Nutrition oculaire

Ce que la NHS nous apprend concernant le maintien de la santé oculaire

La perte de la vision est une cause majeure de handicap aux USA et altère la qualité de vie. Le nombre d’Américains de plus de 65 ans va doubler d’ici 2050 et les principales causes d’altération visuelle fortement associées à l’âge (cataracte, DMLA -dégénérescence maculaire liée à l’âge-, glaucome) vont augmenter de manière importante.

Des progrès majeurs ont été faits dans les traitements de ces pathologies parallèlement à des avancées importantes dans la compréhension de leurs mécanismes en vue de leur prévention.

Afin de mieux comprendre l’influence de la génétique et du mode de vie sur leur survenue nous avons passé en revue les données de la NHS (Nurses’ Health Study), entre 1976 et 2016. Cette vaste et riche étude prospective sur le long terme représente une opportunité extraordinaire pour les recherches épidémiologiques sur les maladies oculaires. Pour utiliser les résultats de cette cohorte, nous avons développé des approches permettant une évaluation valide des relations des facteurs de risque de ces pathologies de la vision.

Pour commencer nous avons identifié les cas par les rapports du diagnostic médical réalisés par les infirmières en considérant que ces professionnels de santé représentaient une population fiable. Ensuite, pour chaque pathologie oculaire, nous avons développé des définitions précises afin d’augmenter la spécificité des données et éviter les biais. Enfin, nous n’avons inclus que les sujets rapportant un examen oculaire pour réaliser des études statistiques valides avec une bonne sensibilité.

La cataracte

Non traitée, la cataracte est la première cause de cécité dans le monde. Elle consiste en une opacification du cristallin (lentille principale de l’oeil responsable d’une fonction fondamentale de la vision : l’accommodation sans laquelle les objets nous paraîtraient flous). Son seul traitement est chirurgical (enlever le cristallin opacifié pour rétablir la clarté et le remplacer par un implant intraoculaire). Les mécanismes conduisant à la cataracte ne sont pas clairs. Transparent à l’état normal, le cristallin s’opacifie suite à l’agrégation et à la précipitation de protéines qu’il contient. On connait trois formes de cataracte selon la localisation de l’opacité (nucléaire, corticale et sous capsulaire postérieure) qui pourraient avoir des causes différentes. Nous avons pris en compte 2 critères pour la définir dans l’étude NHS : l’extraction du cristallin chez les sujets de plus de 45 ans et son opacification progressive chez les sujets de plus de 50 ans confirmée par un examen ophtalmologique à Boston.

  • Le tabac :
    L’âge, l’exposition cumulée aux rayons UV et le tabagisme sont des facteurs établis du risque de cataracte: 20% sont attribués au tabac qui induit un stress oxydatif et une baisse des antioxydants dans le sang. Dans l’étude NHS nous avons constaté que fumer plus de 65 paquets x années était associé, à un risque accru d’extraction chirurgicale de 1.5 à 1.8 et qu’il existait un effet dose/réponse chez les fumeurs. En outre, nous avons trouvé une relation inverse avec l’arrêt du tabac : ceux qui avaient arrêté de fumer depuis plus de 25 ans voyaient ce risque réduit de 20%, en particulier ceux qui fumaient plus de 2 paquets par jour (sans toutefois atteindre le risque des non fumeurs). En terme de prévention, cela souligne l’importance de ne pas fumer ou d’arrêter.
  • Rôle des antioxydants et F&L
    Les antioxydants (comme les vitamines C et E) sont des défenses naturelles contre le stress oxydatif. La concentration de vitamine C dans le cristallin est 50 fois supérieure à celle du plasma. Dans la NHS la supplémentation en vitamines C et E pendant au moins 10 ans, en particulier chez les non fumeuses et les femmes de plus de 60 ans, était associée à une diminution de 20 à 30 % de chirurgie du cristallin. Nous avons évalué l’influence des caroténoïdes sur la cataracte. Des apports alimentaires élevés en vitamine A, lutéine et zéaxanthine (présents en particulier dans les épinards et les choux) s’associaient à une réduction de 20 à 30% du traitement chirurgical. Cependant, les essais de supplémentations en diverses vitamines n’ont pas montré de résultats protecteurs convaincants. D’où la recommandation du National Eye Institute « les légumes à feuilles vertes, les fruits et d’autres aliments riches en antioxydants» protègent contre la cataracte liée à l’âge. Nous avons également confirmé que le diabète de type 2 et l’obésité étaient également des facteurs de risque.

La DMLA : une réduction du risque de 25 à 35% avec les F&L

La DMLA est une dégradation d’une partie de la rétine (macula) qui peut conduire à une perte de la vision centrale tout en respectant la vision périphérique. D’origine multifactorielle elle touche les plus de 50 ans. Aux USA elle affecte 15% des sujets de plus de 85 ans. Elle évolue en plusieurs stades : au début par l’accumulation de drusens dans la macula (dépôts blanchâtres visibles au Fond d’oeil) (maculopathie liée à l’âge ou MLA, forme «sèche») puis évolue en forme dégénérative tardive (DMLA atrophique ou humide) qui conduit à une perte de la vision centrale.

Age, antécédents familiaux et tabac sont des facteurs de risque de DMLA. Outre les facteurs génétiques, notre étude a confirmé la relation avec le tabac.

En terme de protection, la NHS a démontré une relation inverse entre la consommation de F&L riches en lutéine et zéaxanthine avec une réduction du risque de DMLA de 25 à 35%. Nous avons également trouvé que la consommation de glucides à index glycémique élevé était fortement associée au risque de DMLA.

Le glaucome :

Il s’agit d’une une maladie oculaire qui touche surtout les personnes de plus de 45 ans, due à une augmentation de la pression oculaire entrainant une atteinte du nerf optique (qui envoie les informations visuelles au cerveau) et du champ visuel (espace de vision). La pression intra oculaire est le seul facteur modifiable. Parmi les facteurs de risque, la NHS a confirmé le rôle du diabète de type 2 dans l’augmentation de la pression oculaire (82%). On connait mal les relations entre antioxydants et glaucome. Dans la NHS, nous n’avons pas retrouvé de relation avec le tabac ou la consommation d’antioxydants ou de graisses. En revanche, nous avons mis en évidence une relation entre une forte consommation de nitrates (source d’oxyde nitrique, NO, un puissant vasodilatateur) dont les légumes à feuilles vertes sont riches, avec une réduction du risque de glaucome d’environ 20%.

La belle part aux F&L

Pour conclure, en plus d’un examen régulier des yeux, notre étude a apporté une contribution majeure en terme de prévention des maladies oculaires liées à l’âge :

  • s’abstenir de fumer ou rêterar
  • maintenir un poids et un mode de vie sain pour éviter le diabète
  • consommer une alimentation riche en F&L, riches en caroténoïdes et en folates (vitamine B9)
Jae H. Kang
Channing Division of Network Medicine, Boston, USA
Jae H. Kang et al. Contribution of the Nurses’ Health Study to the Epidemiology of Cataract, Age-Related Macular Degeneration, and Glaucoma . Am J Public Health. 2016 September; 106(9): 1684–1689.
Retour Voir l'article suivant