Fruits et légumes : la santé des enfants

Sucres des fruits et sucres purifiés ont-ils les mêmes effets métaboliques ?

Dans une alimentation de type occidental, où l’offre en produits énergétiques sucrés ou gras est pléthorique, est-il opportun de recommander la consommation de fruits sucrés ? Ne risque t’on pas d’aggraver les conséquences nutritionnelles liées au métabolisme des sucres simples ? Selon une analyse assez sommaire, beaucoup affirment souvent que les impacts métaboliques des sucres sont les mêmes, quelles que soient leurs origines et qu’il n’y a pas lieu de faire une différence entre sucres purifiés et sucres naturels des fruits. Telle est la question à laquelle cet article va tenter de répondre.

Fruits : des sucres et… des micronutriments

L’examen de la composition d’un large assortiment de fruits montre qu’ils contiennent en moyenne environ 30% de glucose et de saccharose et 40% de fructose. Il faut noter que certains fruits tels que la pomme et la poire sont particulièrement riches en fructose.

Une consommation recommandée de 300 g/jour de légumes et de 300 g de fruits (couvrant environ 10% des dépenses énergétiques) équivaut à un apport quotidien d’environ 40 g de sucres simples. Cet apport est plus important chez certains individus frugivores chez lesquels la consommation d’un kilo de fruits par jour apporte aux alentours de 100 g de sucres simples, ce qui est de l’ordre de grandeur de ce qui est consommé par la majorité de la population française sous forme de saccharose purifié (80 g ou plus). Cependant la consommation de sucre purifié n’apporte aucun micro-nutriment, alors que, consommée sous forme de fruits, elle s’accompagne de fibres, de minéraux, d’antioxydants, d’acides organiques de potassium dotés de propriétés alcalinisantes, et de divers micronutriments protecteurs.

Les sucres des fruits sont accompagnés en moyenne de 16% de fibres, 7% d’acides organiques, 2% de potassium. Trois antioxydants majeurs accompagnent les sucres des fruits : la vitamine C, les polyphénols, les caroténoïdes, dont les proportions respectives varient selon les espèces, voire les variétés. Ainsi, dans l’orange, l’antioxydant majeur est la vitamine C ; dans la pomme, ce sont les polyphénols qui dominent.

En outre, les fruits apportent d’autres variétés de minéraux et micro nutriments, de même que des sucres alcool (sorbitol principalement), ce qui explique que leur consommation exerce de nombreuses fonctionnalités dans l’organisme. Pour être bénéfiques, nos apports énergétiques (en particulier en sucres simples) doivent être accompagnés d’une fraction non énergétique végétale complexe telle qu’elle existe dans les fruits et légumes. L’ignorance de ce constat élémentaire a conduit à bien des dérives dans l’utilisation des sucres purifiés.

Pourquoi l’utilisation de sucres purifiés pose-t-elle problème ?

A l’origine, le sucre était une denrée rare et chère. Les glucides simples (saccharose, fructose) occupaient une place modeste dans la couverture des besoins énergétiques. Avec l’industrialisation, leur consommation n’a cessé d’augmenter. Si celle de saccharose s’est stabilisée, elle a été relayée par une utilisation plus large de sirops de fructose et de glucose. Ainsi, alors que l’achat de sucre par les ménages a tendance à diminuer, la consommation de sucres simples est toujours en augmentation du fait de l’ajout de saccharose, de glucose et de fructose, dans les aliments transformés et les boissons. Sur les 80-100 g de sucres simples consommés, 20% seulement proviennent des fruits. Une large substitution des sucres ajoutés par des fruits est donc tout à fait possible et souhaitable.

Pourquoi l’utilisation de sucres purifiés pose-t-elle problème ? D’abord parce qu’elle affecte la couverture des minéraux, vitamines et autres micronutriments indispensables. Les sucres simples ajoutés représentent des «calories vides» qui diminuent la densité nutritionnelle de notre alimentation. Il existe un réel problème de densité nutritionnelle dans les aliments transformés, trop riches en ingrédients raffinés, trop chargés en sucre, en matières grasses ou en amidon purifié. Résultat : l’abondance alimentaire des supermarchés ne garantit pas une bonne couverture des apports nutritionnels conseillés avec une prise calorique normale.

Outre ses conséquences négatives sur la couverture en micronutriments, la recherche du goût sucré joue un rôle déterminant dans les déviations du comportement alimentaire, qui participent au développement de l’obésité, en particulier chez l’enfant. Une consommation excessive de sucres simples contribue à la prise d’excès caloriques.

Pour toutes ces raisons, il est important de prendre conscience de l’importance de réduire la consommation de sucres et la densité énergétique des aliments. Cependant cela ne doit pas conduire à ranger les fruits sucrés dans la catégorie des «aliments à risque» (d’autant qu’ils ont une densité énergétique peu élevée : 55 Kcal/100 g).

Le fructose est il une solution ?

Alors que le fructose est perçu comme un sucre diététique, en réalité, par rapport au glucose, il peut être à l’origine de déviations métaboliques plus fréquentes. Ses spécificités métaboliques tiennent au fait qu’il doit être métabolisé le plus complètement possible par le foie.

Quand le fructose ne peut plus être utilisé normalement vers la synthèse de glucose et de glycogène (glycémie élevée, réserves de glycogène reconstituées), son métabolisme ne peut conduire qu’à la stimulation de la lipogenèse hépatique et à l’hypertriglycéridémie. Le fructose pourrait jouer un rôle dans le développement du syndrome métabolique (caractérisé par une hypertension, une surcharge pondérale abdominale, une résistance à l’insuline et une dyslipidémie). En conséquence, consommer des quantités élevées de fructose, en dehors de son environnement végétal naturel (fibres et micro-nutriments), peut conduire à des déviations métaboliques peu compatibles avec une bonne nutrition préventive.

Il existe donc un risque lié à une consommation élevée de sucres purifiés, en particulier de fructose. Mais, dans la majorité des cas, ce risque ne doit pas conduire à restreindre la consommation de fruits en raison de leur richesse en fructose. Il n’est guère possible de consommer des quantités excessives de fructose sous forme de fruits, en raison de la mise en jeu de mécanismes satiétogènes (liés à la présence de fibres, de sucres alcool). De plus l’environnement micro-nutritionnel du fructose des fruits leur confère un bénéfice santé remarquable car la diversité des antioxydants naturellement présents dans les fruits contrecarre les effets pro-oxydants du fructose.

Comment maitriser les apports en sucres ?

Si l’on vise à maîtriser les apports en sucres, il faudra agir par deux voies complémentaires :

  • doubler la consommation de fruits et légumes pour atteindre plus de 500 g /jour
  • réduire de moitié la consommation des sucres ajoutés (pour qu’elle ne dépasse pas 50 g/jour et afin de garder les bénéfices culinaires essentiels). Quant aux sucres utilisés dans la confection des aliments, il n’y a aucune raison de les purifier entièrement et de les débarrasser de toute trace de minéraux et micronutriments.
Christian Rémésy
Directeur de recherche - INRA - FRANCE

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