Rôle des parents dans l’alimentation de leurs enfants

Ce que nous apprennent les maladies respiratoires sur la prévention par l’alimentation

Si différents aliments et nutriments ont été étudiés en relation avec les maladies respiratoires, ceux spécifiquement en cause restent encore mal connus. Différentes méthodes, complémentaires les unes des autres, ont été proposées pour l’estimation de l’alimentation dans les études épidémiologiques. Si la plupart des résultats proviennent d’analyses transversales, les analyses longitudinales sont encore peu nombreuses. Cependant, l’ensemble des études suggère un rôle de l’alimentation dans les pathologies respiratoires. Les recherches doivent se poursuivre dans ce sens, afin de rendre systématique la prise en compte de l’épidémiologie nutritionnelle dans la compréhension de mécanismes physiopathologiques pertinents dans la dégradation de la fonction ventilatoire, la survenue et l’évolution de l’asthme. Lors de la 10e Université d’été de Nutrition, qui s’est récemment tenue à Clermont-Ferrand, Raphaëlle Varroso (INSERM U780) a donné une conférence remarquée sur le rôle clé de l’alimentation dans la prévention des maladies respiratoires.

Des facteurs environnementaux, génétiques et comportementaux

Contrairement aux maladies cardiovasculaires ou aux cancers, ce n’est que relativement récemment que se sont développées des recherches sur les facteurs alimentaires impliqués dans les maladies respiratoires, qui représentent pourtant un problème majeur de santé publique. Parmi ces pathologies, on distingue l’asthme et les bronchopneumopathies chroniques obstructives (BPCO). L’asthme concerne 5 à 10% de la population générale ; les BPCO représentent la cinquième cause mondiale de mortalité, en lien notamment avec le vieillissement de la population. Ces maladies respiratoires sont d’origine inflammatoire et ont une étiologie complexe impliquant, sans doute à la fois, des facteurs environnementaux, génétiques et comportementaux.

La forte augmentation de la prévalence de l’asthme depuis 30 ans témoigne de l’importance de facteurs environnementaux et comportementaux, dont les caractéristiques ont changé durant cette période. S’il est presque toujours d’origine allergique chez les enfants, chez l’adulte, l’asthme peut présenter des formes sévères, partageant des caractéristiques communes avec les BPCO et associées à un déclin accéléré et irréversible de la fonction ventilatoire malgré un traitement. Certes, le tabagisme est le facteur de risque environnemental majeur des BPCO. Il reste cependant de grandes incertitudes sur : les mécanismes expliquant la survenue des BPCO chez certains fumeurs seulement, l’incidence d’exacerbations chez les malades avérés et, plus généralement, sur l’évolution de la maladie.

Des consommations élevées de fruits sont associées à de meilleures fonctions ventilatoires

La modification des habitudes alimentaires dans la plupart des pays industrialisés, avec notamment une diminution de la consommation de fruits et légumes et une augmentation de la consommation de produits transformés, est une hypothèse fortement évoquée pour expliquer l’augmentation de la prévalence de l’asthme et des BPCO. La plupart des études conduites sur le rôle de l’alimentation dans les maladies respiratoires obstructives ont porté sur les effets protecteurs des fruits et légumes, des micronutriments antioxydants (vitamine C, vitamine E, bétacarotène) et des acides gras oméga-3.

Ainsi, une consommation importante de vitamine C a été associée à une meilleure fonction ventilatoire et à une prévalence d’asthme plus faible. Dans les études longitudinales, des consommations élevées de fruits, tout comme de vitamine C, ont été associées à un plus faible déclin du volume expiratoire maximal par seconde (VEMS).

Le rôle du stress nitrosant dans les maladies respiratoires

L’approche par typologies alimentaires semble particulièrement intéressante dans les pathologies respiratoires pour lesquelles l’effet spécifique de nombreux aliments est encore mal connu. Elle permet d’étayer des hypothèses sur les mécanismes d’action des aliments potentiellement en cause. Ainsi, parmi les mécanismes impliqués dans les maladies inflammatoires (dont font partie les maladies respiratoires obstructives) les stress oxydant et nitrosant présentent un grand intérêt pour l’étude du rôle de l’alimentation.

Le stress oxydant se définit par un déséquilibre dans la balance oxydants/antioxydants en faveur des oxydants.

Le stress nitrosant se définit par des concentrations très élevées d’espèces réactives nitrosantes, telles que le NO (Oxyde nitrique) et ses dérivés comme les nitrates, les nitrites ou la nitrotyrosine, dont la concentration est augmentée dans le mucus bronchique des BPCO et des asthmatiques. Si l’alimentation est potentiellement génératrice (de manière directe ou indirecte) d’espèces réactives nitrosantes, c’est également une source possible d’antioxydants.

Ainsi, les produits carnés nécessitant une salaison (jambon, saucisson…) sont une source importante de nitrites, utilisés comme agent de salaison et agent antibactérien. Des travaux récents ont montré qu’une consommation élevée de charcuterie, bacon et hot dogs, était associée à une fonction ventilatoire diminuée et une prévalence de BPCO plus élevée. On ne sait pas encore, dans quelle mesure les fruits et les légumes, sources naturelles d’une large gamme d’antioxydants sont capables de contrecarrer les effets potentiellement négatifs des charcuteries, mais c’est une hypothèse probable.

Un véritable changement de paradigme dans notre vision de la prévention.

Longtemps on a cru que de nombreux organes développaient des pathologies spécifiques de façon indépendante de l’environnement nutritionnel. En matière de pathologies pulmonaires, la prévention a surtout été ciblée – et à juste titre – sur la lutte contre le tabagisme. Ces données exposées par Raphaëlle Varroso montrent à quel point une démarche préventive doit être globale et ne doit pas négliger l’utilité de modes alimentaires protecteurs riches en fruits et légumes, comme on l’a bien mis en évidence pour la prévention d’autres pathologies.

L’approche nutritionnelle n’est pas seulement utiles pour protéger notre cœur ou nos artères. Elle est aussi importante pour les autres organes dont le bon fonctionnement dépend de la qualité des apports nutritionnels.

Nous assistons là à un changement de paradigme dans notre vision de la prévention.

Christian Rémésy
Directeur de recherche - INRA - FRANCE
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