Rôle des médecins dans la prévention : importance des conseils nutritionnels

Importance de la formation dans la prise en charge de l’obésité : une étude dans un hôpital universitaire de Genève

Les individus en surpoids ou obèses sont victimes de discriminations dans le domaine de l’éducation, des médias, de l’emploi ou de la santé1. Même certains personnels de santé (PS) avouent avoir des préjugés envers ces sujets1. Cela peut avoir de graves conséquences psychologiques, médicales et sociales2. Les personnes obèses qui ont  subi des moqueries, voire des violences, en raison de leur surpoids, présentent un risque accru de dépression, de manque de confiance en eux, de mauvaise image de leur corps, de stress et de troubles psychiatriques3,4. Globalement, la discrimination liée au poids altère la qualité de vie des personnes qui en sont victimes5, et peut favoriser la survenue de troubles alimentaires comme l’hyperphagie boulimique et/ou le rejet de toute activité physique, ce qui renforce le cercle vicieux chez les obèses6-8.

Transmettre des messages cohérents et éviter la stigmatisation  

Malgré leur rôle crucial dans la prévention et le traitement du surpoids, certains PS ressentent un manque de compétences pour prendre en charge les patients obèses, et doutent de l’efficacité à long terme de leurs actions9, 10.

Une première étape serait que tous connaissent les dernières recommandations en matière d’activité physique régulière, d’alimentation saine, ainsi que les objectifs et moyens de prise en charge des adultes et enfants obèses, pour transmettre des messages cohérents. La connaissance des directives actuelles et les attitudes à adopter pour empêcher toute stigmatisation sont particulièrement importantes.

Cette étude a évalué les connaissances, attitudes, croyances, perceptions d’opportunités d’intervention, pratiques, besoins en formation et en matériel pour les infirmières et les médecins  concernant la prise en charge de l’obésité  au sein d’un hôpital universitaire suisse.

834 médecins et infirmières ont participé à une étude en ligne

Nous avons développé un questionnaire fondé sur la littérature, les entretiens exploratoires et les revues de comités d’experts disponibles. Ses 110 items étaient divisés en 4 parties :

  1. Caractéristiques professionnelles et personnelles sur le niveau de formation en matière d’obésité
  2. Connaissance des recommandations actuelles sur la nutrition, l’activité physique, les objectifs et les moyens de prise en charge
  3. Attitude vis-à-vis des patients obèses
  4. Pratiques rapportées

Après un test préliminaire auprès de 15 d’entre eux, le questionnaire anonyme a été envoyé en ligne à l’ensemble des médecins et infirmières (n = 3 452) des différents services de l’hôpital. Le protocole de l’étude a été approuvé par une commission éthique.

Un total de 834 personnels de santé ((dont 72 % de femmes) ont participé à l’étude (taux de réponse : 24,2 %).

70 % des participants n’avaient suivi aucune formation sur l’obésité  

Pendant leurs études, près de 70 % des participants ont déclaré n’avoir reçu aucune formation sur l’obésité, ou ne pas s’en souvenir. À peine 13 % (n = 108) ont déclaré avoir suivi une formation post universitaire sur ce sujet.

Si les participants ont rapporté peu d’attitude négative vis-à-vis des obèses, ils ont toutefois souligné des connaissances insuffisantes pour diagnostiquer l’obésité, ainsi qu’un manque de confiance et de formation en matière de prise en charge. Un tiers ne savait pas calculer l’Indice de Masse Corporelle (IMC).

Quant aux recommandations nutritionnelles, 60 % des sujets savent composer un menu sain, mais 81 % ignorent les quantités recommandées de F&L et 53 %, la fréquence recommandée d’aliments à haute densité nutritionnelle. Concernant l’activité physique, 72 % et 31 % des participants connaissent respectivement les recommandations pour les adultes et les enfants.

La moitié des  participants considèrent que la prise en charge de patients obèses fait partie de leur rôle, mais 55 % estiment ne pas disposer d’une formation suffisante. Une grande majorité (93,8 %) des participants sont convaincus de la nécessité d’une équipe interdisciplinaire pour traiter l’obésité.

Améliorer la formation: un objectif essentiel !

Les personnels de santé sont en première ligne pour évaluer, diagnostiquer et prendre en charge les patients obèses. Notre étude montre que, si les infirmières et médecins interrogés au sein de l’hôpital universitaire ont rapporté un faible niveau d’attitude négative auprès des patient, ils ont reconnu un manque de connaissances et d’aptitudes en matière de prise en charge. Il est donc nécessaire d’améliorer la formation de ces professionnels afin de garantir des messages adaptés et cohérents.

Basé sur : Bucher Della Torre S. et al. Knowledge, attitudes, representations and declared practices of nurses and physicians about obesity in a university hospital:
training is essential. Clin Obes. 2018; 8(2):122-130.

Sophie Bucher Della Torre
Département Nutrition et Diététique, Haute école de santé de Genève, HES-SO Haute école spécialisée de Suisse occidentale, Genève, SUISSE
  1. Puhl RM, Heuer CA. The stigma of obesity: a review and update. Obesity (Silver Spring) 2009; 17: 941–964
  2. Carr D, Friedman MA. Is obesity stigmatizing? Body weight, perceived discrimination, and psychological well-being in the united states. J Health Soc Behav 2005; 46: 244–259.
  3. Schvey NA, Puhl RM, Brownell KD. The stress of stigma: exploring the effect of weight stigma on cortisol reactivity. Psychosom Med 2014; 76: 156–162.
  4. Puhl RM, King KM. Weight discrimination and bullying. Best Pract Res Clin Endocrinol Metab 2013; 27: 117–127.
  5. Latner JD, Barile JP, Durso LE, O’Brien KS. Weight and health-related quality of life: the moderating role of weight discrimination and internalized weight bias. Eat Behav 2014; 15: 586–590.
  6. Vartanian LR, Shaprow JG. Effects of weight stigma on exercise motivation and behavior: a preliminary investigation among college-aged females. J Health Psychol 2008; 13: 131–138.
  7. Schvey NA, Puhl RM, Brownell KD. The impact of weight stigma on caloric consumption. Obesity (Silver Spring) 2011; 19: 1957–1962.
  8. Jackson SE, Beeken RJ, Wardle J. Perceived weight discrimination and changes in weight, waist circumference, and weight status. Obesity (Silver Spring) 2014; 22: 2485–2488.
  9. Epstein L, Ogden A qualitative study of GPs’ views of treating obesity. Br J Gen Pract 2005; 55: 750–754.
  10. Bocquier A, Verger P, Basdevant A et al. Overweight and obesity: knowledge, attitudes, and practices of general practitioners in France. Obes Res 2005; 13: 787–795.
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