Microbiote du sol, des plantes, animal et humain : qu'ont-ils à nous apprendre ?

Micro-organismes du sol : pierres angulaires du One Health

Le rôle essentiel des micro-organismes dans l’approche « One Health » fait actuellement l’objet de nombreuses études scientifiques. Des données récentes démontrent notamment que les communautés microbiennes des différents organismes vivants sont interconnectées et fonctionnent comme une unité génomique à part entière. Toutefois, peu de travaux sont disponibles sur la place du sol et de ses résidents au sein de cette boucle microbienne. Une étude récente fournit de nouvelles preuves sur l’importance du microbiome du sol et de sa contribution à la santé végétale, animale et humaine dans une approche « One Health ».

L’approche « One Health » – une seule santé – considère que la santé de l‘homme est indissociable de celle des autres composantes – sol, plantes et animaux – de l’écosystème. Dans ce cadre conceptuel, de nombreuses études émergent sur le rôle déterminant des micro-organismes. Des travaux récents ont notamment démontré que les microbiomes des plantes, des animaux et des hommes étaient liés et que cette association déterminait le bien-être et les capacités de la quasi-totalité des organismes d’un même écosystème (Adair, 2018 ; Singh, 2020).

Toutefois, le paysage de la recherche sur ce sujet reste principalement dominé par des études sur les agents responsables de zoonoses, bien que les interactions avec le microbiome ne se limitent pas aux pathogènes (Trinh, 2018 ; Berg, 2020). De même, peu de données sont disponibles sur le rôle du microbiome du sol dans l’approche One Health. Une étude récente (Banerjee, 2023) met en avant l’importance des communautés microbiennes du sol en soulignant leur contribution à la santé des plantes, des animaux et des humains.

Le sol, un réservoir renfermant une grande diversité de micro-organismes

Les sols sont particulièrement riches en micro-organismes. Ils abritent notamment le microbiome le plus diversifié et le plus complexe de la planète, renfermant souvent plus de 0,5 mg de biomasse microbienne carbonée et plus de 50 000 espèces par gramme (van der Heijden, 2008; Fierer,2017). Les micro-organismes résidant dans le sol et en profondeur constituent la plus grande fraction de la biomasse globale terrestre, après les plantes, et servent ainsi de réservoir microbien.

Les micro-organismes dominants dans le sol sont généralement des bactéries et des champignons, dont la biomasse est supérieure à celle des protistes et des archées, suivis par les particules virales (Bar-On, 2018). Lorsque l’on compare différents compartiments du microbiome – sol, plante, animal, humain, on constate que la diversité et les acteurs dominants varient considérablement. Par exemple, le sol et la rhizosphère sont très diversifiés et dominés par les Pseudomonadota, les Actinomycetota, les Cyanobacteria et les Acidobacteriota. L’intestin humain est moins diversifié et dominé par les Bacillota et les Bacteroidota, tandis que les microbiomes animaux sont relativement plus diversifiés, avec une présence notable de Pseudomonadota (Fierer, 2017 ; Triveldi, 2020).

Le sol, grand contributeur et déterminant des microbiomes végétaux, animaux et humains

Les micro-organismes relient le sol, les plantes, les animaux et la santé humaine, tandis que les communautés microbiennes – c’est-à-dire le microbiote – relient les différents écosystèmes.

En tant que réservoir microbien, le sol détermine en premier lieu le microbiome des plantes. Les composants spécifiques du microbiote du sol se rassemblent dans la rhizosphère des plantes et sont ainsi incorporés dans les racines de sorte que les plantes bénéficient d’un sous-ensemble du microbiome du sol (Edwards, 2015). Les bactéries favorisant la croissance des plantes peuvent également être transmises verticalement par les semences (Rochefort, 2021). En fournissant plus de deux tiers de la diversité bactérienne et fongique, le sol est ainsi le plus grand contributeur au microbiote endophytique des plantes (Abdelfattah, 2021).

Parallèlement, le sol détermine également le microbiome intestinal de l’homme et de l’animal. En effet, le microbiote végétal renferme des micro-organismes issus du sol, qui sont susceptibles d’être retrouvés dans le microbiome intestinal des humains et des animaux. Pour exemple, les agriculteurs et les animaux d’élevage sont régulièrement exposés aux sols, de même que nous inhalons des particules de sol comprenant des micro-organismes à travers la poussière. Toutefois, l’apport alimentaire reste le principal contributeur à la composition du microbiome intestinal de l’homme et de l’animal.

Microbiomes du sol, acteurs essentiels du One Health

Les microbiomes du sol jouent un rôle central dans les services écosystémiquese et peuvent ainsi contribuer à l’approche “One Health” en influençant directement et indirectement la santé des sols, des plantes, des animaux et des êtres humains (voir figure 1). Les microbiomes du sol interviennent dans  une multitude de processus essentiels, impliqués dans la santé des sols, tels que le recyclage des nutriments, la dynamique de la matière organique, la structure du sol, les transformations et la séquestration du carbone (Fierer, 2017 ; Naylor, 2020). De plus, les micro-organismes du sol conditionnent les cycles biogéochimiques, ayant un impact direct sur l’atténuation du changement climatique (Bender, 2016).

Par ailleurs, certains micro-organismes présents dans les sols peuvent impacter positivement ou négativement la santé des plantes. Par exemple, les champignons mycorhiziens, Trichoderma spp. et Piriformospora spp. sont connus pour leur rôle dans la nutrition des plantes, la stimulation de la croissance, la régulation hormonale ainsi que le contrôle du stress (Tamburini, 2020). A l’inverse, de nombreux pathogènes végétaux transmis par le sol nuisent à la plante et peuvent provoquer des maladies mortelles chez les animaux comme la “maladie du Charbon”, l’œdème malin ou encore la nocardiose (Morris, 2002).

Chez l’animal, les microbiomes du sol sont capables d’influencer positivement leur comportement social. En effet, une réduction de l’anxiété a été observée chez des souris exposées à la poussière (Liddicoat, 2020). De même, l’exposition au sol permettrait de réduire l’inflammation allergique et exercerait une influence positive sur l’axe intestin-poumon chez les souris (Ottman, 2019).

Enfin, chez l’homme, les personnes les plus exposées au sol sont moins susceptibles de développer de réactions allergiques. Néanmoins, certains micro-organismes peuvent provoquer des maladies telluriques telle que la méningite fongique, la diarrhée, la dysenterie amibienne et l’helminthiase (Wall, 2015).

Figure 1 : Contribution des microbiomes du sol à l’approche « One Health   (adapté de Banerjee et al, 2023)

Basé sur : Banerjee S, van der Heijden MGA. Soil microbiomes and one health. Nat Rev Microbiol. 2023 Jan;21(1):6-20.

Messages clés
  • Les sols sont des pierres angulaires de l’approche One Health et servent de réservoir de pathogènes, de micro-organismes bénéfiques et de diversité microbienne globale pour un large éventail d’organismes et d’écosystèmes.
  • Le microbiome du sol exerce de nombreuses fonctions qui contribuent directement ou indirectement à la santé du sol, des plantes, des animaux et de l’homme.
Références
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