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Fruits et légumes : La protection phytosanitaire, un risque maîtrisé

Selon un récent Eurobaromètre paru en 2010, la présence de produits chimiques dans l’alimentation, et notamment les pesticides, reste la première préoccupation des consommateurs européens, et plus encore français. Le Conseil Consommateurs d’Aprifel a auditionné plusieurs experts et professionnels pour faire le point sur cette question.

Nécessité d’une meilleure transparence au sein de toute la filière sur les pratiques

Pour le sociologue Claude Fischler du CNRS, les fruits et légumes, perçus comme plus proches du naturel, sont moins visés que d’autres aliments. Néanmoins, la confiance ne sera assurée qu’au prix d’une meilleure transparence au sein de toute la filière sur les pratiques, dont la protection phytosanitaire. Des expertises scientifiques venant de l’INSERM* ou de l’ANSES** cherchent à évaluer précisément les risques des pesticides sur la santé humaine. Ainsi, l’expertise collective de l’INSERM de 2013 -actualisée depuis- avait pour objectifs d’évaluer l’exposition aux pesticides des professionnels ou de certaines populations comme les jeunes enfants (expologie), de rechercher les effets à travers l’apparition de pathologies (épidémiologie) et enfin d’identifier les substances les plus dangereuses (toxicologie). Les conclusions sont moins « alarmistes » que prévu. « Contrairement aux idées reçues, les agriculteurs présentent globalement moins de cancers que la population générale, sauf pour certains cancers comme ceux du mélanome, ou de la prostate », a rappelé Johan Spinosi de l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS). Par contre, les études épidémiologiques tendent à montrer un lien potentiel entre l’exposition aux pesticides et certaines maladies comme la maladie de Parkinson. L’exposition des applicateurs passe d’abord par la peau, ce qui suppose le recours à des équipements de protection spécifiques.

Concernant les périodes prénatales, l’exposition des foetus, a priori plus vulnérables, conduit à des présomptions de liens avec certaines malformations et des problèmes de neurodéveloppement. Si les effets sur la fertilité masculine sont avérés pour des produits aujourd’hui interdits, pour de nombreux autres pesticides, les conclusions sont encore contradictoires. D’ailleurs, les substances identifiées comme toxiques sont progressivement interdites en France. L’évaluation des effets reste encore complexe. Les travaux de recherche médicale doivent donc être poursuivis et élargis notamment sur la question des faibles doses et des « effets cocktails ». L’importation de fruits et légumes, dont les exotiques, oblige à surveiller les pratiques et les produits utilisés dans d’autres pays ou continents à travers des contrôles de produits aux points d’entrée sur le continent en relation avec les syndicats d’importateurs.

Un cadre réglementaire européen de « phytopharmacovigilance ».

De son côté, Alexandre Nougadère, de l’ANSES a rappelé le rôle de l’organisme public en charge de la surveillance des risques alimentaires des consommateurs dans un cadre réglementaire européen de « phytopharmacovigilance ». Cela inclut l’homologation des produits et le contrôle des résidus dans les aliments. L’ANSES met en place des réseaux et des plans de surveillance. L’Agence réalise également des études à partir de l’alimentation totale (EAT 2), sans oublier les signalements éventuels pour rendre ses avis qui font référence. Il faut d’emblée souligner que la présence de pesticides lors de contrôles à grande échelle n’entraîne pas systématiquement de risque pour le consommateur dans la mesure où l’on est en-deçà des limites maximales de résidus (LMR) avec des expositions inférieures aux doses journalières admissibles (DJA). L’avis rendu en 2014 sur le dernier plan de surveillance (près de 4 millions résultats d’analyse) classe les substances actives en fonction du niveau de risque. La plupart des matières actives sont classées sans risque identifié. Les plus dangereux font l’objet d’une surveillance renforcée, notamment dans le cas de dépassement de LMR. L’étude sur l’alimentation totale (EAT) part de la consommation réelle des Français sur 3 régions et 2300 produits. Résultat : 37% des échantillons contiennent 1 ou plusieurs résidus (63% sans résidus). Un exemple : le dépassement pour le diméthoate sur cerises reste exceptionnel (moins de 1% des consommateurs) ; son usage est désormais interdit depuis 2016.

Les perturbateurs endocriniens sont encadrés par des règlements européens (REACH, pesticides ; DCE…). Sur les 700 substances analysées au niveau de la Commission européenne, on compte 400 pesticides. « Les modes d’action complexes au niveau hormonal obligent à prendre en compte les faibles doses », a confirmé Jean-Pierre Cravedi de l’Inra. L’EFSA a d’ailleurs engagé un travail de recensement des études disponibles sur cette question, devenue très sensible.

En conclusion, le problème des pesticides dans sa diversité et sa complexité suppose de renforcer les travaux de recherche pour mieux connaître les risques à travers les niveaux d’exposition, les mécanismes d’action (directs ou indirects). Une meilleure connaissance de ces risques permet de mieux les maîtriser, voire de les éviter quand cela est possible, et partant, de mieux rassurer les consommateurs.

Rémi Mer
Journaliste - FRANCE
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