Rôle des parents dans l’alimentation de leurs enfants

Perception des fruits et légumes et développement cognitif chez l’enfant

Le choix de la santé, c’est le choix du goût !

Malgré leurs effets bénéfiques pour la santé, la consommation des fruits et légumes chez les enfants reste inférieure aux recommandations1,2.

Toutefois, des études d’intervention ont montré qu’on pouvait augmenter de façon efficace cette consommation. Les augmentations obtenues vont de 0 à 2,5 portions par jour… Cependant, la plupart des changements observés sont plutôt dus à un accroissement de la consommation de fruits que de légumes… En outre, on observe rarement des changements à long terme3, 5. Pour améliorer ces résultats, il semble donc important de se centrer sur de nouvelles approches.

La préférence gustative étant un facteur déterminant important de la consommation alimentaire des enfants6, 8, il serait logique d’essayer d’augmenter la préférence gustative des enfants pour les fruits et légumes. Cette approche est en parfait accord avec la Charte d’Ottawa, qui proclame que “Le choix de la santé, c’est le choix du goût !”.

Des façons différentes d’aborder les données alimentaires

Nous avons constaté que, dans l’étude des préférences alimentaires chez les enfants, le développement cognitif n’a presque jamais été pris en compte.

Les théories du développement montrent qu’à mesure que les enfants grandissent, leurs capacités cognitives augmentent : la pensée concrète devient plus abstraite et logique, le traitement des données plus élaboré et stratégique, le “tout ramener à soi” et l’égocentrisme diminuent, alors que les capacités à effectuer des opérations mentales et à émettre des hypothèses augmentent9, 10. Chez les enfants, ces phases cognitives correspondent à des façons différentes d’aborder, percevoir et comprendre les données alimentaires. Il est donc nécessaire d’utiliser des approches différentes pour modifier leurs préférences alimentaires.

Notre étude a ainsi porté sur l’aspect qualitatif de la relation entre le développement cognitif des enfants et leurs préférences et perceptions alimentaires. Des discussions de groupes et des interviews en face à face (duo-interviews) ont eu lieu avec des enfants de trois groupes d’âge : 4-5 ans, 7-8 ans et 11-12-ans. Différents sujets ont été abordés et plusieurs fruits différents ont été goûtés (voir référence (11) pour une description détaillée).

Les jeunes enfants sont plus sensibles à l’apparence

Les préférences des enfants des trois groupes d’âge sont influencées par des facteurs différents.

Ainsi, les jeunes enfants se focalisent plus sur l’apparence et la texture alors que les plus âgés sont plus portés sur les saveurs. Ces résultats confortent les travaux de Rose et col12.

Les enfants plus âgés connaissent de façon plus précise le mode de préparation des aliments, ce qui peut indiquer que les plus jeunes enfants peuvent détester les épinards sous toutes leurs formes, alors que les enfants plus âgés peuvent détester les épinards à la vapeur mais les apprécier incorporés à un plat cuisiné.

La santé : un concept trop abstrait pour un enfant

Nous avons également trouvé que les jeunes enfants ont des difficultés à définir “la santé”. Pour eux, c’est un concept trop abstrait car il nécessite d’intégrer la notion du “long terme”.

Contrairement à certaines données montrant que la plupart des enfants associent “aliments sains” aux “aliments insipides”13, 14, nous avons trouvé que ce lien n’était pas encore établi chez les enfants de 4-5-ans mais qu’il se développait plus tard, vers l’âge de 7-8 ans.

Il est important également que les parents utilisent des stratégies différentes pour encourager les enfants à consommer des aliments sains pour ces trois groupes d’âge en fonction de leurs capacités cognitives. En outre, lorsque les enfants grandissent, l’émergence de la pression sociale et d’autres nombreux facteurs, influence le raisonnement des enfants concernant les fruits et légumes.

