Environnement alimentaire et impact sur la consommation

Manger à la maison ou à l’extérieur pour préserver sa santé ? La réponse n’est pas si simple…

Les changements démographiques et socioéconomiques ont contribué à une augmentation de la consommation alimentaire hors domicile. Bien que les consommateurs exigent de plus en plus d’aliments de qualité, les apports nutritionnels déséquilibrés et les problèmes de santé comme l’obésité restent importants. Cet article étudie la relation entre la fréquence des repas pris à l’extérieur de la maison (FAFH-Food Away From Home), des apports alimentaires équilibrés et l’obésité chez les coréens adultes âgés de 19 à 64 ans.

La place du travail et le manque de temps ont conduit à rechercher des produits alimentaires plus pratiques. L’augmentation du nombre de ménages célibataires a entraîné une réduction de la préparation des repas à domicile. La consommation d’aliments transformés et de repas à l’extérieur a considérablement augmenté et suscite des inquiétudes sur la santé globale des consommateurs.

La FAFH comprend les cafétérias, la restauration rapide, les restaurants traditionnels, les bars, les hôtels, les magasins de détail et les lieux de loisirs (cinémas).

Les modèles de consommation alimentaire en Corée du Sud ont considérablement changé

Des chercheurs coréens ont mené une enquête statistique très approfondie analysant les effets de la fréquence des FAFH sur l’équilibre nutritionnel et l’obésité, en utilisant des traitements hypothétiques à plusieurs niveaux.

Les modèles de consommation alimentaire en Corée du Sud ont considérablement changé avec la croissance économique (Figure 1). L’apport calorique quotidien est passé de 2 876 Kcal en 1990 à 3 128 Kcal en 2016. La proportion de l’apport en matières grasses était de 14,1 % en 1990 et a augmenté à 21,6 % en 2014. En parallèle l’obésité est passée de 26 % en 1998 à près de 35% % en 2016.

Figure 1 : Apports alimentaires hors domicile en proportion des dépenses alimentaires totales.

Une approche statistique plus poussée

Les données utilisées dans cette étude sont celles du sixième Examen National Coréen de Santé et de Nutrition (KNHANES VI) de 2013 à 2015. 7 456 ont participé à cette étude.

La fréquence de consommation de FAFH a servi à analyser l’effet de chaque niveau de consommation (0, 1, 2, 3).

Description de la variable FAFH
  ≥ 2 fois par jour = catégorie 3
  5 à 7 fois par semaine = catégorie 2
1 à 4 fois par semaine = catégorie 1
≤ 3 fois par mois = catégorie 0      (référence)

 

2 941 participants sont classés dans la catégorie 1 (39,4%), 2 251 participants dans la catégorie 2 (30,2%) et une proportion relativement moins élevée de participants (7,4 %) appartiennent à la catégorie 3. Les participants qui mangent davantage à la maison sont classés dans la catégorie 0, considérée comme référence (Figure 2).

Figure 2 : Nombre de participants dans chaque catégorie FAFH.

L’IMC moyen de l’échantillon est de 23,68 kg/m² (poids normal). 31 % de la population ont un IMC ≥ 25 kg/m² (surpoids).

Le niveau optimal de FAFH se situe entre 5 et 7 fois par semaine

À partir de l’analyse statistique à plusieurs valeurs, des profils curvilignes sont trouvés pour l’IMC et la probabilité d’être obèse.

  • La consommation de FAFH 5 à 7 fois par semaine (2) donne le meilleur résultat pour l’IMC (23,50) et la probabilité d’être obèse (29,17 %).
  • Les individus FAFH 1 à 4 fois par semaine (1) ont un IMC (23,74 kg/m²) et une probabilité d’être obèses (31,66 %) plus élevée que ces derniers.
  • Manger à la maison (catégorie 0) est associé à un IMC supérieur de 0,0539 et une probabilité plus élevée de 0,62 % d’être obèse par rapport à la catégorie 1. –Ceci peut être dû au fait que les « FAFH rares » représentent des événements « spéciaux » au cours desquels les gens consomment plus d’aliments gras et sucrés.
  • Les grands consommateurs de FAFH (≥ 2 fois /j) ont un IMC et un risque d’obésité plus élevés.

Contre toute attente, le niveau optimal de FAFH se situe donc entre 5 et 7 fois par semaine en termes d’IMC et de probabilité d’être obèse. Cette dernière augmente avec l’âge: le résultat moyen de la catégorie référence pour les jeunes adultes (âge < 40) est de 26,99 % ; pour le groupe ≥ 40 ans de 34,81 % ; pour le groupe ≥ 50 ans de 38,43 %.

La présence de FAFH ≥ à 2 fois par jour augmente la probabilité d’obésité de 7,95 % par rapport au niveau de contrôle, pour le groupe d’âge ≥ 40 ans. Pour les jeunes adultes (<40 ans), la FAFH semble diminuer – non significativement – le risque d’obésité.

Des politiques de santé différentes ?

Ces résultats suggèrent que les FAFH peuvent augmenter les écarts des apports alimentaires par rapport aux apports conseillés (non détaillés ici) et que les consommateurs fréquents ont un risque supérieur d’obésité (36,22 %).

Des politiques pour différents groupes de consommateurs sont nécessaires. Des efforts devraient être faits pour réduire la FAFH des personnes qui mangent plus souvent à l’extérieur que le niveau optimal… Ces résultats aideraient à élaborer un plan d’alimentation plus sain.

Cependant, ne pas consommer de FAFH reste le meilleur moyen d’avoir un apport nutritionnel équilibré. (Et la Corée n’est pas la France !)

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
D'après : Dahye Kim and Byeong-il Ahn; Int J Environ Res Public Health. 2020 Jan; 17(2): 586. Eating Out and Consumers’ Health: Evidence on Obesity and Balanced Nutrition Intakes
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