Alimentation & asthme

La synergie alimentaire : la clé d’une alimentation santé

Selon le concept de synergie alimentaire, les constituants des aliments ne représentent pas un mélange aléatoire mais agissent de concert pour la vie de l’organisme consommé et pour celle du consommateur. De nombreux nutriments et micronutriments isolés ont été étudiés dans de vastes essais randomisés à long terme. Leurs résultats ont été le plus souvent nuls et quelques fois néfastes… Certes, on sait que les conséquences délétères d’une déficience en nutriment peuvent être corrigées par une supplémentation spécifique. Cependant, la supplémentation en nutriments isolés, en l’absence de carence avérée, peut ne pas avoir les mêmes effets bénéfiques sur des maladies chroniques… Se focaliser sur les nutriments et non sur les aliments est une voie de recherche contre productive. Les études en nutrition auraient tout intérêt à se centrer sur les aliments et les habitudes alimentaires. Ce qu’on appelle un «pattern alimentaire» demeure fortement corrélé à une personne sur le long terme. On a pu ainsi conclure que certains modèles alimentaires, comme «l’alimentation méditerranéenne» ou la «diète prudente», étaient bénéfiques pour la santé, alors que d’autres, comme la «western diet» (alimentation occidentale), favorisaient des maladies chroniques. La nourriture est beaucoup plus complexe qu’un médicament et, malheureusement, sous étudiée.

« Le tout est supérieur à la somme des parties »

La synergie alimentaire désigne les influences additives et complémentaires des aliments et de leurs constituants sur la santé. Les multiples constituants des aliments isolés et des modèles alimentaires sont composés d’une manière complexe qu’il serait très difficile de reproduire en laboratoire. Les constituants alimentaires agissent de concert sur la santé en préservant le bon fonctionnement et l’homéostasie de l’organisme. La complexité de la nature d’un aliment sert autant à l’organisme de l’aliment qu’au sujet qui la consomme. Ainsi les nombreux composés antioxydants présent dans un fruit servent autant à protéger le végétal qu’à protéger l’organisme de la personne qui le consomme.

Un aliment est biologiquement complexe, constitué de cellules, de composés non cellulaires et de milliers de molécules agencées spécifiquement pour avoir une action biologique sur des milliers de récepteurs. Ainsi la nourriture contribue à maintenir une bonne homéostasie dans l’organisme. Cette action est très différente des médicaments qui sont spécifiquement conçus pour avoir une action ciblée sur des mécanismes physiopathologiques. On pourrait résumer le concept de synergie alimentaire par la phrase bien connue de la théorie des systèmes que «le tout est supérieur à la somme des parties» . Ses effets sont particulièrement difficiles à établir expérimentalement.

Dans les études de supplémentation le concept de synergie alimentaire n’est pas pris en compte

On ne peut pas sous estimer l’importance des déficiences en simples nutriments. Il y a des exemples bien connus : le scorbut et la vitamine C, la pellagre et la vitamine B3 (niacine), le Béri Béri et la vitamine B1 (thiamine), le rachitisme et la vitamine D, la Spina bifi da et la vitamine B9…

Dans les études de supplémentation le concept de synergie alimentaire n’est pas pris en compte. Une série d’essais randomisés ont étudié les effets d’une supplémentation vitaminique à long terme (Vitamines E, C, beta carotène, vitamines B…) et à doses supérieures à celles qu’apporterait l’alimentation sur la survenue de certains cancers. Les résultats ont été plus que décevants , au minimum inefficaces, au pire délétères…. La courbe de risque concernant un nutriment est une courbe en U : il y a autant de risque pour des déficiences que pour des apports élevés.

Le cas des graisses saturées

Un exemple intéressant est celui des graisses saturées. Leurs relations avec l’incidence des maladies cardio vasculaires a été étudiée selon leurs sources alimentaires dans l’Etude Multi ethnique de l’athérosclérose. C’est une étude de population menée sur un échantillon de sujets âgés de 45 à 84 ans, sans antécédents de maladie cardio vasculaire ou de diabète. L’apport moyen en graisses saturées était de 18 g par jour : 39% issus des laitages – sauf le beurre, 21 % de la viande, 4% du beurre, 6% des végétaux et 30% de sources alimentaires variées. 5209 hommes et femmes ont été suivis pendant 7 ans et on a noté 316 cas d’incidents cardio vasculaires. La quantité des graisses saturées apportées par les laitages, bien que supérieure à celle apportée par la viande, était inversement corrélée à l’incidence des maladies cardio vasculaires alors que la corrélation était positive pour les graisses saturées de la viande. Selon leur origine alimentaire, les graisses saturées peuvent avoir des effets différents. On retrouve la notion de synergie alimentaire. C’est l’aliment dans sa totalité et sa complexité qu’il faut considérer et non un nutriment isolé. Les graisses saturées ne sont pas les seuls constituants des aliments riches en graisses saturées. Ainsi, la recommandation basée sur un nutriment de réduire les graisses saturées et les graisses totales n’est pas totalement cohérente.

La nourriture est beaucoup plus complexe qu’un médicament

Les aliments sont bien plus complexes que les médicaments. Mais on les étudie comme s’ils étaient plus simples et moins importants… Le problème et que des études randomisées, en double aveugle, avec une bonne compliance sont beaucoup plus difficiles à réaliser quand le traitement est la nourriture. Il serait intéressant de répéter de grandes études de cohortes de population, sur différentes tranches d’âge, différentes ethnies et lieux géographiques… Le focus de telles études devrait être placé sur la nourriture et les habitudes alimentaires. On aurait alors des informations solides pour établir des recommandations nutritionnelles de santé publique.

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
Jacobs D.R., Food synergy : the key to a healthy diet, Proceedings of the nutrition society, PP 1-7, 2013
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