Les 2 conseils clés pour faire aimer les fruits et légumes à vous enfants

Au vu de nos résultats, nous suggérons donc aux parents les actions suivantes pour encourager la consommation des fruits et légumes par leurs enfants :

  • Ne leur dites pas “Mange tes légumes (ou tes fruits), c’est bon pour ta santé”.
  1. : les jeunes enfants ne comprennent pas le sens du mot “santé”.
  2. : les plus âgés associent souvent “aliments sains” avec “aliments insipides”.
  • Soyez bien conscient que la texture et l’apparence ont plus d’importance chez les jeunes enfants. Il faut donc déterminer les textures et les modes de présentations des fruits et légumes qui sont les plus attrayantes pour votre enfant. En les préparant de cette manière, vous augmenterez le désir de votre enfant d’y goûter et les chances d’en manger plus.

Conclusion de tout ça : il semble que le niveau de développement cognitif des enfants joue bien un rôle dans les perceptions et les préférences pour les fruits et légumes. Pour que les interventions visant à augmenter la consommation des fruits et légumes chez les enfants soient efficaces à long terme, il convient de prendre en également compte ces nouveaux aspects.

Gertrude G Zeinstra
Département de Nutrition Humaine, Université de Wageningen , Wageningen, Pays-Bas
Maria A Koelen
Département de Science de la Communication, Université de Wageningen , Wageningen, Pays-Bas
Frans J Kok
Département de Nutrition Humaine, Université de Wageningen , Wageningen, Pays-Bas
Cees de Graaf
Département de Nutrition Humaine, Université de Wageningen , Wageningen, Pays-Bas
  1. Gibson EL, Wardle J, Watts CJ. Fruit and vegetable consumption, nutritional knowledge and beliefs in mothers and children. Appetite. 1998 Oct;31(2):205-28.
  2. Yngve A, Wolf A, Poortvliet E, Elmadfa I, Brug J, Ehrenblad B, et al. Fruit and vegetable intake in a sample of 11-year-old children in 9 European countries: The Pro Children Cross-sectional Survey. Ann Nutr Metab. 2005 Jul-Aug;49(4):236-45.
  3. Blanchette L, Brug J. Determinants of fruit and vegetable consumption among 6-12-year-old children and effective interventions to increase consumption. J Hum Nutr Diet. 2005 Dec;18(6):431-43.
  4. French SA, Stables G. Environmental interventions to promote vegetable and fruit consumption among youth in school settings. Prev Med. 2003 Dec;37(6 Pt 1):593-610.
  5. Knai C, Pomerleau J, Lock K, McKee M. Getting children to eat more fruit and vegetables: A systematic review. Prev Med. 2006 Feb;42(2):85-95.
  6. Birch LL, Fisher JO. Development of eating behaviors among children and adolescents. Pediatrics. 1998;101(3):539-49.
  7. Nu CT, MacLeod P, Barthelemy J. Effects of age and gender on adolescents’ food habits and preferences. Food Qual Pref. 1996 1996/0;7(3-4):251-62.
  8. Perez-Rodrigo C, Ribas L, Serra-Majem L, Aranceta J. Food preferences of Spanish children and young people: the enKid study. Eur J Clin Nutr. 2003 Sep;57 Suppl 1:S45-8.
  9. Roedder-John D. Consumer Socialization of Children: A Retrospective Look at Twenty-Five Years of Research. J Consum Res. 1999 dec;26(3):183-213.
  10. Schaffer HR. Introducing child psychology. UK Edition ed. Oxford: Blackwell Publishers; 2003.
  11. Zeinstra GG, Koelen MA, Kok FJ, de Graaf C. Cognitive development and children’s perceptions of fruit and vegetables; a qualitative study. Int J Behav Nutr Phys Act. 2007;4:30.
  12. Rose G, Laing DG, Oram N, Hutchinson I. Sensory profiling by children aged 6-7 and 10-11 years. Part 2: a modality approach. Food Qual Pref. 2004 2004/9;15(6):597-606.
  13. McKinley MC, Lowis C, Robson PJ, Wallace JMW, Morrissey M, Moran A, et al. It’s good to talk: children’s views on food and nutrition. Eur J Clin Nutr 2005 16 feb 2005;59(4):542.
  14. Wardle J, Huon G. An experimental investigation of the influence of health information on children’s taste preferences. Health Educ Res. 2000 Feb;15(1):39-44.
Retour Voir l'article suivant