Choix alimentaires chez les étudiants

Quand les Belges mangent au restaurant universitaire…

L’alimentation hors domicile s’est considérablement développée au cours de la dernière décennie et fait aujourd’hui partie intégrante des habitudes alimentaires normales. En raison d’une densité calorique élevée et d’une taille plus importante des portions, on peut supposer que ce type d’alimentation est associé à des apports caloriques trop élevés1, 2. Le secteur de la restauration représente donc un levier capital pour promouvoir une alimentation et une hygiène de vie saines3.

Si les cantines scolaires peuvent constituer un environnement obésogène4, elles représentent également un lieu potentiel pour améliorer l’alimentation des étudiants5.

Nous avons donc examiné le profil nutritionnel des aliments proposés dans les cantines et nous avons ensuite comparé avec ce qui était consommé par des étudiants6.

4365 repas possibles en théorie !

Notre enquête a été menée à l’Université de Gent en 2004. Les étudiants fréquentant le restaurant universitaire pouvaient choisir entre quatre sources de protéines (dont du poisson et un repas végétarien). Pour les légumes, ils avaient le choix entre deux plats de légumes cuits et deux types de crudités. 5 types de féculents étaient propo
sés : riz, pommes de terre vapeur, purée, frites et croquettes de pommes de terre panées. Parmi toutes les personnes qui prenaient un repas, une sur cinq a été invitée à participer. En photographiant le plateau repas on a pu évaluer la qualité nutritionnelle des aliments choisis. Les restes ont été pesés et ensuite déduits du poids des aliments choisis afin d’estimer les quantités consommées. Les valeurs nutritionnelles ont été obtenues à partir des dossiers techniques fournis par les producteurs et les tables de composition alimentaire officielles belges.

Nous avons simulé toutes les combinaisons théoriques possibles pour un repas en multipliant le nombre de choix de protéines, de sauces, de féculents et de légumes offerts pour un jour donné. On a ainsi obtenu un total de 4365 repas.

Peu de combinaisons respectent les 3 recommandations

La qualité nutritionnelle de chacun a été évaluée selon l’échelle suivante : un point était attribué si le repas répondait à au moins une des recommandations suivantes :

  1. sel < 2000 mg/jour
  2. apport calorique < 35% de matières grasses
  3. légumes > 200 g

Par rapport aux recommandations nutritionnelles belges, les diverses combinaisons de repas proposaient trop de protéines et de matières grasses et pas assez d’hydrates de carbone. En moyenne, l’apport calorique provenant des graisses était supérieur à 35% pour 64% des combinaisons disponibles. Pour 18% des repas théoriques, la quantité de sel excédait 2000 mg et dans 86% il y avait moins de 200 g de légumes. En somme, très peu de combinaisons possibles respectaient les 3 recommandations, la majorité ne répondant qu’à une, voire aucune…

Des repas trop riches en protéines et en graisses

Les données réelles ont été recueillies pour 330 repas. Très peu comportaient des fruits et, dans certains cas, il n’y avait même aucun légume, hormis ceux de la soupe. Par rapport aux recommandations, 50% des repas consommés apportaient trop de protéines et 51% trop de matières grasses.

En moyenne, pour 60% des repas consommés, l’apport calorique des lipides dépassait 35% des calories, pour 17% ils apportaient plus de 2000 mg de sel par jour et pour 13% seulement comportaient 200 g ou plus de fruits ou de légumes.

Seuls 5% répondaient à toutes les recommandations, ces repas étaient surtout des repas végétariens ou à forte composante de légumes.

Promouvoir la consommation des légumes verts et des féculents

Les compositions en macronutriments des repas choisis par les étudiants concordent avec celles des combinaisons théoriques. Si la taille des portions de fruits et légumes est le critère le plus difficile à satisfaire dans les repas réellement consommés, au niveau des combinaisons théoriques c’est surtout l’apport calorique des matières grasses.

Dans la moitié des repas consommés la portion de légumes était trop faible pour répondre aux recommandations et peu de consommateurs avaient ajouté une portion supplémentaire de légumes. Les fruits n’étaient pas inclus dans le menu et devaient être achetés à part.

Une recommandation clé de notre étude est donc d’explorer l’effet d’une offre supplémentaire en fruits et légumes à la cantine, quand on sait que cette mesure s’est montrée efficace au Danemark5.

Un étiquetage des profils nutritionnels des aliments pourrait être une manière d’éclairer les choix des consommateurs, en les incitant à la consommation d’aliments sains. Nous avons montré que le profil nutritionnel pouvait être également utilisé comme outil d’évaluation dans les restaurants universitaires. Nos résultats ouvrent la voie vers une telle approche, en particulier pour promouvoir la consommation des légumes verts et des féculents.

Une priorité : accroitre les possibilités de choix alimentaires

Nos données montrent que le profil des repas choisis correspond à ce qui était proposé. Seulement 5% des repas disponibles correspondaient à un profil nutritionnel optimal, ce qui, en l’absence d’indications, rend presque impossible un choix adapté. Dans ce restaurant universitaire, les repas proposés étaient tout simplement trop riches en matières grasses et en sel, et insuffisamment en légumes et en fruits. Dans un tel environnement, les consommateurs, pour la plupart, ont tout simplement mangé… ce qu’on leur offrait.

Nos résultats indiquent que pour ce type d’environnement nutritionnel, il faut d’abord modifier les possibilités de choix alimentaires avant d’essayer d’influencer les consommateurs. Les apports en macronutriments doivent être plus équilibrés et la taille des portions de fruits et légumes augmentée. Ce n’est qu’à ce prix que des modifications peuvent contribuer à promouvoir une véritable alimentation saine à long terme.

Carl Lachat
Unité de Nutrition et Santé de l’Enfant, Institut de Médecine Tropicale, Belgique & Département de Sécurité et Qualité Alimentaire, Université de Gand, Belgique
Patrick Kolsteren
Unité de Nutrition et Santé de l’Enfant, Institut de Médecine Tropicale, Belgique & Département de Sécurité et Qualité Alimentaire, Université de Gand, Belgique
  1. Diliberti N et al. Obesity Research 2004; 12(3):562-568.
  2. Stubbs J et al. Critical Reviews in Food Science and Nutrition 2000; 40(6):481-515.
  3. Lachat CK et al. Public Health Nutrition 2008; in press.
  4. Bell AC & Swinburn BA. European Journal of Clinical Nutrition 2004; 58(2):258-263.
  5. Lassen A et al. Public Health Nutrition 2004; 7(2):263-270.
  6. Lachat C.K et al. Public Health Nutrition, 12 (1):122-128
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