Italie : intégrer la durabilité aux recommandations alimentaires demande des données complémentaires et une évolution des modalités d’expertise

20 avril 2023

Face à la crise climatique, de nombreux pays travaillent actuellement à faire évoluer leurs recommandations nationales de consommation alimentaire pour y inclure la durabilité. A l’occasion de la journée mondiale de la Terre, ce 22 avril, Aprifel revient sur une étude récente partageant l’expérience italienne en la matière. Ce travail souligne la pertinence d’apporter au consommateur des recommandations et conseils pratiques pour accélérer la transition du système alimentaire et contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable. Cet article pointe également des besoins de connaissances et des optimisations à apporter au processus d’expertise pour améliorer la prise en compte de la durabilité dans les recommandations nationales alimentaires.

L’impact des systèmes alimentaires et des habitudes de consommation sur la santé et l’environnement est de plus en plus documenté (Springman et al, 2018 ). Ainsi, les connaissances actuelles pointent l’urgence de faire évoluer les systèmes alimentaires vers davantage de durabilité.

Afin d’encourager cette transformation, la FAO et l’OMS ont élaboré en 2019 des principes directeurs d’une alimentation saine et durable. Proposant des recommandations en matière de nutrition et de durabilité, ces principes visent à aider les pays à accompagner leurs populations vers des régimes alimentaires sains et durables. Dans cette optique, l’Italie a intégré pour la première fois un chapitre dédié à la durabilité dans la dernière révision des recommandations nationales de consommation alimentaires publiée en 2019. Une étude récente (Rossi et al, 2023) décrit le processus d’intégration de cette nouvelle dimension dans des recommandations traditionnellement centrées sur des objectifs nutritionnels. Ce travail identifie également les limites et freins ayant complexifié le processus.

Des recommandations globalement alignées avec les principes directeurs d’une alimentation saine et durable

Les auteurs ont comparé les recommandations formulées par l’Italie avec les 16 principes directeurs de la FAO pour une alimentation saine et durable, et évalué leur contribution à la réalisation des Objectifs de Développement Durable (voir encadré). Les recommandations alimentaires italiennes en matière de durabilité s’articulent autour de 8 thématiques (voir figure 1). Bien que ces directives aient été publiées avant celles formulées par l’OMS et la FAO, la majorité des principes directeurs figurent bien dans les recommandations italiennes pour la promotion de la santé humaine et de la durabilité. Certains de ces principes ont été traités spécifiquement dans une optique de durabilité, notamment la biodiversité, les déchets alimentaires, les emballages ainsi que les aspects culturels liés aux choix alimentaires.

Figure 1 : Principales thématiques abordées dans le chapitre sur la durabilité des directives alimentaires italiennes (adapté de Rossi et al, 2023)

Enfin, trois principes directeurs posés par la FAO ne figurent pas dans les recommandations italiennes :

  • la limitation des aliments transformés,
  • La restriction de l’utilisation d’antibiotiques et d’hormones pour la production alimentaire
  • la lutte contre les inégalités homme-femme.

Plusieurs raisons sont susceptibles d’expliquer la non-inclusion de ces sujets, notamment la politique alimentaire italienne qui ne fait pas de distinction entre les aliments transformés et non transformés, ainsi que la législation déjà très stricte en Italie et en Europe sur l’utilisation des antibiotiques et des hormones (Commission Européenne, 2005). Ainsi, une réflexion plus approfondie sur ces aspects devrait être menée pour les futures révisions des recommandations.

Des recommandations qui contribuent aux Objectifs de Développement Durable

Pour aller plus loin, les auteurs de cette étude ont évalué la contribution du nouveau chapitre des recommandations alimentaires italiennes à la réalisation des Objectifs de Développement Durable.

D’après ce travail, 4 recommandations italiennes permettent de répondre pleinement aux objectifs suivants :

  • Objectif n°6 : Eau propre et assainissement ;
  • Objectif n°12 : Consommation et production responsables ;
  • Objectif n°14 : Vie aquatique ;
  • Objectif n°15 : Vie terrestre.

L’Italie étant l’un des pays disposant du plus grand nombre de marques d’eau minérale (Lorenzoni, 2019), ce marché présente un impact considérable sur l’environnement. Ainsi, l’importance de la consommation d’eau du robinet, compte tenu de sa valeur nutritionnelle et de sa sécurité, a été largement abordée dans ce nouveau chapitre des recommandations alimentaires. De même, la place accordée à la prévention et à la réduction des déchets alimentaires au niveau des ménages est particulièrement importante dans ce chapitre. Des recommandations simples et pratiques sont notamment proposées comme la gestion des achats, le stockage des aliments ainsi que la réutilisation des restes.

Les nouvelles recommandations alimentaires sensibilisent également à la consommation de poissons issus de l’aquaculture, stratégie de pêche favorisant la préservation des ressources naturelles et assurant une qualité nutritionnelle accrue des poissons d’élevage (Grosso, 2020). Enfin, l’importance de la transition vers des régimes alimentaires plus durables a largement été abordée dans les nouvelles recommandations. L’adhésion à un régime méditerranéen, en favorisant la consommation de protéines végétales et diminuer les apports en protéines animales, participerait notamment à la préservation de la vie terrestre (Willet, 2019).

La nécessité d’une approche multidisciplinaire pour intégrer pleinement la durabilité

Cette étude démontre que l’intégration de la durabilité dans les directives alimentaires italiennes permet de fournir des recommandations pratiques visant à améliorer les comportements des consommateurs en termes de santé et de développement durable.

Néanmoins, les auteurs soulignent que l’approche utilisée dans la révision de ces directives alimentaires présente quelques limites. Au cours de l’élaboration des recommandations, les sources d’information ont été limitées par la faible disponibilité des documents de consensus (Rossi, 2022). En effet, la durabilité du régime alimentaire est un concept qui n’est pas encore complètement exploité, et dans lequel le risque de biais et d’interprétation « personnelle » est présent. Le manque d’experts en matière de durabilité dans la commission chargée de la rédaction des directives a été également souligné.

En conclusion de ce travail, les auteurs insistent sur la nécessité d’une approche multidisciplinaire de l’inclusion de la durabilité dans les recommandations alimentaires afin de couvrir l’ensemble des aspects relatifs à la transition vers des régimes alimentaires plus durables.

Agenda 2030, un programme universel pour le développement durable

En septembre 2015, les 193 États membres de l’ONU ont adopté le programme de développement durable à l’horizon 2030, intitulé Agenda 2030. Cet agenda s’articule autour de 17 Objectifs de Développement Durable qui comprennent des actions et des cibles mesurables visant à améliorer la santé et l’éducation, à réduire les inégalités, à promouvoir la croissance économique, à lutter contre le changement climatique et à préserver l’environnement. Ces objectifs sont interconnectés et s’appliquent à tous les pays développés et en voie de développement, avec le même degré d’ambition, tout en tenant compte de la variabilité des situations. Chaque année, les pays sont invités à rendre compte de leurs progrès devant le forum politique de haut niveau des Nations unies

Retour