Précarité alimentaire : le CNA appelle à établir un droit à l’alimentation

17 novembre 2022
Precarite-alimentaire-CNA-panier fruits et légumes

En France, plus d’une personne sur 10 est inscrite auprès de l’aide alimentaire (Ministère de la santé, 2022), une situation qui empire depuis 2020. Afin d’améliorer la lutte et la prévention de la précarité alimentaire, le CNA vient de rendre un avis. Ce travail souligne que l’accès à une alimentation saine et durable doit être considéré comme un droit universel. Il invite également à développer des mesures innovantes, complémentaires ou alternatives à l’aide alimentaire existante. Aprifel se réjouit de cet avis qui va dans le sens des actions menées par l’association depuis plusieurs années.

Les effets de la précarité alimentaire en termes de nutrition et de santé sont connus. D’après l’étude INCA2 (Inserm, 2014), les personnes en situation d’insécurité alimentaire ont une alimentation de moindre qualité nutritionnelle avec notamment beaucoup de boissons sucrées, et très peu de fruits, de légumes et de poissons. Cette situation se traduit par une incidence plus forte des maladies chroniques – obésité, maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancers – et une mortalité prématurée plus élevée chez ces populations (Drees, 2022). Lutter contre ces inégalités sociales de santé, notamment en réduisant la précarité alimentaire, est ainsi un objectif national, figurant notamment dans les différents PNNS.

Malgré cela, en France 11 millions de personnes vivent actuellement sous le seuil de pauvreté (Insee,2021) et la précarité alimentaire s’accroit particulièrement depuis la crise sanitaire (Insee, 2022). Dans ce contexte, l’avis rendu par le CNA en octobre 2022 appelle à une action systémique et ambitieuse.

Précarité alimentaire, la nécessité d’une approche plus précise et globale

Ce travail a été élaboré via un processus de concertation avec les citoyens et en particulier avec des personnes en situation de précarité. Il pointe le besoin de travaux théoriques pour mieux définir et caractériser la précarité alimentaire et identifier les populations touchées. Cet avis souligne également que les politiques publiques actuelles ne répondent pas à tous les enjeux de la précarité alimentaire.

Afin de permettre à chacun d’avoir un accès à une alimentation suffisante et de qualité, le CNA pose les 4 ambitions suivantes :

  • Prendre le problème à la racine pour garantir l’accès de toutes et tous à l’alimentation ;
  • Mieux connaître la précarité alimentaire et mieux suivre les politiques visant à la prévenir et à la combattre ;
  • Améliorer l’aide alimentaire ;
  • Développer des initiatives complémentaires ou alternatives pour la lutte contre la précarité alimentaire.

Pour y parvenir, le CNA formule 71 recommandations et souligne notamment l’importance de reconnaître et d’instaurer un droit à l’alimentation et d’aller vers une (voir encadré).

Sécurité sanitaire de l’alimentation et chèque alimentaire, deux dispositifs prometteurs

Deux dispositifs en cours d’expérimentation permettraient de répondre à un grand nombre des recommandations formulées par le CNA.

La Sécurité sociale de l’alimentation (SSA) vise à intégrer l’alimentation dans le régime général de la Sécurité sociale. Ce dispositif offrirait un accès universel et non stigmatisant à l’alimentation et atténuerait ainsi les disparités territoriales.

Le chèque alimentaire – en attente de validation par le Parlement – permettrait quant à lui d’augmenter la part du budget alimentaire des familles les plus précaires. Des dispositifs similaires existent à l’étranger et ont fait preuve de leur efficacité pour améliorer les consommations, la sécurité alimentaire et la santé des bénéficiaires.

Ces initiatives sont cependant soumises à des questions de faisabilité. Des projets qu’Aprifel suit avec intérêt du fait de leur écho avec des travaux antérieurs de l’association.

L’accès à l’alimentation pour tous, sujet au cœur de l’action d’Aprifel

Depuis sa création, Aprifel participe à promouvoir l’accès pour tous à une alimentation saine et durable. Réduire les inégalités sociales de santé, en particulier concernant la consommation de fruits et légumes, est notamment l’une des actions prioritaires pointées lors de plusieurs conférences EGEA.

En 2015, Aprifel a accompagné l’étude ”Fruits et Légumes A La Maison”, menée en Seine St-Denis. Ce travail a montré l’effet positif de bons d’achats de fruits et légumes sur leur consommation quotidienne auprès d’enfants issus de milieux défavorisés. Chaque année, Aprifel met également en avant les résultats de programmes d’aides alimentaires, comme le programme le WIC aux USA, dans sa revue Equation Nutrition.

Enfin, la rencontre de clôture du programme “Fruit and Veg 4 Health” en 2020 a souligné « le besoin de politiques publiques et d’actions collectives plus volontaristes […] permettant ainsi une alimentation saine, équilibrée et diversifiée accessible à tous. Par exemple, une possibilité de proposer une prescription par ordonnance pour des fruits et légumes, notamment pour les patients les plus à risque ».

Le Conseil National de l’Alimentation

Créé en 1985, le Conseil National de l’Alimentation est une instance consultative indépendante, placée auprès des ministres chargés de l’Agriculture, de la Santé et de la Consommation. Son rôle est avant tout d’organiser de la concertation et des débats dont les résultats viennent enrichir la décision publique. Le CNA produit ainsi des avis à l’attention des décideurs publics et des différents acteurs de la filière alimentaire sur des sujets comme la qualité alimentaire, l’information des consommateurs, la nutrition, la sécurité sanitaire, l’accès à l’alimentation et la prévention des crises.

Précarité alimentaire et aide alimentaire, de quoi parle-t-on ?

Selon le CNA, il n’y a actuellement pas de définition consensuelle de la précarité alimentaire si ce n’est de façon indirecte, à travers la notion de « lutte contre la précarité alimentaire », une action qui vise à favoriser l’accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale.

L’aide alimentaire vise quant à elle à fournir des denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assorties de la proposition d’un accompagnement. Cette aide, qui vise à répondre aux besoins en volume, tout en prenant en compte, dans la mesure du possible, des critères de qualité des denrées alimentaires. (Code de l’action sociale et des familles). Elle contribue à la lutte contre la précarité alimentaire.

La démocratie alimentaire

La démocratie alimentaire est un terme utilisé pour la première fois en 1996 par le fondateur du London’s Centre for Food Policy, Tim Lang. Il s’agit d’une approche politique et collective de la question de l’alimentation, liée à la reprise en main des systèmes alimentaires par les citoyens dans une perspective de justice sociale, de reconnexion entre agriculture et alimentation et de durabilité des systèmes.

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