Le savoir-faire culinaire : un véritable levier au manger sain

Les crises culinaires : mais quelles crises ?

La cuisine est depuis toujours une source de discussion et d’intérêt chez ceux qui plaident en faveur d’une alimentation saine. En 1842, Chadwick, un grand réformateur de la santé publique, plaidait déjà en faveur d’une éducation culinaire ¹. Plus proche de nous, l’administration Obama a soutenu les programmes culinaires, en particulier la Première Dame, par le biais du programme “La Cuisine compte” (“Cooking Matters”), pour faire face au problème de l’obésité aux Etats-Unis (http://cookingmatters.org/).

Cuisiner ou ne pas cuisiner ?

Certaines personnes attribuent la perte de savoir-faire culinaire aux modifications des pratiques et à la manière dont nous mangeons 2,3,4. D’autres contestent cet argument, en affirmant qu’il ne s’agit pas d’une perte mais d’une modification qui est due aux changements des modes d’approvisionnement alimentaire et aux contraintes de temps 1. En 1999, nos travaux ont montré que la population britannique avait un faible niveau de savoir-faire culinaire et que ce défi cit était particulièrement marqué chez les riches 2.

Preuves en faveur d’interventions culinaires Des nouveaux arguments émargent pour indiquer que dans les communautés où l’on fait la cuisine 3, l’état de santé est meilleur. Cependant, nous ne savons pas actuellement comment transmettre efficacement les savoir-faire culinaires et favoriser leur maintien dans le contexte actuel de changements d’habitudes et de temps…

♦ Des preuves à l’école

Les actions de promotion de la cuisine à l’école mettent en avant le lien entre la cuisine et la santé 4. Nos recherches les plus récentes ont étudié le transfert du savoir-faire de la classe jusqu’au domicile 5. Nous avons ainsi pu noter quelques transferts à court terme de savoir-faire et d’acceptation de nouvelles saveurs. Un grand succès a été observé pour les légumes et leur consommation quand on a encouragé leur intégration comme un élément important du repas de midi et non plus comme un simple camouflage sous forme d’ingrédients. Le goût et l’approbation des pairs se sont révélés comme des facteurs majeurs de ce succès.

♦ Les ateliers culinaires communautaires pour adultes

Les ateliers culinaires pour adultes sont des initiatives diététiques populaires. Ils sont souvent organisés afin de combler les lacunes de connaissances et de savoir-faire chez des adultes qui n’y ont pas eu accès auparavant. Une revue des ateliers culinaires pour adultes a estimé que les preuves disponibles en leur faveur n’étaient pas concluantes chez les adultes. Cependant ces évaluations étant de piètre qualité 6. Malgré ce manque de preuves, les institutions publiques et privées continuent à soutenir financièrement ce type d’initiative.

Une bonne façon de promouvoir une alimentation saine

Les principaux soutiens pour l’enseignement de la cuisine proviennent du secteur de la santé qui est convaincu que c’est une bonne façon de promouvoir une alimentation saine. De nombreux chefs réputés s’y sont associés, le plus connu étant Jamie Oliver (les autres étant Stéphanie Alexander en Australie et Alice Waters aux Etats-Unis). La majorité des affirmations ne reposent pas sur des preuves et semblent surtout émaner du manque d’imagination des agences de santé publique. Jusqu’à présent nous avons investi dans des programmes sans avoir une base de preuves très claires. Nous devons donc aujourd’hui investir dans la recherche afin d’obtenir des arguments solides en faveur des activités existantes.

Des principes à respecter

Il y a de nombreuses raisons d’enseigner la cuisine. La première est d’aider les citoyens à progresser à plusieurs niveaux, comme les choix alimentaires et les interactions sociales… même si un individu décide de ne pas cuisiner par la suite.

Des preuves existent que la cuisine peut jouer un rôle en faveur d’une alimentation saine à condition de respecter les principes suivants :

  • Permettre aux jeunes et aux adultes de préparer, expérimenter, goûter et essayer de nouveaux aliments dans un environnement sûr.
  • La participation active a plus de chances de réussir que la simple démonstration. En effet, montrer la préparation d’un plat ou d’un repas suggère qu’il n’y a qu’une seule manière de s’y prendre.
  • Les méthodes qui se focalisent sur la préparation de repas avec des légumes comme ingrédient principal ou comme accompagnement ont plus de chance de favoriser une alimentation saine.
  • Enfin, le lien entre savoir-faire et confiance en soi est important.
Martin Caraher
Centre de Politique Alimentaire, Université de la Cité, Londres, Royaume-Uni
  1. Short, F. (2006) Kitchen secrets: The meaning of cooking in everyday life. Berg, London.
  2. Caraher M., et al (1999) The state of cooking in England: The relationship of cooking skills to food choice. British Food Journal, 101(8), 590–609.
  3. Chen, R. C.-Y., Lee, M. S., Chang, Y. H., & Wahlqvist, M. L. (2012). Cooking frequency may enhance survival in Taiwanese elderly. Public Health Nutrition, 15(7), 1142–1149.
  4. Seeley, A., Wu, M. and Caraher, M. (2010) ‘Should we teach cooking in schools? A systematic review of the literature of school-based cooking interventions’, Journal of the Home Economics Institute of Australia, 17 (1), 10-19.
  5. Caraher, M., et al. (2013). When chefs adopt a school? An evaluation of a cooking intervention in English primary schools. Appetite, 111(4-5), 452-474. doi:10.1016/j. appet.2012.11.007
  6. Rees. R., et al. (2012) Communities that cook: a systematic review of the effectiveness and appropriateness of interventions to introduce adults to home cooking. EPPI-Centre, Social Science, Research Unit, Institute of Education, University of London.
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