Choix alimentaires chez les étudiants

300 millions d’obèses… et moi et moi et moi !

Aujourd’hui, dans le monde, 1 milliard de personnes sont en excès de poids et on compte parmi elles, 300 millions d’obèses. Si c’est d’abord dans les pays industrialisés – honneur aux riches – que l’obésité a commencé à se manifester, elle s’est progressivement étendue aux pays en voie de développement, à mesure que la malnutrition y régressait…

Revers de la médaille de l’occidentalisation : apports énergétiques qui croissent, sédentarité plus grande, migration des zones rurales vers les villes… “Est ce ainsi que les hommes grossissent ?” Sans doute… Et comptetenu de ses complications et de leur coût, il faut s’attendre à ce que l’obésité pose rapidement des problèmes économiques majeurs aux pays en cours de développement …

Afin dévaluer l’étendue des dégâts, Earl Ford et Ali Mokdad, du Centre de contrôle et de prévention des maladies chroniques (CDCP) d’Atlanta, viennent de réaliser un état des lieux de la situation – dans l’hémisphère occidental – c’est-à-dire là où les données sont surtout disponibles. Leur attention s’est portée sur les Amériques du Nord, Centrale, du Sud et les Iles Caraïbes. Leurs sources ? Les articles publiés dans Pubmed – en privilégiant les études de populations et les cohortes importantes – et les données de l’IOTF (International Obesity Task Force) avec un focus particulier pour 4 pays de l’hémisphère Ouest : USA, Brésil, Mexique et Canada.

De fortes disparités géographiques

Première constatation : il existe de fortes disparités géographiques entre, et à l’intérieur même, de ces pays. Ainsi la prévalence de l’obésité peut varier entre 16,8% au riche Trinidad et 34,7% en république de Panama (voir tableau).

En moyenne, plus de 20% des habitants sont obèses que ce soit aux Bahamas, à la Barbade, au Canada, Chili, Guyane, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou, à Sainte Lucie, Trinidad, aux Etats-Unis et au Venezuela…

En général, les femmes sont plus touchées que les hommes. On retrouve également de grandes disparités dans les populations âgées de plus de 60 ans, allant du simple au triple, entre la Havane (13.1%) et Montevideo (33,1%). Dans divers pays d’Amérique latine, la prévalence de l’obésité a même dépassé 50% durant la période 2000-2005 (Équateur, Mexique, Paraguay, Pérou).

Un coût de 117 milliards de dollars

S’il est un pays où la progression de l’obésité est bien documentée, c’est celui là ! Selon les études NHES et NHANES, ce sont les femmes adultes, blanches et afro américaines, qui ont été les premières victimes de l’épidémie, qui a ensuite frappé les hommes, puis les enfants et les adolescents. Et qui continue de faire des émules : outre atlantique, d’après les plus récentes données, 33,3% des hommes et 35,3% des femmes sont aujourd’hui obèses. DE plus, entre les années 90 et 2000, la prévalence de l’obésité morbide de classe III (IMC > 40) a triplé, passant de 0,8% à 2,2%. L’épidémie a commencé par le Sud avant de gagner toutes les régions des Etats-Unis. Les coûts directs et indirects de l’obésité étaient estimés à 117 milliards de dollars en 2000…

Alerte chez les enfants !

C’est à la fin des années 80 que l’étude Bogalusa a alerté sur la progression de l’obésité infantile, en révélant qu’en dix ans, la prévalence du surpoids était passée de 15 à 24% chez les enfants de 7 à 14 ans. D’autres études ont confirmé cette progression, en particulier chez les enfants de moins de 2 ans d’origine hispanique et asiatique… Entre les années 60 et 90, les jeunes enfants (de 6 à 11 ans) ont été particulièrement concernés, en particulier les afro-américains où l’obésité est passée de 2 à 13,4% chez les garçons et de 5.4 à 14.4% chez les filles… Les adolescents (12-17 ans) n’ont pas été épargnés, qu’ils soient blancs (14,4 contre 5,4%) ou noirs (9,4 contre 3.7%).

Les données les plus récentes (période 2003-2006) révèlent que l’obésité touche 16,3% des jeunes américains de 2 à 19 ans, avec toutefois des inégalités entre les blancs (14,6%), les afro (20,7%) et les hispanos (20,9%) américains.

En parallèle, en une dizaine d’années, la prévalence de l’obésité abdominale a globalement doublé dans cette tranche d’âge…

Evolution aussi préoccupante au Canada, où la prévalence de l’obésité chez les adultes est passée de 10,4 à 22,7% en une trentaine d’années. Elle a globalement doublé chez les enfants, passant de 5 à 13,5% chez les garçons et 11,8% chez les filles.

Les conséquences du boom économique au Brésil et à Mexico

Depuis les années 70, le pays des favelas et de la chirurgie plastique a connu une rapide expansion économique et, en contrepartie, une augmentation de la prévalence de l’obésité qui est passée de 2,7 à 8.8% chez les Brésiliens et de 7,4 à 13% chez les Brésiliennes.

Il persiste au sein du pays un gradient positif entre le niveau de revenus et la prévalence de l’obésité, ainsi qu’une forte disparité géographique entre le Nord et le Sud (qui compte la prévalence la plus élevée).

Chez les plus jeunes, la prévalence de l’obésité a quadruplé chez les garçons (13,1 vs 2.9%) et triplé chez les filles (14,8 vs 5.3%).

Avec 110 millions d’habitants, le Mexique occupe la troisième place en terme de population dans l’hémisphère occidental. On s’y préoccupe de l’obésité depuis une dizaine d’années. Globalement, sa prévalence a augmenté de 4% entre 2000 et 2006 chez les adultes. Selon les sources, elle varie de 20 à 25% chez les hommes et de 30 à 35% chez les femmes qui, par ces chiffres, ont le morbide honneur de rivaliser avec la ménagère américaine.

Pour les enfants, selon l’IOTF, on trouverait 6 à 9% d’obèses chez les garçons et 6 à 8% chez les filles. On dénombre d’avantage de petits obèses dans les milieux favorisés et les zones urbaines, ainsi que dans la partie Nord du Mexique que dans le Sud.

Tout le monde est concerné

La prévalence de l’obésité a donc augmenté au Brésil, au Canada, au Mexique et aux USA, comme dans beaucoup d’autres pays également…

En termes d’IMC, les USA sont en passe d’être rattrapés par le Mexique. La croissance économique a littéralement catapulté des pays comme le Mexique ou le Brésil dans une triple transition : démographique, nutritionnelle et épidémiologique. Alors que la malnutrition posait, il y a peu, un sérieux problème dans de nombreux pays, elle est en train de céder la place à l’obésité et ses corollaires de diabète et d’hypertension… Bientôt, ces sociétés émergentes devront manifestement s’adapter à cette période de turbulence et à ses inévitables répercussions économiques. Tout le monde est aujourd’hui concerné

Thierry Gibault
Nutritionniste, endocrinologue, Paris - FRANCE
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