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Impact d’un amorçage olfactif sur les choix alimentaires

Qui n’a jamais eu envie d’un croissant chaud en passant devant une boulangerie ? Les signaux sensoriels (olfactifs, visuels, …) présents dans l’environnement peuvent nous amener à acheter et consommer un aliment. C’est ce que révèlent de récentes recherches en psychologie indiquant que ces signaux peuvent avoir un impact sur notre comportement alors même que nous n’en sommes pas conscients 1,2. Il est maintenant admis qu’une grande part de nos choix alimentaires est davantage guidée par des processus non-conscients que par une réflexion consciente 3. Néanmoins, peu de travaux permettent de mesurer objectivement l’effet de tels signaux, en particulier olfactifs, sur le comportement alimentaire.

L’originalité de nos travaux est de tester si une odeur de fruit, non consciemment perçue, peut modifier les choix alimentaires d’adultes « sains », sans restriction alimentaire.

Le paradigme d’amorçage

Nos travaux se sont basés sur l’utilisation d’un paradigme issu de la psychologie : « le paradigme d’amorçage ». Des individus sont exposés à un stimulus (olfactif, visuel, auditif, etc.), que l’on appelle « l’amorce » sans que leur attention ne soit attirée sur celle-ci (groupe expérimental). Ils réalisent ensuite différents tests et leur comportement est comparé à celui d’individus non exposés à cette amorce (groupe contrôle). La différence de comportement entre les deux groupes traduit le fait que des représentations mentales en lien avec l’amorce ont été activées chez les individus exposés comparativement aux individus du groupe contrôle. Ces représentations mentales sont basées sur l’expérience et les apprentissages antérieurs de l’individu et vont, si c’est approprié pour la situation dans laquelle se trouve l’individu, entraîner une modification non consciente de son comportement.

Des choix sous influence

Au cours de notre étude, une centaine de participants sont venus au laboratoire sous un faux prétexte et ont patienté quinze minutes dans une salle d’attente qui avait été au préalable soit odorisée avec une odeur de poire (groupe expérimental), soit non odorisée (groupe contrôle). L’intensité de l’odeur était relativement faible de sorte que les participants ne la percevaient pas consciemment. Durant cette exposition, des représentations mentales en lien avec l’odeur ont été activées. Le principe est ensuite d’utiliser des tests indirects afin d’évaluer les effets non conscients de l’activation de ces représentations mentales sur le comportement de choix. Pour se faire, nous demandions aux participants de quitter la salle d’attente et de s’installer dans une autre salle dans laquelle ils allaient devoir choisir différents aliments présentés sur un buffet (une entrée, un plat et un dessert) afin de constituer leur plateau pour le déjeuner. Les résultats ont mis en évidence que, comparativement aux participants du groupe contrôle, les participants ayant été amorcés avec l’odeur de poire choisissaient plus de desserts à base de fruits (une compote de pomme) que des desserts à haute densité énergétique (un brownie) lorsqu’ils composaient leur déjeuner.

L’amorçage comme outil d’intervention ?

Dans le cas des travaux cités ci-dessus, un stimulus de faible intensité (l’odeur de poire) qui échappe à la conscience peut donc activer certaines représentations dans le cerveau. Ainsi, une odeur de fruit active des représentations en lien avec des desserts fruités. Une fois amorcées, ces représentations semblent donc pouvoir modifier le comportement de l’individu. Parvenir à mieux comprendre les processus non conscients qui sous tendent les choix alimentaires pourrait in fi ne permettre de les mettre à profit afin de proposer de nouvelles stratégies permettant d’orienter les comportements vers des choix d’aliments sains. Toutefois, un certain nombre de questions restent en suspens. Les effets d’amorçage olfactif seront-ils les mêmes que ceux d’un amorçage visuel ou auditif ? Quels seront les effets d’un amorçage sur des individus portant une attention spécifique à leur alimentation ? C’est pourquoi, nos travaux méritent d’être poursuivis et ils ouvrent la voie vers de nouvelles recherches prometteuses.

Stéphanie Chambaron
CNRS, UMR6265 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation ; INRA, UMR1324 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation - Dijon - FRANCE ; Université de Bourgogne, UMR Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation - Dijon - FRANCE.
Marie Gaillet
CNRS, UMR6265 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation ; INRA, UMR1324 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation - Dijon - FRANCE ; Université de Bourgogne, UMR Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation - Dijon - FRANCE.
Sylvie Issanchou
Directrice de recherche - Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation, Inra, Dijon - FRANCE
Claire Sulmont-Rossé
CNRS, UMR6265 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation ; INRA, UMR1324 Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation - Dijon - FRANCE ; Université de Bourgogne, UMR Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation - Dijon - FRANCE.
Gaillet M, Sulmont-Rossé C, Issanchou S, Chabanet C, Chambaron S. Impact of a non-attentively perceived odour on subsequent food choices. Appetite 2014;76:17–22 Gaillet M, Sulmont-Rossé C, Issanchou S, Chabanet C, Chambaron S. Priming effects of an olfactory food cue on subsequent food-related behaviour. Food Qual Pref,2013;30, 274-81.
  1. Dijksterhuis, A., Bos, M. W., Nordgren, L. F., & van Baaren, R. B. (2006). On making the right choice: the deliberation-without-attention effect. Science, 311, 1005-1007.
  2. Dijksterhuis, A., Smith, P. K., van Baaren, R. B., & Wigboldus, D. H. J. (2005). The unconscious consumer: effects of environment on consumer behavior. Journal of Consumer
  3. Wansink, B., & Sobal, J. (2007). Mindless eating: the 200 daily food decisions we overlook. Environment and Behavior, 39, 106-123.
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