Professionnels de santé : le besoin d’accroitre la place de la nutrition dans les cursus de formations identifié par toutes les professions

7 mars 2023

Face au poids croissant des maladies chroniques, les professionnels de santé sont des acteurs de confiance pour la population. A quelques jours de la journée mondiale de l’obésité, Aprifel revient sur une étude récente ayant examiné la façon dont les professionnels de santé primaire perçoivent la nutrition et le rôle qu’ils ont à jouer en la matière. Ce travail confirme l’état des connaissances à ce sujet. Bien que convaincus de l’importance du sujet et du rôle qu’ils ont à jouer, médecins, infirmiers, sage-femmes ou encore dentistes et pharmaciens pointent un manque de formation et de temps pour jouer pleinement ce rôle. Ces conclusions vont dans le sens des recommandations formulées en clôture du programme Fruit & Veg 4health, en particulier le besoin de revoir la formation des médecins pour y inclure davantage de nutrition et encourager une prise en charge globale du patient intégrant les autres professions médicales et paramédicales.

Le rôle essentiel de la nutrition pour la santé et la prévention de nombreuses maladies non-transmissibles est aujourd’hui bien établi (OMS, 2021). Les professionnels de santé sont des acteurs clés pour répondre aux questions des patients concernant l’alimentation et les accompagner vers des habitudes alimentaires plus saines. Parallèlement au travail précieux des diététiciens, de plus en plus de données suggèrent que les professionnels de santé primaire (voir encadré) ont également un rôle fondamental à jouer pour faire évoluer les comportements des patients (FAO, 2017).

Dans ce contexte, une récente revue de la littérature (Carter, 2022) met en lumière les facteurs qui influencent l’opinion des professionnels de santé primaire sur la place de la prévention nutritionnelle dans leur pratique.

Des difficultés à cerner leur rôle malgré l’importance accordée à la nutrition

Les professionnels de santé primaire interrogés dans les 21 études inclues dans cette revue regroupent des médecins généralistes, infirmiers ainsi que des sage-femmes, australiens et néo-zélandais. Globalement, ces professionnels s’accordent sur le fait que la nutrition est un déterminant majeur d’une bonne santé. Ils considèrent également qu’apporter des conseils nutritionnels aux patients relève de leur responsabilité.

Ce constat va dans le sens de l’OMS qui soutient que les conseils nutritionnels sont associés à une amélioration de la santé, notamment pendant la grossesse et l’enfance, ainsi qu’à une diminution des risques de maladies non transmissibles (OMS, 2021).

Toutefois, la définition des conseils nutritionnels reste ambiguë pour certains professionnels de santé et ne leur permet pas de faire la distinction entre leur rôle et celui des experts de la nutrition comme les diététiciens. Clarifier le champ d’exercice des différents professionnels de santé en matière de nutrition permettrait ainsi de dissiper les incertitudes et de renforcer leur confiance pour la formulation de recommandations nutritionnelles.

Un manque de connaissances et de formation en matière de nutrition

Malgré l’importance identifiée de la nutrition et de sa place dans la prévention, les professionnels de santé interrogés ne parviennent pas à transposer cette priorité dans leur pratique, en raison notamment d’un manque de connaissances et de formation.

En effet, plusieurs études ont identifié des lacunes dans différents domaines de la nutrition (Cass et al, 2014 ; Crowley et al, 2016 ; Arrish et al, 2016) et suggèrent que les professionnels de santé primaire ont tendance à formuler des recommandations fondées sur leur expérience personnelle et leur opinion plutôt que sur des données probantes.

Le manque de connaissances nutritionnelles et le manque de confiance associé reposent notamment sur une formation en nutrition insuffisante au cours de leurs cursus. En effet, les travaux inclus dans cette revue soulignent l’absence d’évaluation des compétences en matière de nutrition dans les programmes d’études de médecine. Ce constat se traduit notamment par l’intérêt croissant des futurs professionnels de santé à bénéficier de formations complémentaires en nutrition.

Le manque de temps et le remboursement insuffisant de consultations dédiées comme freins supplémentaires

La capacité des professionnels de santé primaires à fournir des conseils à leurs patients se heurte également à des contraintes de temps et de financement.

Les médecins, infirmiers et sages-femmes déclarent notamment que la durée des consultations influence grandement leur choix d’aborder ou non le sujet de l’alimentation avec leurs patients.

Les infirmières et les médecins généralistes consacrent respectivement 5 à 10 minutes et 1 à 5 minutes à l’alimentation lors des consultations.
Carter et al, 2022

Or, pour encourager des modifications des comportements alimentaires, la littérature existante souligne qu’il est essentiel de comprendre les besoins psychologiques et le contexte spécifique à chaque patient et donc d’allonger la durée des consultations.

Afin de lever cette contrainte de temps l’une des pistes identifiées serait que les budgets alloués aux soins de santé incluent du temps pour l’évaluation et l’apport de recommandations en matière de nutrition. La question du remboursement de telles consultations est ainsi un point central pour permettre aux praticiens de jouer leur rôle en matière de conseil nutritionnel. Actuellement ces consultations ne sont pas suffisamment remboursées ce qui n’encourage pas les professionnels à s’y consacrer.

Dentistes et pharmaciens, futurs acteurs de la santé primaire ?

Dans cette revue, aucun article n’a fait état des opinions des dentistes à l’égard de la nutrition. Pourtant, il est établi depuis longtemps que la qualité de l’alimentation est directement liée à la santé buccale. Les dentistes reconnaissent d’ailleurs le rôle essentiel des conseils nutritionnels dans la prévention des carries. Toutefois, pour les mêmes raisons que leurs confrères, ils ne sont pas en mesure de les fournir à leurs patients.

De même, une seule étude explorant le point de vue des pharmaciens en matière de nutrition a été retenue dans cette revue. Comme indiqué par la Pharmaceutical Society of Australia, le rôle de ces professionnels de santé englobe la diffusion de recommandations en complément de la délivrance de médicaments (PSA, 2016). Considérés comme des sources fiables et accessibles, les pharmaciens estiment cependant eux-aussi manquer de connaissances pour proposer des conseils nutritionnels.

Ainsi, des pistes sont à creuser concernant le rôle des dentistes et pharmaciens qui peuvent, d’une façon ou d’une autre, participer à la promotion d’une alimentation saine et équilibrée et devenir ainsi des acteurs de la prévention de maladies non-transmissibles.

Santé primaire, des soins de première ligne

Les soins de santé primaire sont définis comme le premier contact des individus avec le système de santé. Ce sont des soins essentiels – prévention, promotion de la santé préventifs, traitement et réadaptation – reposant sur des méthodes, des techniques et des pratiques scientifiquement valables et socialement acceptables, rendus universellement accessibles à tous (Déclaration d’Alma-Ata, 1978). Les soins de santé primaires représentent le moyen le plus inclusif, le plus équitable, le plus économique et le plus efficace d’améliorer la santé physique et mentale des populations, ainsi que le bien-être social (OMS et UNICEF, 2018).

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