Travailler ensemble pour promouvoir les fruits et légumes

“SUPER FRUITS” ou “SUPER MARKETING” ?

De nombreuses études épidémiologiques ont prouvé qu’une alimentation riche en fruits et légumes était associée à un risque moindre de cancer, de syndrome métabolique et d’ostéoporose. Grâce aux campagnes de sensibilisation, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à faire le lien entre fruits, légumes et santé. Cependant les recommandations sont loin d’être atteintes puisque des enquêtes récentes indiquent qu’en moyenne seulement trois portions de fruits et légumes sont consommées par jour.

Les fruits sont généralement riches en fibres et antioxydants. Les Américains utilisent depuis peu le néologisme “superfruit” pour définir tout fruit exceptionnellement concentré en l’un ou l’autre de ces composés. L’expression “fruit fonctionnel” est aussi employée pour qualifier ces mêmes fruits. Ainsi, un profil antioxydant élevé (associé à une concentration remarquable en caroténoïdes, flavonoïdes, polyphénols ou vitamines C et E) a été observé dans différentes baies ainsi que dans plusieurs fruits exotiques.

Les vertus des baies…

Les principales baies qui ont été classées comme superfruits sont : la baie d’açai provenant du Brésil, la myrtille et la canneberge d’Amérique du nord. Leur point commun : une concentration élevée en anthocyanines.

Plusieurs études scientifiques montrent que le jus de canneberge, particulièrement riche en proanthocyanidines, inhibe l’adhérence bactérienne et prévient les infections urinaires chez la femme. Cette activité d’anti-adhérence semble aussi profitable à l’intégrité de la muqueuse gastrique en limitant l’infection par Hélicobacter pylori. Les myrtilles, connues de longue date pour leur propriété sur la vision nocturne, ont aussi la faculté de réduire les troubles micro-circulatoires. Les activités antiradicalaire des anthocyanidines et stabilisatrice vis-à-vis du collagène semblent à l’origine du bénéfice santé des myrtilles.

… et des fruits plus courants…

Parmi les fruits plus couramment consommés, le pamplemousse suscite un intérêt sans précédent depuis la publication récente de plusieurs articles scientifiques qui indiquent que ce fruit, particulièrement riche en polyphénols et autres antioxydants, permettrait de réduire le développement de tumeurs prostatiques et serait également protecteur contre l’athérosclérose en ralentissant la peroxydation lipidique. Aussi étrange que cela puisse paraître, la poire a aussi été classée comme superfruit par le ministère de l’Agriculture américain (USDA).

C’est simplement la richesse en fibres (dont plus de 40% sont sous forme de pectine) de ce fruit qui a retenu l’attention des experts. La poire est ainsi recommandée pour les effets bénéfiques de ses fibres sur la physiologie du colon, mais également pour leur rôle préventif dans l’hypercholestérolémie et l’hypertension artérielle.


Jus de “superfruits” ou jus de pomme ?

Les entreprises de transformation de produits alimentaires surfent actuellement sur la vague santé-nutrition des fruits et légumes. Le développement et la commercialisation de nouveaux produits contenant des baies et autres superfruits sont en plein essor. Objectif affiché par les industriels de l’alimentaire ? Améliorer la fonctionnalité et le caractère “santé” de leurs produits.

Certaines baies, comme la canneberge sont particulièrement résistantes, d’un point de vue rhéologique et gustatif, aux procédés de transformation alimentaire. De plus, ces baies possèdent de bonnes capacités de conservation, ce qui en fait d’excellentes matières premières pour les industriels. La transformation alimentaire des superfruits permet de les proposer sous de nombreuses formes : purée, confiture, morceaux, fruits secs…

Le secteur des boissons non alcoolisées a été l’un des premier à incorporer des extraits de superfruit dans ses produits afin d’avancer des allégations portant entre autres sur la santé du tractus digestif (boissons à base de grenade, framboise, canneberge…). Il faut cependant noter que de nombreux jus, dits de superfruits, sont principalement préparés à base de jus de pomme, et contiennent finalement peu de superfruits.

Autre exemple, les barres de céréales fonctionnelles sont aujourd’hui fréquemment enrichies en superfruits. Enfin, les viennoiseries et autres biscuits le sont également pour redorer leur blason à travers une meilleure densité nutritionnelle.

Un bénéfice santé qui reste à démontrer

Grâce aux superfruits, les industriels de l’alimentaire cherchent à associer plaisir gustatif nouveau et fonctionnalité. S’appuyant sur des études scientifiques, les industriels et les médias parviennent à sensibiliser les consommateurs sur les bénéfices santé de certains fruits : ainsi la consommation de jus de pamplemousse a augmenté de +300% au royaume Uni depuis 2005.

Cependant plusieurs questions méritent d’être posées :

  • peut-on extrapoler des études montrant le bénéfice santé d’un fruit entier cru à la consommation du même fruit incorporé sous diverses formes et à un pourcentage parfois très faible dans un aliment ?
  • Peut-on extrapoler les résultats d’extraits de superfruits testés sur des cellules animales en culture à une fonctionnalité des mêmes extraits dans un aliment destiné à l’homme ?
  • Peut-on classer les fruits en fonction de leur concentration en antioxydants sans intégrer des paramètres de biodisponibilité ?
    • Est-ce que la médiatisation des superfruits apporte un réel bénéfice santé pour le consommateur, ou est-ce seulement un argument super-marketing pour les industriels ?


Si de nombreuses études épidémiologiques associent clairement la consommation élevée de l’ensemble des fruits et légumes à une meilleurs santé, il n’en est pas de même pour la consommation d’une sélection particulière de fruits, aussi riches puissent-ils être en antioxydants.

Frédéric Tessier
Enseignant-Chercheur en Nutrition Humaine Institut Polytechnique LaSalle - Beauvais - FRANCE
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