Fruits & légumes, caroténoïdes et vieillissement

Caroténoïdes plasmatiques et déclin de la force musculaire avec l’âge

Un facteur clé du processus de dégénérescence

La sarcopénie, caractérisée par la perte de masse et de force musculaires au cours du vieillissement, est considérée comme un facteur clé du processus de dégénérescence. Il est largement admis que la sarcopénie liée à l’âge est provoquée par une combinaison de facteurs intrinsèques, liés à des modifications des mécanismes énergétiques moléculaires et cellulaires, et des facteurs extrinsèques ou environnementaux, comme la nutrition et l’exercice physique.

Facteur prédictif ou marqueur ?

La majorité des études portant sur la relation entre la consommation de caroténoïdes ou leur taux circulant et les fonctions physiques ont été des études transversales. Il est donc difficile de savoir si une carence en caroténoïdes est un facteur prédictif significatif de l’accélération de la perte de fonction ou un simple marqueur d’une détérioration globale de l’état fonctionnel, avec peu ou pas d’impact sur le risque de perte de fonction physique.

Pour tester l’hypothèse que de faibles taux sériques de caroténoïdes prédiraient un plus fort déclin de la force musculaire squelettique, nous avons étudié la relation entre le taux plasmatique de caroténoïdes totaux et le déclin de la force musculaire au niveau des hanches, des genoux et de la préhension, durant 6 ans chez les sujets de l’étude InCHIANTI, une étude de population de personnes âgées vivant dans la région de Chianti en Toscane.

Une évaluation à 3 ans et à 6 ans

Ont participé à cette étude des hommes et des femmes, âgés de 65 ans et plus, vivant dans deux petites villes de Toscane en Italie. (www.inchiantistudy.net). En 1998, 1270 personnes âgées de 65 ans et plus ont été sélectionnés au hasard dans les registres des villes de Greve in Chianti et Bagno a Ripoli. Les participants ont été réévalués après 3 ans (2001-2003) et 6 ans (2004-2006).

Les échantillons de sérum et de plasma ont été prélevés et immédiatement conservés à -80° C puis adressés au laboratoire du Dr. Semba pour mesurer les caroténoïdes plasmatiques par HPLC (Chromatographie Liquide à Haute Performance). Les caroténoïdes totaux (μmole/l) ont été calculés comme la somme des concentrations d’alpha-carotène, beta-carotène, beta-cryptoxanthine, lutéine, zéaxanthine, et lycopène.

Un risque plus levé de perte de force musculaire

Sur les 1155 participants inscrits, 1055 (91,3%) ont accepté une prise de sang. Chez 948 participants (82,1%), les taux plasmatiques de caroténoïdes et au moins une des trois mesures de force (hanches, genoux et/ou préhension) étaient disponibles pour analyse.

Après 6 ans, la force musculaire de 628 participants a été mesurée. Parmi les 328 personnes qui n’ont pas participé après 6 ans, 179 étaient décédées, 122 ont refusé de participer et 14 avaient déménagé.

Le déclin global moyen (Ecart-Type) de la force musculaire entre les mesures de départ et celles de la visite à 6 ans était de -2,28 (5,24) kg (P <0,0001), -0.82 (5,60) kg (P <0,0001) et –1,44 kg (P <0,0001) respectivement pour les muscles des hanches, des genoux et de la préhension.

Après ajustement pour de nombreux facteurs, comme l’âge, le sexe, l’éducation, l’indice de masse corporelle, le rapport taille/hanches, la densité musculaire du mollet, la surface transversale des fibres musculaires, le tabagisme actif, l’apport calorique total et l’activité physique (modèle 2), les participants appartenant au quartile inférieur de caroténoïdes plasmatiques avaient le risque le plus élevé de perte de force musculaire au niveau des hanches (OR = 3,01; 95% CI: 1,44-6,31, P = 0,003), des genoux (OR = 2,94; 95% CI: 1,41-6,12, P = 0,004) et de la préhension (OR = 1,87; 95% CI: 0,97-3,63, P = 0,07) comparé à ceux du quartile supérieur.

Un déclin plus rapide des forces musculaires

Notre étude montre donc que les hommes et les femmes âgés non institutionnalisés, ayant des taux plasmatiques faibles de caroténoïdes, ont un déclin plus rapide des forces musculaires au niveau des hanches, des genoux et de la préhension, après 6 ans de suivi, que ceux ayant de forts taux. Ces résultats confirment et élargissent le spectre d’application des données d’études transversales antérieures ayant montré une corrélation indépendante entre des apports faibles et des taux bas de caroténoïdes et la faiblesse musculaire et la diminution de la fonction physique.

En particulier, notre étude longitudinale a montré que les hommes et les femmes âgés ayant un taux plasmatique de caroténoïdes totaux < 1,37 μmole/L ont un plus haut risque de déclin musculaire en vieillissant.

Luigi Ferrucci
NIA-NIH, Etats-Unis
Fulvio Lauretani
NIA-NIH, Etats-Uni-Hôpital Universitaire de Parme, Italie
Stefania Bandinelli
Agence Sanitaire Florentine, Florence, Italie
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