Fruits et légumes : le mode de production induit-il des différences au niveau nutritionnel ou sanitaire ?

1 décembre 2021

Les fruits et légumes bio (issus de l’agriculture biologique) sont généralement perçus comme plus nutritifs, plus sûrs et globalement meilleurs pour la santé que leurs équivalents issus d’autres modes de production. Les données scientifiques actuelles permettent-elles de soutenir cette perception ? Lors des Journées Francophones de Nutrition 2021 – du 10 au 12 novembre dernier – une session était dédiée à cette question. Marie-Josèphe Amiot-Carlin, Directrice de Recherches à l’INRAE, a fait le point sur les connaissances disponibles concernant les fruits et légumes.

Mère donnant à manger des fruits et légumes bio à sa fille

Du fait de leurs qualités nutritionnelles, les fruits et légumes sont des éléments indispensables d’une alimentation équilibrée et saine, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont consommés (frais, conserves, surgelés…). Les fruits et légumes sont, notamment, à l’origine d’une part importante des apports en fibres, vitamine C et vitamine B9 des Français. Ils contiennent également diverses molécules antioxydantes comme les caroténoïdes et composés phénoliques.

Les facteurs influant sur les qualités nutritionnelles des fruits et légumes sont avant tout la variété et le génotype, puis le climat, les conditions et techniques culturales (nature des sols, irrigation, fertilisation etc) et le stade de maturité au moment de la cueillette (Amiot MJ, 2017). Le mode de production est l’un des facteurs le moins impactant.

Qualité nutritionnelle : de légères différences, notamment pour les antioxydants

Les études ayant comparé la composition nutritionnelle de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique et de l’agriculture conventionnelle montrent globalement peu de différences. Cependant, des quantités plus importantes de vitamine C, de caroténoïdes et de composés phénoliques sont observées dans les produits biologiques, ainsi que des teneurs en magnésium et en zinc légèrement plus importantes. Cette différence serait liée au fait que les cultures biologiques subissent un stress plus important que celles exploitées en agriculture conventionnelle, davantage protégées par les traitements phytosanitaires. Les productions issues d’agriculture biologique produisent, ainsi, davantage d’antioxydants pour lutter contre les agressions. Au contraire, les nitrates et les protéines y sont moins présents (Popa, 2018 ; Bertrand, 2018 ; Baranski, 2014).

Considérant les modestes écarts observés et le fait que les étapes de conservation, transformation et préparation réduisent encore ces écarts, l’influence des différences observées sur les apports nutritionnels des populations et, plus encore, sur la santé des personnes ne sont pas établies.

Sécurité sanitaire : pas de tendance univoque selon la nature des substances

Sur le volet de la qualité sanitaire des fruits et légumes, la présence de plusieurs types de contaminants chimiques a été étudiée.

NDLR : en Europe, la présence contaminants chimiques dans les aliments (métaux lourds, mycotoxines, résidus de pesticides…) est strictement encadrée pour garantir la sécurité des consommateurs. Les aliments commercialisés doivent respecter des limites maximales, notamment fixées pour garantir l’absence de risque à court et à long termes pour les populations.

Pour les métaux lourds, aucune tendance générale ne se dégage. Une teneur en cuivre plus importante a ainsi été observée dans les salades et tomates bio (Hattab, 2019). Au contraire, une quantité de cadmium plus importante a été observée dans les salades et tomates d’origine conventionnelle tandis que la présence de ce métal était identique dans les fraises bio et conventionnelles (Hattab, 2019 ; Baranski, 2014).

Enfin, concernant la présence de résidus de pesticides, diverses études ainsi que les résultats des contrôles réalisés par les autorités observent, logiquement, une présence plus fréquente dans les produits issus de l’agriculture conventionnelle.

NDLR : Selon les derniers résultats des contrôles réalisés par les autorités, en Europe plus de 96% des aliments contrôlés se situent en deçà des limites en vigueur et dans un cas sur deux, les échantillons analysés ne contiennent pas de traces des résidus de pesticides mesurables. A noter que les résidus de pesticides d’origine biologique les plus quantifiés sont le cuivre (lutte contre les bactéries et champignons) et le spinosad (lutte contre les insectes).

Des conséquences en termes de santé non établies à ce jour

Quelques études épidémiologiques ont cherché à identifier si une exposition plus élevée aux résidus de pesticides présents dans les fruits et légumes était associée à un risque de maladies plus élevé. Pour ce faire, des auteurs ont déterminé un score en pesticide en se basant sur les habitudes alimentaires des personnes suivies, sur le type d’aliment consommé (bio/conventionnel) et les résultats des contrôles réalisés par les autorités. L’échelle des scores s’étend de 0 (bas) à 6 (élevé). Cette échelle a vocation à estimer le niveau d’exposition aux résidus de pesticides des personnes suivies, mais ne représente en aucun cas une évaluation de risque.

La première étude – suivi sur 14 ans de 170 142 adultes – montre qu’une consommation de fruits et légumes avec un score en pesticides « élevé » (4 à 6) n’est pas associée à un risque plus important de maladie coronarienne. En accord avec les connaissances actuelles, ce travail montre également qu’à score « pesticides » égal, une consommation plus importante de fruits et légumes (≥4 portions/j) est associée à un risque plus faible de maladies coronariennes par rapport à une faible consommation de fruits et légumes (<1 portion/j). (Chiu YH, 2019)
La deuxième étude (150 830 femmes et 29 486 hommes) n’a, quant à elle, pas trouvé d’association entre le score en pesticides et le risque de cancers. Ce résultat est particulièrement significatif pour les cancers du poumon, les lymphomes non hodgkiniens, de la prostate, du sein et de l’endomètre (Sandoval-Inausti, 2021).

Encourager la consommation de fruits et légumes, quel que soit leur mode de production

Ainsi, à ce jour les connaissances scientifiques ne permettent pas d’établir que la consommation de fruits et légumes issus de l’agriculture biologique soit à l’origine d’un bénéfice pour la santé supérieur à la consommation de produits issus de l’agriculture conventionnelle.

En conclusion de son intervention, Marie-Josèphe Amiot-Carlin a ainsi souligné que les inquiétudes concernant les risques éventuels liés aux résidus de pesticides ne doivent pas décourager la consommation de fruits et légumes conventionnels, a fortiori alors que l’accessibilité prix aux fruits et légumes est difficile pour certaines populations.

La consommation insuffisante de fruits et légumes figure parmi les dix principaux facteurs de risque de la mortalité mondiale. Elle aurait entrainé 3,9 millions de décès en 2017 et est responsable de près de 19% des cancers gastro-intestinaux, 31% des cardiopathies ischémiques et 11% des accidents vasculaires cérébraux à l’échelle mondiale (OMS).

Encourager une alimentation saine riche en fruits et légumes, quel que soit leur mode de production, reste ainsi plus que jamais d’actualité.

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