVA 4 – Aliments ultra-transformés (produits des groupes précédents auxquels s’ajoutent des additifs ou autres substances chimiques) : viande reconstituée, charcuterie, boissons sucrées, pains et pâtisseries industriels, produits sucrés, chocolat, plats préparés…
69%

des produits disponibles en supermarché sont ultra-transformés (Davidou et al, 2021)

1/3

de l’assiette des Français est composée d’aliments ultra-transformés (Salomé et al, 2021)

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