Equilibre acido-basique et aliments alcalinisants

Le rôle des anions et des cations des fruits et légumes dans la protection osseuse

La prévention nutritionnelle des maladies osseuses (rachitisme, ostéopénie et ostéoporose) s’est longtemps concentrée sur l’apport de calcium et de facteurs associés comme la vitamine D. Ces 10 dernières années ont permis de prendre conscience de l’impact de l’alimentation occidentale sur les modifications des valeurs nutritives des aliments. En général, cela aboutit à une plus haute teneur en énergie et une plus faible teneur en minéraux (excepté le sodium qui est très abondant dans notre alimentation), en vitamines et nombreux autres micronutriments.

Une caractéristique presque exclusive des fruits et légumes

Il est à présent reconnu que l’alimentation actuelle entraîne une acidose métabolique chronique latente quasi-permanente qui mobilise les minéraux osseux – surtout le calcium – et les acides aminés musculaires pour la production de glutamine et provoque également des troubles rénaux. Ces mécanismes pouvant être contrôlés quand l’alimentation apporte des substances alcalinisantes, il existe un intérêt croissant pour la « fonction alcalinisante » des aliments qui sont des sources de précurseurs de bicarbonate de potassium (KHCO3).

Les fonctions alcalinisantes sont une caractéristique presque exclusive des fruits et légumes. Elles reposent sur leur composition ionique caractérisée par :

  • un profil cationique comportant une majorité de potassium, de magnésium et de calcium;
  • un profil anionique où les anions poly-carboxyliques – surtout le citrate et le malate -prédominent,
  • une pénurie relative en anions inorganiques comme les anions Cl, PO4 ou SO4.

Des quantités substantielles d’anions organiques

A l’exception des légumineuses et des céréales, la plupart des aliments végétaux contiennent des quantités substantielles d’anions organiques (citrate, malate), dont les taux varient entre 100 à 4000 mg/100 g de poids frais (pour les produits les plus riches comme les agrumes). En général, ces concentrations sont toujours plus élevées pour les fruits que pour les légumes. En effet, la comparaison de panels de fruits et légumes de consommation courante indique que les valeurs moyennes (citrate + malate) avoisineraient 1400 mg/100 g pour les fruits frais et seulement 300 mg/100 g pour les légumes frais.

Le taux de potassium des fruits varie de 100 à 400 mg/100 g de poids frais. Celui des légumes est encore plus élevé, dépassant parfois 600 mg/100 g dans certains cas. En fait, une des différences les plus marquantes entre les fruits et légumes est le ratio [K] / [anions organiques] (en mEq): ce ratio est généralement inférieur à 0,5 pour la majorité des fruits mais supérieur à 1 pour les légumes (jusqu’à 2,3 pour les citrouilles). Du point de vue des fonctions alcalinisantes, le potassium serait un facteur limitant dans les fruits alors que le ratio [K] / [anions organiques] est relativement bien équilibré pour les légumes.

3 à 4 grammes par jour

L’apport quotidien d’anions organiques est étroitement lié à la consommation de fruits et légumes. Les données dans ce domaine sont encore rares, mais les calculs, utilisant les tables de composition alimentaires et les données de consommation alimentaire, suggèrent que l’apport d’anions organiques serait d’environ 1 à 2 g/jour chez les faibles consommateurs d’aliments végétaux contre 3 à 4 g/jour chez les vrais omnivores. Notons que ces valeurs sont proches de celles observées pour le potassium, ce qui indique d’une certaine manière, que les anions organiques que l’on ingère sont surtout présents dans les aliments sous forme de sels de potassium.

5 à 10 fruits et légumes par jour : un effet protecteur sur l’os

Les preuves épidémiologiques d’un effet bénéfique de la consommation des fruits et légumes sur le capital osseux sont relativement récentes. En outre, elles portent sur des critères osseux (incidence de fractures, densité osseuse, marqueurs d’activité des cellules osseuses) et des populations différentes (personnes âgées à risque d’ostéopénie /ostéoporose, sujets jeunes pour leur pic de masse osseuse). Néanmoins, une revue des études épidémiologiques publiées dans ce domaine entre 1995 et 2007 (New et al 2004, mise à jour en 2007) conforte l’opinion qu’une consommation de 5 à 10 fruits et légumes par jour pourrait exercer un effet protecteur contre les risques de modifications osseuses. Un des facteurs de protection serait représenté par le potassium, présent dans la plupart de ces aliments, ce qui confirmerait la notion que les capacités alcalinisantes des fruits et légumes sont dues aux anions organiques des sels de potassium.

Une protection multifactorielle

En réalité, il est presque certain que les effets observés sont multifactoriels et que d’autres composants des fruits et légumes, comme les vitamines C ou K, ou différents phytonutriments (possédant des effets anti-oxydants ou pseudo-hormonaux), ont également des effets protecteurs sur l’os. Enfin, outre la prévention de l’ostéoporose, le potassium pourrait également avoir d’autres effets protecteurs, par exemple contre les maladies cardio-vasculaires (He & McGregor, 2003).

Christian Demigné
Unité de Nutrition Humaine, INRA, Theix, France
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