Travailler ensemble pour promouvoir les fruits et légumes

Manger du contenu, du sens ou du signe ?

Si ce questionnement n’est pas nouveau, les caractéristiques de l’offre alimentaire actuelle, l’abondance en produits transformés, l’origine souvent lointaine des aliments, leur composition incertaine, le discours nutritionnel logorrhéique, conduisent les consommateurs à s’interroger sur le fonctionnement harmonieux de la chaîne alimentaire et sur leurs repères dans un univers alimentaire, au final, bien étrange…

L’omniprésence du signe

Chacun sait l’importance de l’image et des signes, dans notre univers de communication marchande ou culturelle. A l’évidence, le signe, les apparences, la présentation, le vocabulaire, semblent avoir pris le pas sur les valeurs fondamentales de l’alimentation, le contenu réel des aliments en nutriments, leur juste place dans une chaîne alimentaire durable, leur utilité pour bien se nourrir. A tel point que certains aliments sont souvent des objets non identifiés au goût artificiel et manipulé et dont l’existence ne repose que sur des signes extérieurs.

L’omniprésence du signe concerne en premier les publicités en direction des enfants. Marketing efficace des images et infantilisation des goûts contribuent à éloigner durablement les enfants du partage de la nourriture avec les adultes. Les consommateurs de tous âges n’échappent pas au marketing alimentaire, avec une approche moins ludique mais des arguments tout aussi magiques concernant le bien être, la santé, l’origine des produits. Ainsi, des produits laitiers en provenance de vaches laitières hautes productrices, gavées de maïs et de soja, se refont une naturalité à travers des représentations de verts pâturages issus de nos plus beaux paysages. Des belles images de fruits, quelques aromes et colorants appropriés, suffisent à nous inciter à consommer un aliment qui flatte notre imaginaire de citadins. La pensée magique touche maintenant la santé, lorsque l’addition d’un simple ingrédient (qu’il s’agisse de phytostérols, de fructooligosaccharides ou d’oméga 3) nous protége d’une maladie prochaine. Pire encore, des vendeurs de boissons sucrées nous annoncent à pleine page de publicité qu’ils s’engagent fermement à lutter contre l’obésité. Sur le registre des bons sentiments, les aliments industriels deviennent parfois des vecteurs de l’affection et de la protection parentale.

Une interrogation complexe sur le contenu de nos assiettes

Même la gastronomie n’échappe pas à ce langage artificiel des signes qui prend le pas sur le contenu réel de nos assiettes. Le moindre menu est composé de plats portant des appellations toujours plus fantaisistes. Chaque chef, jeune ou ancien, moderne ou respectueux de la tradition, se cherche une identité, essaie de communiquer à travers les signes qui lui permettront d’être reconnu et adoubé par la critique. La présentation du plat fait l’objet d’une grande recherche esthétique. Soit, mais cette tendance à l’esthétisation de l’assiette n’offre aucune garantie sur son contenu réel, ni sur la qualité gastronomique finale.

Finalement, ce n’est plus l’assiette qui est jugée mais le marbre des toilettes. Sérieusement, plus on s’éloigne du terroir, de l’authenticité de l’aliment ou de la culture culinaire, plus le signe et l’aspect prennent le pas sur le contenu et le sens.

Evidemment, au-delà des signes ou de gesticulations autour des aliments et de la cuisine, il existe une interrogation complexe, concernant les problème réels du contenu de nos assiettes, de l’effet de l’alimentation sur notre bien-être et notre santé, de la manière dont les aliments sont produits et transformés, de la validité de nos comportements alimentaires et du caractère durable de la chaîne alimentaire qui nous environne.

Les modes alimentaires les plus sûrs

Bien au-delà des apparences, les aliments ont un contenu réel en nutriments et en micronutriments qu’il n’est pas toujours facile d’appréhender, tant dans les aliments naturels que dans les produits transformés munis d’étiquettes flatteuses. Chacun devrait adopter les modes alimentaires les plus sûrs, à l’instar du modèle méditerranéen. Il conviendrait simplement de diversifier nos choix, au sein d’une gamme de produits complémentaires, suffisants pour couvrir les apports nutritionnels mais également efficaces pour assurer la protection dont nous avons besoin.

Adopter une alimentation préventive sûre (souvent proche des terroirs régionaux ou inspirée de contrées plus lointaines – voire de pratiques culinaires modernes) et tenir compte le plus possible de nos besoins alimentaires, ne revêt aucun caractère contraignant et ne conduit pas pour autant à renoncer aux plaisirs de la table – dont personne n’a le monopole.


Nous sommes responsables de l’avenir de notre système alimentaire

On l’a compris : privilégier le fond plutôt que les apparences est primordial pour notre équilibre et notre santé et revêt également une dimension écologique globale. La nature de nos choix alimentaires est déterminante pour assurer le développement d’une alimentation durable dans toute son acception. Face à la montée de l’obésité, au caractère monolithique de l’industrialisation alimentaire qui nous est imposée, il est urgent de ne plus se laisser piéger par des signes artificiels de qualité. Ils correspondent plus à la gestion fugace du plaisir qu’à l’approche de fond dont nous aurions besoin dans ce domaine. Nous sommes responsables de l’avenir de notre système alimentaire. Nous devons favoriser l’avènement d’une chaîne alimentaire où les productions agricoles et agroalimentaires seront organisées dans toutes les régions pour satisfaire au mieux les besoins nutritionnels de l’homme. Ainsi, nos actes alimentaires seront alors particulièrement chargés de sens. Peu d’autres activités humaines revêtent une dimension humaine aussi forte que celle de nous ressourcer, de nous protéger, de partager et, en amont, celle d’assurer le maintien d’une agriculture nourricière.

Christian Rémésy
Directeur de recherche - INRA - FRANCE
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