Consommation de fruits et légumes chez les adolescents

Parents : ne forcez pas vos enfants à manger des légumes ! Sucrez les choux-fleurs !

Pour beaucoup de parents, augmenter la consommation de fruits et légumes chez leurs enfants demeure un véritable défi car les stratégies qu’ils utilisent restent souvent inefficaces.

Ainsi, de nombreux parents récompensent leur enfant par un dessert s’il a bien mangé les aliments “sains” durant le repas. Efficace ? Pas tellement : seulement 7% rapportent que cette stratégie a augmenté la préférence de leur enfant pour un aliment donné. D’autres choisissent de forcer leurs enfants à consommer les aliments les plus sains de leur repas en les obligeant à rester à table jusqu’à ce qu’ils aient “fini leur assiette”. L’impact ? Egalement négatif ! Que rapportent généralement les enfants ? Qu’ils détestent plus les aliments qu’on les a forcés à manger.

Pour tenter de résoudre ce casse tête, cet article présente une stratégie alternative que les parents peuvent utiliser pour augmenter la consommation de fruits et légumes : l’apprentissage par renforcement de la saveur. Non seulement c’est une méthode efficace mais en outre, elle représente une stratégie pratique pour les parents.

Un apprentissage par renforcement de la saveur

Question de base : “Pourquoi est-ce que certaines personnes ne mangent pas de fruits et légumes ?”. Une des raisons serait que certains fruits sont aigres (par exemple, le pamplemousse) et que la plupart des légumes sont amers. Les enfants et les adultes doivent apprendre à apprécier ces saveurs car, dès la naissance, les bébés rejètent les saveurs aigres et amères. Une méthode serait d’accroitre la préférence pour les fruits et légumes en y ajoutant des saveurs déjà appréciées (comme les produits sucrés) ou en les mélangeant à des nutriments déjà acceptés. Cependant, si de nombreux produits améliorent les saveurs et rendent les aliments meilleurs au goût, ils ajoutent souvent des calories. Dans cet article, nous ne faisons pas de distinction entre améliorer le goût des aliments et les rendre nutritifs. Chaque méthode augmente de son coté la préférence pour un aliment chez les animaux et les humains.

Sucrer le pamplemousse et les brocolis !

Dans une étude récente, nous avons noté que certains enfants (âgés de 2 à 5 ans) n’appréciaient pas, au départ, le goût aigre du jus de pamplemousse. Pour augmenter leur préférence, nous avons proposé aux enfants :

  • un jus de pamplemousse sucré pendant 20 jours (phase de conditionnement).
  • Ensuite (phase de test) un jus de pamplemousse ordinaire (sans sucre ajouté).
  • Résultat : les enfants qui, au début, n’appréciaient pas le jus, montraient une préférence accrue pour le goût aigre du jus de pamplemousse par rapport aux mesures de départ.
  • Lors d’un test de suivi quelques semaines plus tard, les enfants disaient toujours apprécier le jus à goût aigre sans sucre.

Chez les adultes, des résultats similaires ont été obtenus pour les légumes. A l’université, des étudiants ont reçu, à deux occasions, des brocolis et du chou-fleur sucrés. Certains on reçu des brocolis sucrés et du chou-fleur non sucré, d’autres du chou-fleur sucré et des brocolis sans sucre. Exposés ensuite à des brocolis et du chou-fleur non sucré, les étudiants ont attribué une meilleure note au légume qu’ils avaient d’abord consommé sucré par rapport à celui qu’ils avaient consommé non sucré.

Tout comme pour le jus de pamplemousse, les résultats de cette étude montrent donc que rendre les légumes plus appétissants en les sucrant permettait de diminuer leur rejet.

Une méthode efficace à court terme mais quels résultats à long terme ?

Malgré l’efficacité de cette méthode d’apprentissage, elle n’est utilisée que par seulement un tiers des parents pour modifier les préférences alimentaires de leurs enfants. Une des interrogations des parents serait la réticence de l’usage de sucres et d’édulcorants pour augmenter la préférence alimentaire.

Si c’est le cas, il faut informer les parents que la méthode d’apprentissage comporte deux facettes :

  • D’abord, les édulcorants ne sont pas forcément caloriques, ils doivent seulement apporter un goût sucré. Des édulcorants non caloriques, comme l’aspartame, permettent ainsi d’augmenter les préférences pour les fruits et légumes.
  • Ensuite, les préférences seraient établies de manière permanente sans apprentissage supplémentaire. Vu nos travaux, édulcorer les aliments pendant quelques semaines devrait suffire pour établir des préférences, même après l’arrêt des édulcorants. En fait, il a été montré que les saveurs ayant été édulcorées continuent à être perçues comme « ayant un goût » sucré même lorsqu’il n’y a plus de sucre ajouté! Ceci expliquerait que les enfants de notre étude continuent à apprécier le goût aigre du jus de fruit des semaines après.

A ce stade, nous avons donc montré qu’édulcorer les fruits et légumes pendant une courte période est une stratégie efficace pour diminuer leur rejet par les enfants et les adultes. D’autres observations sont, bien sûr, nécessaires. Néanmoins, de plus en plus de publications viennent étayer l’affirmation que ces changements de goût perdurent. Qu’attendez vous pour essayer ?

Gregory J Privitera
Université de l’Etat d’Arizona, USA

Casey, R. & Rozin, P. (1989). Changing children’s food preferences: Parents opinions. Appetite, 12, 171-182.

Batsell, W. R., Jr., Brown, A. S., Ansfield, M. E., & Paschall, G. Y. (2002). “You will eat all of that!’”: A retrospective analysis of forced consumption episodes. Appetite, 38, 211-219.

Lipsitt, L. P., & Behl, G. (1990). Taste-mediated differences in the sucking behavior of human newborns. In E. D. Capaldi, & T. L. Powley (Eds.), Taste, experience, and feeding (pp. 75–93). Washington, DC: American Psychological Association.

Privitera, G. J. (2008). The psychological dieter: It’s not all about the calories. Lanham, MD: University Press of America.

Capaldi, E. D. & Privitera, G. J. (2008). Decreasing dislike for sour and bitter in children and adults. Appetite, 50 (1), 139-145.

Stevenson, R. J., Boakes, R. A., & Wilson, J. P. (2000). Resistance to extinction of conditioned odour perceptions: Evaluative conditioning is not unique. Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, & Cognition, 26, 423–440.

Retour Voir l'article suivant