Les recommandations nutritionnelles : sont-elles compatibles avec une alimentation durable ?

Durabilité des recommandations alimentaires françaises de 2017 : résultats du projet BioNutriNet

Face à la crise environnementale et au rôle de la production alimentaire1, certains pays ont désormais intégré le concept de durabilité dans leurs recommandations nutritionnelles fondées sur le choix des aliments (Food Based Dietary Guidelines – FBDG). Les nouvelles recommandations françaises sur l’alimentation, mises à jour en 2017 par le Haut Conseil de la Santé Publique2, préconisent désormais de mettre en adéquation les objectifs nutritionnels et environnementaux, et notamment d’augmenter les aliments d’origine végétale tout en réduisant l’exposition aux pesticides. L’objectif de la présente étude était donc d’évaluer la durabilité et les impacts sur la santé de ces recommandations nutritionnelles en utilisant une approche multicritère.

Évaluation de l’impact environnemental de l’alimentation au niveau individuel

L’étude comprenait 28 240 individus de la cohorte NutriNet-Santé (76% de femmes, âge moyen = 50 ans) ayant rempli un questionnaire de fréquence de consommation alimentaire portant sur 264 items, distinguant les aliments bio et conventionnels.
Afin d’évaluer l’impact de l’alimentation au niveau individuel tout en tenant compte des pratiques agricoles de production des aliments pour chaque indicateur, les données de consommation ont été fusionnées avec des données sur :

  • l’impact environnemental (émissions de gaz à effet de serre, occupation des terres et besoin en énergie),
  • les prix
  • la contamination par les pesticides.

Le suivi des recommandations alimentaires de 2017 a été estimé en calculant un indice alimentaire préalablement validé (PNNS-GS2, Programme National Nutrition Santé – score des recommandations, score maximum =14,25)3.
Les quintiles (Q) ont été calculés et comparés pour les indicateurs durables liés à :

  • la nutrition, en utilisant le score PANDiet reflétant la probabilité d’adhésion aux repères nutritionnels
  • l’environnement, à l’aide du score pReCiPe, indice synthétique résumant les trois indicateurs environnementaux individuels prenant en compte les conflits)
  • l’économie (coût de l’alimentation).
    Le nombre de décès évités grâce au suivi des recommandations nutritionnelles a également été évalué à l’aide d’un modèle de risque comparatif4. Une analyse comparative a été effectuée avec les résultats des précédentes recommandations de 2001.

Un meilleur suivi des recommandations nutritionnelles françaises associé à des impacts environnementaux plus faibles

Conformément aux attentes, un score PNNS-GS2 plus élevé a été positivement corrélé avec le score PANDiet. Il est associé à :
1) une consommation plus importante d’aliments végétaux,
2) des apports énergétiques plus faibles,
3) des coûts alimentaires plus élevés (ΔQ5 par rapport à Q1 +0,91€/j),
4) des impacts environnementaux plus faibles (ΔQ5 par rapport à Q1 pReCiPe : -50%),
5) des expositions plus faibles aux pesticides étudiés, à l’exception de ceux utilisés dans l’agriculture biologique, et
6) une réduction d’environ 35 000 décès prématurés (évités ou retardés), notamment pour les cardiopathies ischémiques et les maladies cérébro-vasculaires.
L’amélioration de tous ces indicateurs en fonction du niveau de suivi a été plus marquée pour les recommandations de 2017 que pour celles de 2001.

Ces résultats suggèrent que les nouvelles recommandations nutritionnelles sont en adéquation avec le concept d’alimentation durable, avec toutefois une légère hausse du coût de l’alimentation observée pour un niveau de suivi plus élevé. Si elles sont adoptées par une grande partie de la population, ces recommandations nutritionnelles pourraient contribuer à la prévention de maladies chroniques tout en réduisant les impacts environnementaux liés à l’alimentation.

 

Emmanuelle Kesse-Guyot
Université Paris 13, Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN), Centre de Recherche en Epidémiologie et Statistiques, Inserm (U1153), Inra(U1125), Cnam, COMUE Sorbonne Paris Cité, F-93017 Bobigny, FRANCE
  1. Clark M, et al. The Diet, Health, and Environment Trilemma. Annual Review of Environment and Resources. 2018;43(1):109–34.
  2. Santé publique France – Santé publique France présente les nouvelles recommandations sur l’alimentation, l’activité physique et la sédentarité [Internet]. [cited 2019 Mar 1]. Available from: https://www.santepubliquefrance.fr/Accueil-Presse/Tous-les-communiques/Sante-publique-France-presente-les-nouvelles-recommandations-sur-l-alimentation-l-activite-physique-et-la-sedentarite
  3. Chaltiel D, et al. Programme National Nutrition Santé – guidelines score 2 (PNNS-GS2): development and validation of a diet quality score reflecting the 2017 French dietary guidelines. British Journal of Nutrition. 2019 Aug;122(3):331–42.
  4. Kesse-Guyot E, et al. Sustainability analysis of French dietary guidelines using multiple criteria. Nature Sustainability. 2020 Mar 23;1–9.
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