Réduire les apports énergétiques en augmentant la consommation de F&L

La tomate sous le regard du scientifique

La tomate est considérée comme bénéfique pour lutter contre les maladies cardiovasculaires et le cancer de la prostate. Si les aspects scientifiques continuent à porter sur l’activité antioxydante du lycopène, un pigment de la famille des caroténoïdes, conférant à la tomate sa couleur rouge caractéristique 1, ce fruit-légume contient bien d’autres composés pouvant présenter des effets additionnels et/ou synergiques avec le lycopène.

Quoi qu’il en soit, l’effet protecteur sur les maladies cardiovasculaires et le cancer de la prostate, détecté par les études épidémiologiques a été décrit chez les consommateurs de tomate et non des ingrédients qu’elle contient. La démonstration d’effets synergiques ou additionnels des composés bioactifs d‘un aliment est difficile en raison de la nécessité d’utiliser un placebo pour étudier un effet propre.

Tomates rouges et tomates jaunes

Notre laboratoire a récemment envisagé des expérimentations chez l’animal 2 et chez l’homme 3 pour tenter de dissocier les effets propres du lycopène de ceux de la matrice tomate. Les effets du lycopène ont ainsi été comparés à ceux de la tomate rouge, et les effets de cette dernière ont été comparés avec ceux obtenus par des tomates jaunes, dépourvues de lycopène. Cette approche a été ciblée sur des cellules de cancer prostatique, incubées avec le sérum d’individus ayant consommé pendant 8 jours le lycopène, la tomate rouge et la tomate jaune. Cette approche permet, d’une part de prendre en compte les métabolites circulant des composés bioactifs, et d’autre part de se situer dans des conditions plus physiologiques, notamment par rapport aux concentrations de ces composés apportées aux cellules.

Dans ces conditions expérimentales, les résultats montrent que l’ingestion des tomates rouges, comme celle de lycopène augmente significativement le taux plasmatique de lycopène. Dans le plasma recueilli après ingestion de tomate jaune, le lycopène reste au niveau observé chez ces mêmes individus après les périodes dites de « lavage » au cours desquelles les aliments contenant de la tomate leur est interdite.

Nous avons également noté que la concentration plasmatique en vitamine C était augmentée suite à l’ingestion des tomates jaunes et rouges. Une telle augmentation n’a pas été détectée après l’apport du lycopène ou de son placebo.

Un complément de lycopène pur augmente l’expression d’oncogènes…

L’effet cellulaire a été analysé au niveau moléculaire, notamment par quantification de l’expression de gènes ciblés pour leur action bénéfique ou, au contraire, délétère sur la carcinogenèse prostatique. Seuls 6 gènes parmi les quarante ciblés dans l’étude ont été affectés par cette approche ex-vivo. Aucun des gènes impliqués dans la croissance, la réponse inflammatoire, le métabolisme lipidique ou l’angiogenèse n’a ainsi été modifié dans ces conditions expérimentales. L’apport de sérum des individus ayant ingéré des tomates rouges, et à un moindre degré des tomates jaunes, modifie l’expression des gènes (Bax, Bcl2, p53, cycline d1) dans le sens d’une inhibition de la prolifération cellulaire. Ces modifications ne peuvent pas être attribuées au lycopène car elles ne se produisent pas en présence de sérum enrichi par l’apport de lycopène pur. L’apport de sérum des mêmes individus ayant pris du lycopène, sous forme de complément alimentaire, augmente l’expression de l’oncogène (c-Fos) et du gène u-Par, impliqué dans les processus métastasiques comme cela a déjà été décrit lorsque des cellules cancéreuses sont incubées avec du lycopène 4.

Quel mécanisme de l’effet protecteur spécifiquement associé à la tomate rouge ?

Toutefois, le gène de récepteur à l’IGF (IGFBP3) – un facteur de croissance très communément augmenté chez les patients cancéreux – est significativement surexprimé lorsque les cellules cancéreuses sont incubées avec du sérum enrichi en lycopène, provenant de la tomate rouge ou administré sous forme de complément alimentaire. Ce dernier résultat indique qu’un meilleur contrôle de l’IGF constitue le mécanisme sous jacent à l’effet protecteur spécifiquement associé à la tomate rouge, le principal pourvoyeur de lycopène dans l’alimentation des pays industrialisés.

En conclusion, il existe une relation potentielle entre la consommation de tomate et de lycopène, mais un apport de lycopène sans la matrice tomate présente des effets procarcinogéniques et ne saurait être suffisant pour baisser la survie des cellules cancéreuses qui est assurée par les autres micronutriments de la matrice tomate.

Edmond Rock
Institut National de la Recherche Agronomique Unité de Nutrition Humaine, UMR 1019 Centre Clermont-Theix - FRANCE
  1. Basu A & Imrhan V. (2007). Eur J Clin Nutr., 61: 295-303.
  2. Gitenay D, et al. (2007). Biochem Biophys Res Commun., 364: 578-582.
  3. Talvas J, et al. (2010). Am J Clin Nutr., 91: 1716-1724.
  4. Forbes K, et al. (2003). Exp Biol Med., 228: 967-71.
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