Adolescence : comment développer l’esprit critique des jeunes vis à vis des informations sur l’alimentation délivrées dans les médias ?

24 janvier 2023

Face à la prévalence du surpoids et de l’obésité chez l’enfant, la nécessité d’un meilleur encadrement des messages promouvant la consommation de produits gras, sucrés et salés est régulièrement mise en avant (Santé Publique France, 2020). Jusqu’ici, les mesures proposées se sont concentrées sur la réduction du temps d’écran plutôt que la promotion d’un débat critique autour du marketing alimentaire (Harris, 2009). A l’occasion de la journée mondiale de l’éducation, Aprifel revient sur une étude récente démontrant l’efficacité d’une intervention d’éducation aux médias centrée sur la famille. Cette expérimentation a permis d’instaurer des comportements alimentaires plus sains, notamment une consommation accrue de fruits et légumes, chez les jeunes de 9-14 ans.

Chez les adolescents, contrairement aux plus jeunes, la mise à disposition d’aliments sains – comme les fruits et légumes – dans le foyer n’est pas forcément gage de consommation. En effet, le début de l’adolescence correspond à une période d’autonomisation lors de laquelle les jeunes commencent à faire leurs propres choix alimentaires. Influencés par un marketing omniprésent dans leur quotidien (télévision, média sociaux, jeux vidéo, …) les jeunes adolescents ont, ainsi, besoin d’apprendre à naviguer dans cet environnement fortement médiatisé.

Les connaissances disponibles suggèrent que la littératie médiatique (voir encadré) et de l’éducation aux médias sont efficaces pour améliorer les choix alimentaires (Evans, 2006 ; Buijzen, 2009). Afin de fournir plus de preuves, une équipe de chercheurs américains (W. Austin et al, 2022) a testé l’efficacité d’un programme d’éducation aux médias centré sur la famille pour promouvoir la consommation de fruits et légumes.

La création d’un environnement familial favorable à la discussion renforce l’esprit critique des jeunes face aux médias

Les résultats de cette intervention démontrent que la création d’un environnement favorable à la discussion parents-enfants permet aux jeunes de s’emparer du sujet et de renforcer leur esprit critique face aux médias et aux messages qu’ils véhiculent. Ils posent plus facilement des questions et initient davantage les discussions. Faciliter cette interaction parent-enfant leur permet également de considérer leurs parents comme des sources fiables sur la nutrition et les médias.

En améliorant l’esprit critique des jeunes sur les sources et le contenu des médias, cette intervention s’est montrée efficace dans l’acquisition de compétences nécessaires à leur prise de décision en matière d’alimentation. En effet, les interactions familiales constructives ont été associées à une amélioration des comportements alimentaires chez les jeunes. Les résultats ont notamment démontré que l’augmentation de la consommation de fruits et légumes chez les 9-14 ans découlait d’une discussion parent-enfant sur les informations nutritionnelles initiée par les enfants.

Il est intéressant de relever que cette intervention a conduit à des résultats sur l’ensemble de la tranche d’âge étudiée, bien que les plus âgés aient davantage progressé sur l’initiation des discussions. Ces différences peuvent s’expliquer par le fait que les enfants qui acquièrent des connaissances ont encore besoin de les confronter et d’être motivés à les mettre en pratique (Hwang, 2018). Comme démontré dans l’intervention, cela peut se faire de manière productive par le biais d’une discussion en famille et d’un soutien parental favorisant l’autonomie de l’enfant.

Impliquer les jeunes en tant que partenaires actifs de la recherche favorise leur autonomie

Alors que la Convention Internationale des Droits de l’Enfant de 1989 a souligné la nécessité de considérer les enfants comme des acteurs sociaux essentiels à la mise en œuvre et à l’évaluation de la recherche (Larsson, 2018), peu d’études proposent une participation allant au-delà de celle du simple sujet.

Ainsi, cette intervention est l’une des premières à impliquer de jeunes adolescents en tant que partenaires actifs de recherche et à mettre l’accent sur leurs points de vue. Conformément aux recommandations des chercheurs, les enfants ont notamment participé à l’élaboration et à l’évaluation du programme détaillé dans cette étude.

D’après les résultats présentés précédemment, la participation active des jeunes s’est montrée efficace pour renforcer leur autonomie en encourageant notamment les discussions à leur initiative.

Un cadre d’intervention transposable à d’autres sujets liés à la science et à la santé

Cette étude apporte un éclairage intéressant et pose les bases d’une éducation efficace aux médias pour faire évoluer les attitudes et les comportements alimentaires.

Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent qu’il existe une progression dans le développement de l’esprit critique, qui peut être catalysée par l’éducation aux médias, lorsque les enfants sont encouragés à en discuter avec leurs parents.

Ce modèle pourrait être transposable à la littératie des sciences et de la santé, étant donné qu’une grande partie des connaissances scientifiques sont publiées dans les médias. De plus, la culture scientifique implique également le recours à l’esprit critique notamment sur la manière dont les données scientifiques sont collectées et interprétées (Baker, 2020 ; McClune & Jarman, 2010 ; Ryder, 2001).

La littératie médiatique

Dans son rapport « La littératie à l’ère de l’information » (2000), l’OCDE a défini le concept de littératie comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité, en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ».

Appliquée aux médias, la littératie médiatique désigne donc l’ensemble des compétences qui caractérisent un individu capable d’évoluer de façon critique dans l’environnement médiatique contemporain. Autrement dit, il s’agit de la capacité à accéder aux médias, les analyser et les comprendre de façon à évaluer critiquement les différents aspects du média et de son contenu.

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