Cuisiner et consommer les fruits et légumes : une priorité en Amérique latine soutenue par l’OMS

Et si on s’alimentait de manière savoureuse et saine… donc : Péruvienne !

La cuisine traditionnelle péruvienne représente une fusion presque magique des traditions andines, espagnoles, italiennes, chinoises et japonaises. Les nombreuses réinterprétations qu’elle a connues durant ces 10 dernières années lui ont valu une reconnaissance internationale. Elle a incité de nombreux chefs étoilés, comme Ferran Adria, à s’y attarder, à la goûter et à lever les yeux au ciel en s’exclamant: “Hmmm!” Cette irruption de l’alimentation péruvienne sur la scène internationale était en gestation depuis deux décennies, concoctée par une nouvelle cohorte de chefs aventureux qui ont poussé cette cuisine sur le devant de la scène. L’origine de ces exercices de fusion culinaire date sans conteste d’il y a 500 ans quand les conquistadors ont découvert une variété presque infinie de nouveaux aliments (pommes de terre, cacahouètes, haricots, maïs, piments, quinoa, poissons inconnus) et la cuisine andine locale. Au cours des 500 années suivantes, les traditions culinaires andines, ibériques et arabes ont fusionné pour constituer ce que l’on appelle aujourd’hui la « cuisine péruvienne ».

Un boom alimentaire et économique

Le boom de la cuisine péruvienne a entraîné des résultats économiques importants. L’hôtellerie et la restauration ont connu une forte croissance, passant de 3,9% à 7,6% du PNB entre 2000 et 2006. L’emploi dans ce secteur a augmenté de 39% entre 2001 et 2004 1. Même évolution pour les chiffres du tourisme. De plus en plus nombreux, les touristes préfèrent les circuits gastronomiques à la visite rituelle des ruines de Machu Pichu à Cusco. La cuisine péruvienne a également connu d’énormes avancées à l’international. Aujourd’hui, on trouve, parmi les meilleurs de la ville, des restaurants péruviens haut de gamme à Barcelone, Madrid, San Francisco, New York, Sao Paulo et Buenos Aires.

Les questions culinaires sont une priorité quotidienne chez la majorité des Péruviens qui restent très attachés à leur sabor nacional (saveur nationale). Selon l’anthropologue et chef péruvien, Mariano Valderrama 1, ce “boom” aura un impact positif et significatif sur la qualité de l’alimentation dans la rue et à la maison. De plus, il valorisera toute la filière alimentaire du pays, en créant une plus forte demande pour une myriade d’aliments et d’ingrédients culinaires traditionnels.

Les traditions culinaires : un guide pour une alimentation plus saine

Le slogan du Ministère Péruvien de la Santé « S’alimenter de manière savoureuse, saine, Péruvienne “Eat tasty, eat healthy, eat Peruvian » 2 s’est sûrement inspiré de l’actuel boom culinaire et inculque une grande force aux changements sociaux. En fait, le Ministère de la Santé a lancé ce slogan il y a un an, après avoir relevé certaines caractéristiques saines de l’alimentation péruvienne. D’abord, une grande variété d’aliments naturels et complets est à la base de plats traditionnels ayant une saveur exquise. Ensuite l’alimentation péruvienne est basée sur l’utilisation d’aliments locaux et d’échanges régionaux intenses. Elle implique une participation active des personnes dans la préparation des aliments et favorise la convivialité, c’est-à-dire la dimension symbolique et culturelle du partage des aliments lors d’un repas.

Par dessus le marché, la cuisine péruvienne a perduré dans le temps: elle a choyé et nourri des dizaines de générations de Péruviens. Un véritable tour de force si l’on constate les dégâts provoqués par l’alimentation occidentale – « la malbouffe » – sur les deux dernières générations (maladies cardiovasculaires, diabète et cancer).

S’inspirer de l’alimentation traditionnelle comme guide pour une alimentation plus saine n’est pas une idée nouvelle. Les régimes méditerranéen et japonais, suite à des études approfondies, sont devenus des exemples internationaux d’alimentation saine. Mais toutes les cultures culinaires n’ont pas bénéficié de ce type d’analyse. Cependant, elles ont, sans aucun doute, passé le test de la durée sur plus d’un millénaire. Ce que certaines, sinon toutes, peuvent accomplir, c’est résister au marketing musclé des producteurs de produits industriels 3,4. Ces produits ont grandement influencé les politiques agricoles, les subventions commerciales et gouvernementales, selon le principe « quantité plutôt que qualité » en vantant la promotion de la facilité abolissant la corvée de cuisiner. Les industriels dépensent des milliards en campagnes marketing pour donner une image agréable et saine à leurs produits.

Une alimentation florissante et forte

Les traditions culinaires d’un pays sont une merveilleuse plate-forme, surtout lorsqu’elles établissent une connexion profonde entre la planète, l’alimentation, les personnes et l’identité culturelle. Néanmoins, là où le marketing global de produits industrialisés connaît d’importants succès, la seule promotion d’une alimentation saine ne fera aucun progrès si elle n’est pas reliée à la création d’une infrastructure d’alimentation saine. Ce qui veut dire: résister à l’invasion des produits industriels, réguler le marketing alimentaire et subventionner la production d’aliments complets et les marchés associés. Ainsi cette alimentation deviendra florissante et forte.


Remerciements
A mon épouse, Madame Patricia Murillo, pour ses idées, ses commentaires et ses corrections. Au Dr Jean-Claude Moubarac du Centre d’Etudes Epidémiologiques en Santé et en Nutrition de l’Université de São Paulo, pour ses précieux commentaires.

Enrique Jacoby
Conseiller Régional pour une Alimentation Saine, OPS/OMS (Organisation Pan Américaine de la Santé/Organisation Mondiale de la Santé)
  1. Valderrama M. El Boom de la Cocina Peruana http://www.rimisp.org/FCKeditor/UserFiles/File/documentos/docs/pdf/DTRIC/elboomdelacocinaperuana.pdf
  2. Traduction du document en Espagnol: “Come rico, come sano, come peruano”
  3. Les produits industriels comprennent les boissons et les snacks sucrés, et tout autre produit prêt à être consommé. Ainsi que tous les produits préparés, prêts à cuire, qui remplacent les plats et les repas servis à la maison et dans les cafétérias.
  4. Monteiro CA. The big issue is ultra-processing. World Nutrition 2010; 1(6): 237-59. disponible sur : http://www.wphna.org/wn_commentary_ultraprocessing_nov2010.asp
Retour Voir l'article suivant