Fruits & légumes et diabète

Fertilité et habitudes alimentaires : une affaire de couple

Les effets du métabolisme et de l’état nutritionnel sur la fertilité sont bien documentés, en particulier chez la femme. L’obésité peut être à l’origine de troubles du cycle et d’infertilité par le biais de modification endocriniennes et métaboliques perturbant la balance des stéroïdes sexuels, de l’insuline et de la leptine. A l’inverse, des troubles du comportement alimentaire (comme l’anorexie) ou une activité physique trop intense, à l’origine d’une perte de poids excessive, sont également associés à des troubles de l’ovulation.

A coté des effets délétères de l’excès ou de l’insuffisance de poids sur la reproduction, on pense que la consommation de certains aliments et boissons, et certaines habitudes de vie, pourraient affecter la fonction de reproduction chez les femmes. Ainsi, la prise d’alcool et de caféine, de même que le tabac, pourraient être impliqués dans les échecs de procréation médicalement assistée (PMA).

Une étude qui s’intéresse aux hommes

Si ces phénomènes sont actuellement de plus en plus étudiés chez les femmes, l’influence des facteurs nutritionnels et du mode de vie sur la fertilité masculine est moins bien connue. Il a été récemment suggéré que les échecs répétés des techniques d’ICSI (Injection Intra Cytoplasmique de Sperme) pourraient être liés à des facteurs liés à la qualité du sperme, peut-être influencés par le mode de vie et des habitudes alimentaires. Le but de cette étude réalisée par des chercheurs de l’institut de procréation médicalement assistée de Sao Paolo, a été d’analyser l’influence du mode de vie des hommes (habitudes alimentaires, facteurs sociaux) sur la qualité de leur semence et le succès de l’ICSI.

250 hommes participant à un protocole de procréation par ICSI ont complété, face à un investigateur, un questionnaire à choix multiples avant traitement. On les a interrogés sur leur fréquence de consommation de divers aliments et leurs habitudes sociales. Les effets potentiels de ces facteurs, sur la qualité du sperme d’une part et l’issue de la technique de procréation d’autre part, ont été analysés. En parallèle on a pris en compte le tabagisme des femmes et leur IMC (Indice de Masse Corporelle) qui peuvent influencer les résultats.

Alimentation, qualité du sperme et succès de la procréation

Les aliments étudiés étaient les céréales, les légumes, les légumineuses, les fruits, la viande rouge, de porc et de volaille, le poisson, les laitages, les sucreries, les boissons alcoolisées, les sodas contenant de la caféine et le café. La fréquence de consommation a été rapportée à une échelle allant de jamais (1) à tous les jours (5). On s’est également intéressé à leur niveau d’exercice physique (de moins d’1h à plus de 5h par semaine), à un éventuel régime amaigrissant, au nombre de repas par jour, et à leur consommation de tabac. Leur IMC a été calculé.

La qualité de leur sperme a été mesurée selon les critères officiels (concentration, nombre, mobilité, morphologie) après une préparation rigoureuse. La fécondation a ensuite été évaluée 18 heures après l’ICSI. La stimulation ovarienne a été réalisée selon les procédures habituelles.

Les relations entre ces divers paramètres ont été évaluées statistiquement au moyen des régressions logistiques.

Alcool et tabac : non.
Fruits et céréales : oui !

La concentration spermatique était influencée négativement par l’IMC et la consommation d’alcool, et positivement par la consommation de céréales, de légumineuses et le nombre de repas par jour.

La mobilité spermatique était associée négativement à l’IMC, l’alcool, et le tabagisme alors qu’elle était positivement influencée par la consommation de fruits et de céréales.

Aucune association n’a été retrouvée entre la morphologie et les habitudes alimentaires ou sociales.

La consommation d’alcool chez les hommes et le tabagisme chez les femmes ont eu une influence négative sur le taux de fertilisation.

La consommation de viande rouge ou la pratique d’un régime amaigrissant a eu un impact négatif sur le taux d’implantation embryonnaire et plus globalement sur les chances de grossesse.

En revanche, la consommation de légumes a été associée à une plus grande chance de fertilisation et surtout d’implantation.

Le rôle du stress oxydant

A coté des facteurs maternels connus (tabac, alcool, IMC), cette étude montre que la qualité du sperme et les résultats de l’ICSI peuvent également être liés à des facteurs masculins.

Parmi les hypothèses évoquées, le tabac peut être à l’origine d’une réduction du taux d’antioxydants dans le liquide séminal, l’alcool pouvant également augmenter le niveau de stress oxydatif identifié, depuis quelques années, comme l’une des causes importantes d’infertilité masculine.

Cette étude montre également que la qualité du sperme est liée à la consommation de céréales et de fruits et au nombre de repas par jour. Cela peut s’expliquer par un meilleur apport en minéraux, acides aminés essentiels et antioxydants d’origine végétale.

Quant à la caféine, l’influence délétère de sa consommation chez la femme, sur la reproduction est rapportée par diverses études et a même été impliquée comme facteur de risque de grossesse tardive.

Cette étude semble également montrer qu’une consommation importante de viande rouge pourrait réduire les chances de grossesse et d’implantation embryonnaire. Cela pourrait être lié, comme le suggèrent les auteurs, à la présence de substances xénobiotiques (comme des xéno oestrogènes en particulier) présentes dans la viande et ses produits transformés.

Ces résultats montrent que les chances de reproduction peuvent être liées à des habitudes alimentaires et sociales à la fois féminines et masculines.

Comme quoi, la fertilité c’est, en quelque sorte, une affaire de couple. Logique, non ?

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
De Almeida Ferreira Braga D.P. et al, Fertility and sterility, Vol 97 N°1 january 2012, pp 53-59.
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