Spécial WIC

Comment ne pas aimer les fruits et légumes ? La preuve par le scanner

Depuis des décennies, des preuves cohérentes se sont accumulées. Les personnes qui consomment le plus de F&L ont de moindres risques de maladies cardiovasculaires, d’AVC, de cancer, de diabète, d’insuffisance cardiaque et de mortalité toutes causes. Les F&L se présentent sous toutes sortes de couleurs, de formes, de tailles, de saveur et de textures. On peut les manger crûs, ou cuisinés, au four, à l’étouffée, à la vapeur, sautés, frits, grillés, ou au four à micro-ondes. Ils peuvent être servis entiers, tranchés, en dés, écrasés, en purée ou combinés de toutes ces manières.

Cependant la plupart d’entre nous n’en consomment pas les quantités recommandées. Et même si on déploie des efforts intensifs pour accroitre leur consommation, la cible est rarement atteinte….

La mesure du score calcique

Un article, paru dans la revue Circulation, présente les résultats de l’étude CARDIA (Coronary Artery Risk Development in Young Aduts). Il apporte de nouveaux arguments en faveur des bénéfices d’une alimentation riche en F&L sur le plan cardio vasculaire. Ses conclusions se fondent sur des données collectées entre 1985 et 1986 et les résultats sur le score calcique mesuré 20 ans plus tard.

Le score calcique est une évaluation chiffrée qui représente l’étendue des dépôts athéromateux calcifiés pouvant exister dans la paroi des vaisseaux coronaires qui irriguent le coeur. Le chiffre zéro indique qu’il n’existe aucun dépôt calcifié sur l’ensemble du réseau artériel coronaire. Ce score calcique est calculé au moyen d’un simple scanner et représente le plus puissant marqueur du risque d’accident cardiaque actuellement disponible.

Les participants à l’étude regroupaient des hommes et des femmes, blancs et noirs, âgés de 18 à 30 ans à l’inclusion, et recrutés dans 4 sites urbains d’Alabama, d’Illinois, du Minnesota et de Californie. Après un suivi de 20 ans, le taux de fidélisation est demeuré impressionnant (de l’ordre de 72%). Les apports alimentaires ont été évalués au moyen d’entretiens. Les fruits et légumes ont été regroupés dans une seule et même catégorie et leur consommation exprimée sous forme de portions ajustées à un apport énergétique de 2000 calories.

Une association curieusement limitée à la population féminine

Ces données mettent en évidence une relation inverse entre la consommation de F&L durant la jeunesse et la prévalence du score calcique plus tard dans la vie. Cette association est limitée à la population féminine. Elle reste significative – quoique atténuée – après ajustement sur l’apport énergétique total et d’autres facteurs nutritionnels associés au score calcique, (laitages, noix, légumineuses, oeufs, poisson, viande rouge, pâtes raffinées, pâtisseries, frites, apport en sel, boissons sucrées et fréquence de la consommation au fastfood, ainsi que d’autres marqueurs comme le tension artérielle systolique, le LDL et le HDL cholestérol, glycémie à jeun.

Il est un peu déconcertant que cette relation ne soit significative que chez les femmes et non chez les hommes. On peut mettre ce phénomène sur le manque de puissance statistique de l’étude (63% de la cohorte étaient des femmes).

Les auteurs n’omettent pas de souligner que, dans d’autres cohortes, une consommation élevée de F&L a été associée à des effets bénéfiques, tant chez les hommes que chez les femmes, sur les maladies cardio vasculaires, les cancers et la mortalité globale.

Un IMC plus faible, un HDL plus important et un moindre apport énergétique

D’autres explications sont avancées: dans l’étude CARDIA, une consommation élevée de F&L est associée seulement chez les femmes avec un IMC plus faible, un niveau de HDL cholestérol plus important et un moindre apport énergétique.

Les niveaux de consommation de F&L ont été très variés allant de 3.3 à 8.9 portions par jour chez les femmes et de 2.6 à 7.2 chez les hommes. La liste de F&L comportait 48 items. La diversité des micronutriments contenus dans ces végétaux rend fortement improbable qu’un simple nutriment isolé constitue un lien potentiel entre sa consommation et le score calcique. Comme le rappellent les auteurs, la plupart des essais d’intervention réalisés avec un simple micronutriment (vitamine E, beta carotène, folates) ont donné des résultats décevants.

Reste à savoir si la réduction du score calcique est directement attribuable à la consommation de F&L. Cette question en soulève à elle seule bien d’autres.

Des habitudes alimentaires plus qu’un type d’aliment

Il est souligné que les sujets à forte consommation de F&L consomment en même temps moins de laitages riches en graisses, de viande rouge, de frites préparées avec des graisses hydrogénées, du pain blanc, de pates raffinées, de boissons sucrées, de pâtisseries de sel ou d’aliments de fastfood. En revanche, ils consomment plus de légumineuses et de poisson, moins de calories, sont moins portés sur le tabac, ont des niveaux socioculturels plus élevés et pratiquent une activité physique plus régulière. Après ajustement sur ces divers facteurs, les résultats concernant les F&L ont été peu atténués.

La question reste cependant posée de savoir si la réduction du score calcique est uniquement due à des apports élevés en F&L ou à une constellation d’éléments protecteurs. On ne sait pas encore y répondre avec certitude. Une meilleure approche serait d’identifier les relations existant entre l’alimentation, le mode de vie et le score calcique. Quoiqu’il en soit, ces données sont en accord avec les recommandations américaines de 2015.

En attendant, quel message peut-on délivrer au grand public ? Qu’il ne suffise pas d’ajouter un fruit à son dessert mais peut être de ne pas se centrer sur un seul type d’aliment et de se focaliser sur des habitudes alimentaires plus globales. Du bon sens, en quelque sorte ! Mais suffit-il à convaincre ?

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Alic H. Lichtenstein; Fruits and Vegetables Get a Golden Halo Once Again: Is There More to the Story? ; Circulation. Published online October 26, 2015; Circulation is published by the American Heart Association; Print ISSN: 0009-7322. Online ISSN: 1524-4539
Retour Voir l'article suivant