Actualités sur le programme américain WIC pour une alimentation saine pour les femmes, les nourrissons et les jeunes enfants

Monde anglo-saxon et habitudes alimentaires : des évolutions contrastées

Les pays anglo-saxons sont souvent pointés du doigt pour les « mauvaises » habitudes alimentaires d’une grande partie de leur population. Associée à une activité physique insuffisante, la junkfood généralisée est largement rendue responsable de l’essor de l’obésité, des pathologies cardio-vasculaires, du diabète de type 2 ainsi que de nombreux cancers.

Selon une étude publiée par The Lancet en avril 2016 ¹, les six pays de culture anglo-saxonne – USA, Royaume-Uni, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande et (dans une moindre mesure) Irlande – regroupent à eux seuls près de 20% des adultes obèses de la planète alors qu‘ils ne représentent que 7% de la population mondiale. De surcroît, la situation ne cesse de se dégrader… Aux Etats-Unis, 40% des femmes et 37% des hommes adultes sont atteints aujourd’hui d’obésité, ainsi que 17% des enfants et adolescents. Au Royaume-Uni, ainsi qu’en Irlande, la proportion d’adultes obèses devrait atteindre 38% dès 2025, faisant de ces deux pays les « lanternes rouges » du vieux continent en matière d’obésité !

Les Américains mangent «moins mal»…

Et pourtant, s’agissant du mode d’alimentation, des améliorations ont pu être mises en évidence. Aux Etats-Unis, une étude récente publiée dans le JAMA ² a montré une réduction significative du pourcentage d’Américains pratiquant un régime alimentaire néfaste à la santé (défi ni par les chercheurs comme répondant à moins de 40% des recommandations énoncées par l’American Heart Association ou AHA). Ainsi, l’analyse des données recueillies auprès d’un échantillon représentatif de 34 000 adultes a révélé qu’entre 1999 et 2012, le taux d’adeptes d’un tel régime est passé de 56% à 46%. Sur la période considérée, les mangeurs américains ont, en moyenne, réduit leur consommation de boissons sucrées et mangé davantage de fruits, de céréales complètes, de fruits à coque, de poissons et fruits de mer. En revanche, les légumes n’ont pas connu de progression et la charcuterie, ainsi que les graisses saturées et le sel de cuisine, n’ont pas diminué. Malgré ces progrès, les Américains sont encore loin d’être devenus des mangeurs vertueux : le pourcentage d’adultes respectant au moins 80% des objectifs diététiques de l’AHA n’est passé que de 0,7 à 1,5 % de l’échantillon.

… mais pas tous !

Par ailleurs, l’étude fait apparaître un creusement des disparités selon trois critères :

  • niveau d’éducation ;
  • revenus ;
  • appartenance ethnique.

Ainsi, par exemple, le pourcentage de « blancs » dont l’alimentation est défavorable à la santé s’est réduit en treize ans (de 54 % à 43 %) tandis que ce taux n’a pas du tout évolué chez les noirs et les hispaniques.

Faire ses courses avec son médecin ou une infirmière ?

Pour tenter de réduire ces disparités et renforcer les évolutions positives enregistrées, un programme d’un nouveau type a été initié par un réseau d’hôpitaux américains.

Baptisé « Shop with your Doc », il consiste à envoyer un commando de spécialistes de la santé (médecins, diététiciennes, infirmières) dans des grandes surfaces.

Leur mission : aider in situ les consommateurs à remplacer dans leur caddie les aliments « prêts à manger » – trop riches en sucre, gras ou sel – par des produits sains, leur dispenser gratuitement des conseils diététiques et des recettes de plats « santé », leur apprendre à lire les étiquettes, leur donner des idées et astuces culinaires…

Si le public fréquentant les magasins concernés a bien accueilli l’initiative, on ne connaît pas (encore ?) les résultats de cette action. Outre les hôpitaux, plusieurs chaînes d’hyper et supermarchés ont elles-mêmes recruté leurs propres spécialistes de la nutrition, qui vont à la rencontre des consommateurs au moment où ceux-ci font leurs courses.

Quand le scorbut réapparaît en Australie !

Dans tous les pays industrialisés, le scorbut semblait faire partie d’un passé lointain et définitivement révolu. Autrefois, cette maladie, causée par une carence en vitamine C, frappait plus particulièrement les marins au long cours : principalement par manque de fruits et de légumes frais pendant une longue période, ces navigateurs ne disposaient pas de l’indispensable vitamine.

Pourtant, en 2016, un centre de recherches sur le diabète et l’obésité de Sydney a diagnostiqué chez ses patients… 12 cas de scorbut ³ ! Ces personnes, carencées en vitamine C, consommaient très peu de fruits et de légumes (voire pas du tout) ou faisaient trop cuire les légumes (ce qui entraîne la destruction de la majeure partie de la vitamine C). Point important : ces personnes atteintes de scorbut présentaient des origines sociales variées.

Hélas, l’Australie n’est pas un cas isolé : des cas de scorbut ont également été mis en évidence en Grande-Bretagne.

Lutte contre les pathologies liées à l’alimentation: un visage contrasté…

Dans les pays anglo-saxons comme ailleurs, la lutte contre les pathologies liées à l’alimentation offre un visage contrasté : des résultats positifs – et encourageants – sont obtenus tandis que, sur d’autres aspects ou au sein d’autres groupes de population, la situation alimentaire et sanitaire ne s’améliorent pas, voire se dégradent.

Eric Birlouez
Sociologue de l’agriculture et de l’alimentation, Paris, FRANCE
  1. NDC Risk Factor Collabaration (NCD-RisC) Trends in adult body-mass index in 200 countries from 1975 to 2014: a pooled analysis of 1698 population-based measurement studies with 19·2 million participants. The Lancet, Volume 387,Issue 10026 ,1377 – 1396
  2. JAMA, June 2016. Dietary Intake among Us Adults, 1999-2012. Dariush Mozaffarian, et al.
  3. D. J. Christie-David, J. E. Gunton. Vitamin C defi ciency and diabetes mellitus – easily missed ? Diabet. Med.34, 294–296 (2017)
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